La publication allocation-universelle.net a pour ambition de s'adresser aussi bien aux économistes qu'aux non économistes. La présent document s'adresse à ces derniers. Il expose des principes et données que chaque citoyen devrait connaître.
Le produit intérieur brut (PIB) est la production totale de biens & services finals moins la consommation de biens & services intermédiaires, c-à-d la somme des "valeurs ajoutées" :
PIB(VA) = recettes - coût des biens intermédiaires
Par "brut" on entend le fait que la dépréciation annuelle du capital (amortissements) n'est pas prise en compte.
Est prise en compte la VA :
L'État peut être considéré comme une "méta entreprise publique" qui vend certains de ses produits & services à des prix inférieurs à ceux du marché privé, et qui perçoit une partie de ses revenus sous la forme d'impôts perçus sur l'ensemble des agents économiques (entreprises privées, entreprises publiques, et ménage), pour redistribuer les richesses produites (notions d'agents "contributeurs vs bénéficiaires nets") et éventuellement financer tout ou partie de certaines entreprises publiques pures. On notera qu'il existe au sein des grandes entreprises composites le même type de relation qu'entre l'État "méta entreprises publique" et les entreprises publiques qui le composent.
Le tableau suivant montre que les entreprises produisent les 2/3 du PIB, le reste étant partagé en parts égales par l'État et les ménages.
Le poste "Entreprises" comprend des entreprises publiques. Mais celles-ci sont rares, et d'autant plus que nombre d'entre-elles ne sont pas pures (une partie du capital est détenu par des entreprises privées). Selon moi, toute entreprise publique devrait être pure (100 % publique), car la mixité privilégie les actionnaires privés, par rapport au reste de la population.
Outre l'approche production de VA, il y en a deux autres pour calculer le PIB :
Cette approche me pose problème au niveau logique car elle compare des emplois (C et I) à des destinations (X) et origines (M) étrangères. Comment dans ces conditions éviter les doubles comptabilisations ? Pour une critique approfondie de PIB(Dép.) voir /dette-publique#modele-comptabilite-nationale
Ces deux approches doivent donc nécessairement conduire au même résultat que celle par la somme des valeurs ajoutées.
Il y a également la relation suivante entre approches production et revenus :
les recettes de la ventes de biens & services sont utilisées pour payer les revenus des facteurs de production (travail et capital) et les biens intermédiaires :
recettes = revenus + coût des biens intermédiaires
or nous avons vu que :
PIB(VA) = recettes - coût des biens intermédiaires
⇒ en substituant les recettes :
PIB(VA) = revenus - coût des biens intermédiaires + coût des biens intermédiaires
de sorte que :
PIB(VA) = revenus
On obtient le revenu national brut en retirant le solde des flux de revenus primaires avec le reste du monde :
RNB = PIB - ( RM - Rx )
soit en France en 2021 :
2574 = 2500 + 74
Voyons le calcul du PIB par les dépenses (cf. tableau infra) :
Enfin le PIB est le fait quasiment à parité des facteurs de production travail (L) et capital (K).
En résumé :
PIB(VA) | = | VA(Ent.) | + | VA(Adm.) | + | VA(Mén.) |
---|---|---|---|---|---|---|
70 | 15 | 15 | ||||
PIB(Dep.) | = | C | + | I | + | ( X - M ) |
77 | 25 | -2 | ||||
PIB(Rev.) | = | R(L) | + | R(K) | ||
50 | 50 |
Une comptabilité nationale "tordue" et anti-sociale ?
Les tableaux ci-dessus sont une présentation simplifiée des données sources (INSEE).
En effet, la plupart des manuels d'économies et des agences nationales de statistique ont pour pratique de présenter comme suit les trois approches :
Analyse de cette présentation :
Ces impôts sont retirés des postes VA(ent.) et R(K).
On pourrait à priori se rassurer par le fait que les trois approches livrent des résultats quasiment identiques. Mais c'est là oublier que la comptabilité n'a pas la rigueur des mathématiques, car elle permet, par des artifices comptables, d'obtenir presque n'importe quel résultat souhaité. Ainsi il suffit de déterminer l'une des trois approches comme étant "la meilleure", puis de définir le contenu des deux autres de sorte que leur contenu total est identique avec l'approche de référence.
Voilà qui illustre parfaitement la différence entre sciences exactes (mathématique, physique, biologie) et sciences humaines (économie, sociologie, droit, histoire, ...).
Ainsi cette présentation biaisée est utilisée pour produire les interprétations idéologiques (et erronées) suivantes :
Or toutes ces interprétations sont fausses, car l'État ne brûle pas ses recettes fiscales, et les dépenses qu'elles financent ne sont pas non nécessairement inutiles :
Terminons cet encadré en ajoutant que ces mesures du PIB en prennent pas en compte l'effet de l'activité humaine sur la dégradation des ressources naturelles. Pour des mesures plus complètes du PIB, voir konfedera.org/developpement-durable#PIB-qualitatif.
Pour obtenir le revenu national brut, on ajoute au PIB le solde net des revenus primaire avec le reste du monde (ligne 15 du tableau infra). La différence est minime de sorte que PIB et RNB sont généralement considérés comme équivalents.
À partir du revenu national brut on obtient le revenu disponible national en retirant les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations : 44 % du PIB) et en ajoutant les transferts de sécurité sociale (27 % du PIB). Le revenu disponible représente donc 100-44+27 = 83 % du revenu national, les 17 % de différence étant consacrés aux services publics (éducation, santé, routes, justice, police, ...). Autrement dit, en arrondissant fortement, environ la moitié du revenu national est capté par l'État via la fiscalité, qui en utilise la moitié pour les transferts (redistribution), et l'autre moitié pour les services publics.
Le tableau ci-dessus concerne la notion macro-économique de revenu national. Le tableau suivant présente le revenu primaire (c-à-d avant prélèvements obligatoires) des seuls ménages. Il est composé au 3/4 de revenus du travail, et pour 1/4 de revenus du capital. Ces derniers sont composés pour 3/4 de revenus du capital non financier.
Répartition des revenus des ménages (France, 2021)
Tableur patrimoine-revenus.ods ; source : insee.fr
Nous verrons que chez les plus riches, la part des revenus du capital financier est nettement plus élevée. Or la particularité du capital financier est que, étant très mobile, il échappe facilement aux prélèvements obligatoires (échappement fiscal, dont fraude fiscale, grâce aux conseils d'experts financiers) ...
Ménage. Les économistes entendent habituellement par "ménage", le nombre de personnes partageant un même toit [source]. En France (2019), 37 % des ménages sont constitués d'une seule personne, 33 % de deux personnes, et 30 % de plus de trois personnes [source]. Quant à la taille moyenne, elle était de 2,19 personnes/mén. en 2019 [source].
Niveau de vie. Pour calculer le niveau de vie d'un ménage (ou plus exactement "de chaque membre d'un ménage"), on divise le revenu disponible du ménage, non pas par le nombre de personnes entre lesquels ce revenu est partagé, mais, de façon plus précise, par le nombre d'unités de consommation (UC) que représentent l'ensemble des membres d'un ménage.
L'UC d'un ménage est calculée comme suit [source] :
On peut ainsi, au niveau macroéconomique, calculer comme suit l'UC moyenne des enfants sur la durée de vie d'enfant (soit 18 ans) : UC(E) = 14 / 18 * 0,3 + 4 / 18 * 0,5 ≈ 0,34 UC.
On peut alors formuler la taille moyenne des ménages en UC, en pondérant en fonction des parts respectives des adults et des enfants dans la population :
soit :
• T(M) : taille moyenne des ménages (en nombre de personnes)
• UC(A+) : UC des adultes autres que le premier (indice "1 barré")
• P(A) / P : part des adultes dans la population
• P(E) / P : part des enfants dans la population
alors :
UC(M) = 1 + ( T(M) * P(A) / P - 1 ) * UC(A+) + T(M) * P(E) / P * UC(E)
La valeur de 2018 selon l'INSEE est de 1,52 (1,525 pour la médiane) [source].
Les quelques exemple présentés dans le tableau suivant vous permettent de juger de la pertinence de cette façon de calculer le niveau de vie (comparez les situations familiales décrites dans les colonnes B à D, avec leur classement décroissant dans la colonne G) :
Tableur menage.ods
Le tableau suivant synthétise les étapes menant du revenu brut au niveau de vie.
Terme | Définition | Remarque |
---|---|---|
Revenu brut/primaire | Yb | Comprend revenus du travail (salaire) et du capital (loyer, dividendes, intérêts, héritage). |
Revenu disponible | Yd = Yb - PO + SS | Notion de "contributeur net vs bénéficiaire net. |
Niveau de vie | Yd / UC | Notion de ménage. |
PO : prélèvements obligatoires sur les revenus ; SS : aides sociales financières.
Le revenu disponible médian était de 2.550 euros/mois pour un ménage moyen en 2018 [source] .
Par conséquent, le niveau vie médian des ménages français vaut donc : 2.550 / 1,525 ≈ 1.650 euros/mois.
Incohérences de l'INSEE. Selon l'INSEE, le niveau de vie médian serait d'environ 1.850 euros/mois [source, 2019], ce qui correspond à UC(M) = 2550 / 1850 = 1,39 ... ce qui ne correspond pas à leurs estimation de 1,525 [source] ...
Si le PIB et le revenu national sont des flux, le patrimoine national (la richesse) est quant à lui un stock. Le ratio PIB / patrimoine national est donc le rendement macroéconomique du capital.
En France :
Par conséquent :
Le tableau suivant synthétise la répartition du patrimoine national. Les valeurs sont exprimées en % du patrimoine national (cellule B7).
Répartition du patrimoine national (France, 2021)
Tableur patrimoine-revenus.ods ; source : insee.fr
Informations importantes que révèle ce tableau :
ligne 7 : les personnes physiques que sont les "ménages" détiennent 77 % du patrimoine national ;
NB : les personnes morales que sont les entreprises et l'État sont in fine propriétés – publique ou privée – de personnes physiques.
la ligne 6 illustre notre thèse que seules les personnes physiques ("ménages") sont facteurs/agents de production, tandis que les personnes morales (entreprises et État) sont des moyens/objets de production (cf. konfedera.org/developpement-durable#facteur-de-production)
cellule B3 : le patrimoine national est constitué à 80 % d'immobilier ;
ligne 4 : la part de l'État dans le patrimoine logement est étonnamment faible (E4)...
Pour financer ses productions de biens et services l'État dispose de quatre moyens complémentaires :
deux moyens de financement qu'il a en commun avec les entreprises privées :
emprunts (auprès du secteur privé domestique ou étranger et auprès d'États étrangers ou d'organismes internationaux tels que le FMI) qu'il doit rembourser à échéances fixes, avec en plus le paiement d'intérêts (et même, dans le cas du FMI, avec une obligation de politiques économiques d'orientation libérale ...) ;
dividendes provenant des entreprises publiques (malheureusement de plus en plus rares suite à leur privatisation par des décideurs politique convertis à l'idéologie libérale ou corrompus) ;
et deux moyens de financement dont il a le monopole :
prélèvements obligatoires : impôts, taxes et cotisations ;
création monétaire "ex nihilo".
Cet instrument est cependant limité par la contrainte inflationniste, qui "vaporise" la création monétaire si celle-ci vient alimenter la seule consommation sans hausse correspondante de la production de biens & services. Mais d'autre part, la création monétaire peut être utilisée intégralement pour financer une partie des dépenses de sécurité sociale, si la création monétaire est retirée aux banques privée, et distribuée par l'État entre les seules personnes physique. C'est le principe du financement distributif de l'AU (AUD), qui est tel que le financement redistributif (fiscal) de l'AU (AUR) est diminué par l'AUD : AUR : AU - AUD.
Le tableau ci-dessous présente la répartition des recettes fiscales (en France et dans la zone euro, en 2021). Les données sont exprimées en % du total (il suffit de multiplier par 0,47 pour obtenir la valeur en % du PIB)
On notera que les impôts sur le bénéfice ne représentent que 6 à 7 % des recettes fiscales, et moins de 3 % du PIB. Pour la zone euro, les prélèvements sur le capital représentent 20 % des recettes fiscales, contre 80 % pour le travail et la consommation (ou encore, respectivement, 8 et 32 % du PIB). Le capital est donc fiscalement privilégié, relativement au travail.
Le tableau suivant présente la répartition des dépenses publiques (en France et dans la zone euro, en 2021), dont celle de sécurité sociale. Les données sont exprimées en % du PIB.
Tableur + sources
On notera qu'en France, l'ensemble constitué par les postes "dépenses de chômage", "exclusion sociale" et "aides au logement" ne représente que 15 % des dépenses de SS, 8 % des dépenses publiques, et 3,7 % du PIB.
Entre 2017 et 2021, les dépenses publiques dans la zone euro sont passées de 47 % à 51 % du PIB, principalement en raison de l'augmentation du poste "affaires économiques" (essentiellement constitué des postes "subsides" et "transports").
Le concept de développement économique est complexe, notamment en raison de ses effets indésirables. Parmi ceux-ci la dégradation de l'environnement (cf. konfedera.org/developpement-durable), est le plus connu. Un autre de ces effets secondaires est la pauvreté.
À priori cela peut paraître étrange, car nous sommes conditionnés à penser que le développement économique n'aurait pas d'effets indésirables sur la pauvreté, qu'il ne ferait au contraire que réduire.
Il suffit pourtant de réaliser que la pauvreté est aussi un concept relatif, pour comprendre qu'un développement économique déséquilibré, c-à-d qui augmente l'écart de richesse entre plus riches et moins riches, a pour effet d'augmenter la pauvreté relative. Or ce phénomène n'est pas sans danger pour la démocratie, et partant, le développement économique.
Et en termes absolus, on peut très bien avoir une augmentation de la production mondiale de biens & services, avec une régression du niveau de vie d'une partie de la population, si la création de richesses est insuffisamment partagée.
Mais, diront certains, il ne faut pas tuer la "poule aux oeufs d'or" qu'est l'appât du gain, qui serait le moteur psychique du développement.
On comprend alors qu'un arbitrage doit être opéré entre l'avancée des plus ingénieux et productifs agents économiques de la société, et ceux qui pour diverses raisons se trouvent en queue de peloton. Lorsque celui-ci est trop étiré, il arrive un moment où une séparation se produit, de sorte que la communication directe n'est plus possible.
Est-il possible de concevoir un critère objectif permettant de déterminer un arbitrage optimale entre les deux extrêmes de la dynamique du développement. La présente publication suggère que la réponse est oui.Une définition pragmatique consiste à qualifier de pauvre toute personne « dont les ressources sont si faibles qu'elle est exclue du mode de vie normal dans le pays où elle vit » [source].
Précarité. Guillaume le Blanc livre une analyse sociologique de la précarité, concept englobant la pauvreté : « si une vie précaire est le plus souvent mal assise, peinant à se déployer dans les trois registres de la possession, de l’action et de la narration, il reste que l’entrée dans la précarité est, en règle générale, caractérisée par le saccage de l’un de ces registres, dont l’effondrement peut alors retentir sur les autres capacités. (...) Il existe ainsi trois entrées dans la précarité, par la misère, la marginalité et le mépris social, selon que ce sont les propriétés sociales, les dispositions à l’action ou les compétences verbales qui sont frappées de discrédit » [source]. Exposé que l'on pourrait résumé comme suit :
Registres | Possession | Action | Narration |
---|---|---|---|
Entrée dans la précarité par | la misère | la marginalité | le mépris social |
En raison d'un manque de | propriétés sociales | dispositions à l’action | compétences verbales |
La statistique qui illustre le mieux la réalité de la précarité est le fait que l’espérance de vie des personnes ayant vécu de longues années dans la grande précarité est terriblement réduite : elle se situe entre 50 et 55 ans, soit plus de 25 ans de moins que le reste de la population [source p. 14].
Il n'est donc pas évident de définir la pauvreté de façon objective. Par conséquent le même problème se pose pour sa mesure. Celle-ci peut être opérée à deux niveaux :
Seuil de pauvreté. On peut mesurer le seuil de pauvreté de deux façons :
Soulignons ici un fait important : l'évaluation relative du seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian est substantiellement inférieure à l'évaluation absolue fournie par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), qui dans une étude publiée en 2015 (par l'ONPES, aujourd'hui intégrée à la CNLE) estime que le budget nécessaire « pour une participation effective à la vie sociale » est d'environ 1.500 euros/mois en France en 2014 [source], ce qui correspond à près de 90% du revenu médian de cette même année [source]. Ainsi, selon cette définition plus stricte, le taux de pauvreté passe de 15% à 35% de la population.
L'indicateur relatif facilite les comparaisons internationales, lesquelles demeurent possible avec les indicateurs absolus pourvu que l'on utilise un référentiel commun tel que la parité de pouvoir d'achat.
La relativité du seuil fondé sur le niveau de vie médian est illustrée par le fait que si ce revenu médian diminue, alors les personnes dont les revenus se situent entre l'ancienne et la nouvelle limite ne sont plus considérées comme pauvres, malgré un revenu inchangé. À l'inverse si le revenu médian augmente, le nombre de personnes considérées comme pauvre augmente.
Taux de pauvreté. Le taux de pauvreté est le nombre de pauvres par rapport à la population totale.
Le tableau suivant montre qu'en France les écarts de patrimoine sont nettement plus marqués que les écarts de revenus. Ce phénomène est observé dans la plupart des pays.
Répartition des patrimoines et revenus (France 2010)
Classe pauvre | Classe moyenne | Classe aisée | |
---|---|---|---|
% pop. adulte | 50 | 40 | 10 |
% patrimoines | 4 | 34 | 62 |
% revenus | 27 | 42 | 31 |
Total | 100 | 100 | 100 |
Source : revolution-fiscale.fr p. 25 et 33
Concernant la France, on peut distinguer trois périodes dans l'évolution du taux de pauvreté :
1990, c'est la chute de l'Union soviétique, qui marqua le début de la domination idéologique libérale partout en Europe ...
2008-2009, c'est la crise financière des subprimes. ...
Pauvreté chez les indépendants>
Alors que le taux de pauvreté des ouvriers est égal à la moyenne nationale (15%) il est de 19% chez les indépendants, une catégorie hétéroclite, avec beaucoup d’agriculteurs, d’entrepreneurs individuels et maintenant d’auto-entrepreneurs, souvent des personnes en difficulté, obligées de s’installer à leur compte du fait de la montée du chômage et de la précarisation de l’emploi [source p.13].
Bien que les écarts de richesse ne se confondent pas avec la pauvreté, ces notions sont cependant très liées dès lors que la pauvreté peut être mesurée de façon relative.
Deux indicateurs synthétiques souvent utilisés pour mesurer les écarts de revenus ou de patrimoine sont :
Le plus cité est probablement le coefficient de Gini, une application de la courbe de Lorenz qui permet de mesurer le niveau d'inégalité de la répartition d'une variable (patrimoine, revenus, ...) dans la population.
Sa valeur est comprise entre et 0 et 100 :
Le graphique ci-dessus montre que les écarts sont plus grands au niveau du patrimoine que des revenus.
Cependant l'indice Gini ne dit rien sur les valeurs extrêmes, et doit par conséquent être complété par des mesures telles que la la part de richesse (patrimoine ou revenu) perçue par le centile de ménages les plus aisés.
Les écarts de richesses sont sous-estimés et croissants.
Près de la moitié du patrimoine économique mondial est entre les mains du centile le plus riche, de sorte que 99 % de la population se partagent l'autre moitié. ! Quant aux 10% les plus riches ils accaparent 85% de la richesse mondiale [source p.11].
Ces statistiques sont insuffisantes car elles disent peu sur le plus important d'un point de vue économique comme politique : les valeurs "extrêmes", à savoir :
La répartition de la richesse en fonction des quantiles de population (centile ou décile) suit une courbe exponentielle et non pas linéaire [source]. Cela vaut y compris à l'intérieur de chaque quantile. Il s'agit donc d'un effet fractal par lequel le même type de courbe est observé à toutes les échelles.
Étant donné que les données fiscales concernant les ultra-riches sont probablement fausses (quand elles existent ... ) on ne peut que sous-estimer l'ampleur maximale des écarts de richesse, par des comparaisons de type "au moins" [source]. Ainsi la richesse des 85 personnes les plus riches du monde est au moins équivalente à celles des 3,5 milliards les plus pauvres ! Et aux USA le patrimoine des dix personnes les plus riches est au moins de 100.000 fois supérieur à celui de 90% du reste de population ! [source].
Il se pourrait donc qu'au delà d'un certain niveau de richesse les individus concernés ne paieraient quasiment pas d'impôts !
Au niveau mondial, du début du 19° siècle à la moitié du 20° les inégalités ont explosé, puis se sont stabilisées jusqu'au début de ce siècle. De 1920 à 1950 les revenus ont été multipliés par 5 en Europe de l'Ouest, tandis qu'ils ne progressaient que de 10% en Inde et 17% en Chine [source p. 26]. Par la suite, l'accélération du développement économique en Chine et en Inde a eu pour effet de réduire les écarts de richesse entre pays. Cependant ce que les individus perçoivent ce sont les écarts entre individus au niveau national...
Dans les pays développés, au début du siècle passé la part du décile supérieur était supérieure à 90% [source p. 26]. Mais le développement du communisme dans le monde durant les années 20, 30 et 40 (les "Trente Glorieuses socialistes") a eu pour effet d'abaisser cet écart de patrimoine. Malheureusement, depuis les années 1980 – marquées par "l'effondrement" politique de l'URSS, et la concomitante révolution conservatrice – cette tendance s'est inversée dans les pays développés. Ce phénomène a été le plus accentué aux USA, dont 100% de la croissance économique entre 1980 et 2010 a été captée par 10 % de la population, et 50% de la croissance est revenue au 1 % supérieur [source p.265].
Le tableau suivant montre que l'Europe est engagée dans la même régression.
Rapport entre les 20% de revenus les plus élevés et les 20% les plus bas (zone euro)
Source : Xerfi et Eurostat
Notons enfin que, selon Klaus Schwab, directeur du Forum économique mondial, le monde serait moins inégalitaire aujourd'hui qu'il ne l'était durant le Moyen-Âge, la Renaissance, ou encore le début de l'ère industrielle, mais qu'il est moins toléré aujourd'hui car plus visible [source, p.227].
Dans les pays socialement les plus développés, si l'on prend en compte la redistribution des richesses via les transferts sociaux, l'évolution est relativement stable.
Mais demeure la problématique de la possible sous-estimation de l'ampleur et de l'évolution des écarts de richesse par les indicateurs, thèse que renforce la perception négative de leur évolution par les plus pauvres.
Rappelons enfin qu'il convient de pas focaliser l'analyse sur les seuls revenus : il y a aussi la hausse de l'espérance de vie, la baisse de l'analphabétisme et de la mortalité infantile. Au niveau mondial les progrès dans ces domaines sont dus essentiellement à l'Inde et la Chine qui représentent à eux deux un tiers de la population mondiale. Dans le reste du monde la situation est moins positive. En particulier la situation de l'Afrique demeure préoccupante ...
L'archéologie n'a trouvé que très peu de signes de violence chez le chasseur-cueilleur du Paléolithique, et met par contre en lumière de nombreux indices d'altruisme et de compassion. Ce n'est qu'avec l'apparition de l'agriculture au Néolithique que sont apparus de façon systématique les phénomènes guerrier et esclavagiste. Il en résulta un autre phénomènes : la sur-accumulation de biens, c-à-d le capitalisme [source].
Nous appelons "sur-accumulation" l'appropriation de la production réalisée par des esclaves au profit d'esclavagistes. À noter que le rapport employé/employeur a ceci de commun avec le rapport esclave/esclavagiste l'absence de contrôle démocratique des moyens de production. Ces deux rapports se différencient par le fait que l'employé a la liberté de changer d'employeur, ou de créer sa propre entreprise. Malheureusement seule une minorité des créateurs d'entreprises réussissent leur projet, et ce nombre est encore plus réduit si l'on retire ceux qui ont ont bénéficié d'un capital de départ hérité, ou qui ont réussi au moyen de malversations.
La cause originelle des écarts de richesse est donc le fait que la plupart des ressources naturelles et moyens de production ont été appropriés au cours de l'histoire humaine par une infime minorité de la population - le plus souvent par la violence ou la manipulation - puis transmis par héritage [1].
Un archétype de la fortune frauduleuse est le baron Albert Frère, un des plus puissants actionnaires privés de la bourse de Paris, dont la richesse fut considérablement accrue suite à un faux en écriture couvert par le gouvernement belge en 1983 [source p. 97].
Il reste cependant à expliquer pourquoi les écarts de richesse soit diminuent peu (relativement à la croissance économique) soit augmentent. Pour tenter d'y répondre soulignons que la cause "primaire" – l'absence de contrôle démocratique des ressources naturelles et des principaux moyens de production (le "grand capital") – agit par l'intermédiaire de causes "secondaires" :
l'appropriation des gains de productivité (induits par le progrès scientifique) par les propriétaires des grandes entreprises privées [approfondir] ;
la privatisation de la création & allocation monétaire, ayant pour effet que la monnaie n'est pas distribuée gratuitement et également entre les citoyens, mais prêtée (donc avec obligation de remboursement) et qui plus est avec intérêts !
un effet de boucle résultant du fait que le défaut de contrôle démocratique est non seulement cause mais également effet des écarts de richesse ;
rôle de plus en plus déterminant joué par le niveau de qualification des individus sur le niveau de leurs revenus ;
l'explosion des revenus des meilleurs cadres d'entreprise, chercheurs, artistes ou sportifs pourrait s'expliquer par la globalisation, qui :
Comment expliquer les méga-salaires ?
Selon Jean Tirole, prix Nobel d'économie 2014, l'explication est tout simplement que « la globalisation a accentué la concurrence pour les talents. (...) les meilleurs chercheurs, médecins, artistes ou cadres d'entreprise vont de plus en plus là où on leur offre les meilleures conditions » [source p. 81].
Cette thèse très consensuelle (*) ne permet cependant pas d'expliquer la différence entre l'évolution des revenus des meilleurs chercheurs et médecins et d'autre part des sportifs et dirigeants de grandes entreprises.
(*) Quelle est la meilleure stratégie qu'un économiste devrait appliquer pour maximiser ses chances d'obtenir un prix Nobel ?
Le niveau astronomique des salaires et primes (dont des primes de licenciement !) des dirigeants de grandes sociétés peut s'expliquer notamment par la dissolution de la notion de "propriétaires" des sociétés cotées en bourse. Cette zone d'ombre confère au directeur général (comité de direction) un pouvoir considérable d'abuser d'une forte asymétrie d'information au détriment des actionnaires, y compris l'éventuel actionnaire "de référence" dès lors que celui-ci est généralement lui-même une société cotée. L'asymétrie d'information est ici renforcée par le fait que la culture d'entreprise privée n'est pas celle de la démocratie directe.
Ainsi le comité de direction et le conseil d'administration ne proposent généralement au vote de l'assemblée générale que des "paquets de décisions", pas toujours facilement analysables de façon détaillée et dont le contenu est généralement rédigé de façon difficilement compréhensible. Voilà pourquoi l'AG peut voter sans le savoir en faveur de rémunérations exorbitantes C'est particulièrement le cas des petits actionnaires investisseurs non professionnels.
Quant au parachutage doré il peut être un moyen pour le CA d'acheter le silence de directeurs licenciés, concernant des pratiques illégales commises par l'entreprise (comme par exemple la corruption pour emporter des appels d'offre). Le PDG peut être ainsi tenté de provoquer volontairement son licenciement (par exemple en organisant l'acquisition de l'entreprise par une plus grande).
À cet égard on notera que l'on observe le même phénomène chez les stars du divertissement (sportifs, acteurs, chanteurs, ...). L'explosion des revenus serait moins le fait d'une brusque multiplication des compétences, que du développement d'activités telles que le blanchiment d'argent [exemple1, exemple2] ou le conditionnement commercial et la propagande politique.
Un thèse est que le blanchiment de revenus d'origine criminelle (comme le traffic d'armes ou de drogues) s'opèrerait plus facilement en passant par des personnes physiques qui concentrent sur elles de grands flux de revenus. Selon cette thèse des vedettes seraient donc rétribuées pour participer à du blanchiment. Dans notre article consacré à la création monétaire nous avons montré le rôle joué par le secteur bancaire dans le blanchiment d'activités illégales.
Le milieu académique évoque rarement ces causes pas vraiment politiquement correctes, dont par ailleurs l'évocation n'est pas réputée favoriser une carrière académique. Rien n'illustre mieux cela que cette déclaration de Jean Tirole : « nous n'avons qu'une vague idée de ce qui génère la réussite financière : l'effort ou le concours de circonstance » [source p. 87]. On notera que Tirole ne fait ici aucune distinction entre enrichissement par des procédés honnêtes vs malhonnêtes : dans les deux cas il s'agit seulement "d'effort" !
Le modèle économique de l'éconophysique repose sur les principes de la thermodynamique (à l'instar de l'énergie la monnaie est conservée dans les échanges économiques) et en particulier sur une approche probabiliste de l'économie (les prix sont considérés comme étant des variables aléatoires plutôt que déterministes).
La vidéo suivante montre la simulation graphique du modèle de Yakovenko, supposé représenter une économie de marché non régulée. Pour les besoins de la démonstration la masse monétaire est constante (NB : dans la réalité sa tendance est croissante), et également répartie dans la population en t=0 [source].
Il apparaît alors que ce système "libéral" conduit irrémédiablement à une répartition inégale de la masse monétaire : au fur et à mesure que les échanges économiques se développent, la monnaie se répartit de façon inégale jusqu'à atteindre une situation stable où la plupart des agents économiques détiennent très peu de monnaie (à gauche), tandis qu'une minorité en possède individuellement beaucoup plus (à droite). Durant cette évolution l'entropie du système (ici la multiplicité des différentes encaisses monétaires) augmente jusqu'à atteindre une valeur stable (dont, je suppose, la valeur est déterminée par celle du stock monétaire).
TRM. Mais si on lève l'hypothèse de masse monétaire constante, et qu'en outre la création monétaire était (i) à taux constant et (ii) distribuée gratuitement et également entre les personnes physiques, cela n'aurait-il pas pour effet d'abaisser le niveau maximum de distribution inégale des richesses ? L'article sur le financement distributif de l'AU suggère que oui. Nous y reviendrons dans la section "Comment partager les richesses".
Des études du FMI et de l'OCDE montrent que les écarts de richesse nuisent à la croissance [FMI-2015, OCDE-2014]
Nous avons évoqué plus haut l'importance des classes sociales extrêmes dans le système capitaliste. Le tableau suivant synthétise une typologie de ces groupes sociaux.
Typologie des classes extrêmes
Ultra-riches | Sans-patrimoines | |
---|---|---|
Conscience de classe | Forte | Faible |
Influence sur l'économie | Contrôlent les principaux moyens de production : banques, médias, ... | Travaillent, avec d'autant plus de docilité qu'ils n'ont pas de patrimoine |
Influence sur le politique | Contrôlent le gouvernement par la corruption et le lobbying | Ont l'illusion de contrôler le gouvernement par les élections |
La conscience de classe des classes dirigeantes est nettement plus affirmée que dans les classes populaires par le fait même que les premières contrôlent les principaux moyens de production, en particulier la production du savoir et de l'information.
Il est facile de comprendre que l'absence de limite aux patrimoines et revenus pose problème à différents niveaux : politique, économique, social et écologique. En effet, au plus les écarts de richesse sont élevés :
Selon une étude réalisée par l'université de Berkeley il existe une corrélation négative entre la richesse d'un individu et sa propension aux comportements éthiques : plus on est riche, moins on a de moralité [source].
Au delà d'un certain niveau les États ne sont mêmes plus à même de rivaliser avec les plus grandes entreprises privées (cf. intelligence artificielle).
On ne s'étonnera donc pas des résultats de deux études publiées par l'OCDE et le FMI en 2014 et 2015, montrant que les écarts de richesse sont nuisibles à la croissance économique [FMI-2015, OCDE-2014].
Se pose alors la question : comment partager efficacement les richesses ?
Pour partager les richesses, nous proposons quatre voies complémentaires : service public, monnaie, allocation universelle, production démocratique.
Les services publics rendus aux ménages, dans la mesure où leur valeur représente une part plus importante du revenu des ménages les plus pauvres, contribuent fortement à la réduction des inégalités. L’ampleur de la redistribution qu’ils opèrent, notamment les services de santé et d’éducation, est en France du même ordre de grandeur que celle des prélèvements obligatoires et prestations sociales retenus précédemment [source].
Le modèle de Yakovenkonous évoqué plus haut nous explique comment les écarts de richesse apparaissent, et ce faisant nous montre comment inverser le phénomène. Pressez quelques oranges, versez le jus dans un récipient transparent et laissez reposer. Après quelque temps vous observerez que la pulpe est concentrée dans le fond, et qu'au-dessus d'elle l'eau est quasiment transparente. L'attraction terrestre en est la cause. Si vous désirez alors utiliser le jus d'orage, c-à-d le boire, vous allez préalablement le mélanger (vous pourriez aussi le faire bouillir, mais c'est moins bon). Conclusion : pour réduire les écarts de richesse il faut accroître les interactions entre les agents économiques. Pour ce faire un facteur déterminant est la façon dont la monnaie est allouée entre les agents économiques. Or cette fonction étant remplie par les banques commerciales celle-ci privilégient évidemment l'intérêt de leurs propriétaires sur ceux de la collectivité.
La distribution égalitaire et gratuite de la création monétaire entre les citoyens ("symétrie monétaire") est donc une condition nécessaire au partage équitable des richesses. Notez que "équitable" ne signifie pas nécessairement "égalitaire", comme le propose la maxime « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».
Dans la section suivante nous proposerons une règle pour un partage équitable des richesses. Mais il importe également de corriger le fait que depuis que l'homme existe le principe de symétrie monétaire n'a jamais été appliqué systématiquement, et que cette asymétrie s'est propagée via les héritages. Il importe donc de corriger l'accumulation asymétrique historique des richesses.
Mieux partager les richesses produites cela veut dire mieux partager les fruits de la croissance économique, c-à-d les revenus de la production (flux de capital créé), par exemple en accélérant la hausse des salaires (à prix inchangés) ou la diminution du temps de travail (à salaire inchangé). Cependant ces deux mesures concernent seulement les salariés et ignorent les chômeurs ainsi que les indépendants. Elles doivent donc être complétées par l'Allocation Universelle, qui bénéficie indifféremment aux trois groupes.
Mais il est extrêmement difficile d'implémenter efficacement l'ensemble de ces mesures sans avoir préalablement nationalisé les principaux moyens de production (stock de capital), c-à-d les grandes entreprises et les ressources naturelles.
Pour en comprendre la raison il convient de bien percevoir la distinction entre moyens de production (ressources naturelles, machines, bâtiments, capital financier, ...) et fruits de la production (biens et services produits, revenus du travail et du capital). Les moyens étant la source des fruits, il en résulte que ceux qui contrôlent les moyens contrôlent également les fruits. Par exemple dans une entreprise privée ce sont les propriétaires qui décident de la répartition des bénéfices (dont les gains de productivité) entre eux-mêmes et leurs salariés, et ils le font systématiquement en s'accordant une part proportionnellement plus grande des bénéfices, au détriment des salariés. Dans une entreprise publique par contre les bénéfices peuvent être répartis également entre tous, pour autant évidemment que ces entreprises soient véritablement publiques, c-à-d que l'État soit réellement démocratique (ce qui n'est pas le cas en régime dit "représentatif"). En outre c'est justement parce que la classe politique représente surtout les plus riches que le principe de progressivité de l'impôt, s'il est certes séduisant en théorie, se révèle en pratique être une illusion (cf. les privilèges fiscaux accordés aux plus riches par leurs amis politiciens - approfondir).
Une condition nécessaire pour un partage optimal des richesses est donc le contrôle (véritablement) démocratique des principaux moyens de production (dont notamment la production de monnaie ...), ce qui requiert :
N.B. Il s'agit de l'AU de notre modèle synthétique, dont environ 12 % correspond à la symétrisation de la création et allocation monétaire, c-à-d création à rythme constant, et distribution gratuite et en parts égales entre les seules personnes physiques.
On pourra alors – au moyen de l'AU – opérer une redistribution récurrente du revenu national qui (i) partage mieux les gains de productivité et (ii) traite indifféremment salariés, indépendants et chômeurs.
Grandes entreprises. En France une grande entreprise est une entreprise qui a au moins 5000 salariés, ou plus de 1,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 2 milliards d'euros de total de bilan [source]. Cette définition est cependant dépassée car inadaptée aux nouvelles réalités de l'économie moderne. Nous proposons une définition plus large considérant comme "grandes entreprises" celles employant plus de 250 personnes, et dont le chiffre d'affaires annuel ainsi que le total de bilan excèdent chacun 50 millions d'euros. Même sur base de cette définition plus large les grandes sociétés ne représentent en France que moins de 1% de la totalité des entreprises (petits indépendants compris mais entreprises agricoles non comprises, 3% en ne prenant pas compte des indépendants), et un tiers de l'emploi total. Au moins 97% des entreprises privées ne seraient donc jamais nationalisées ! En 2012 la France comptait environ 5.000 entreprises de plus de 250 salariés [source].
Efficacité des entreprises publiques. Lire notre contribution à ce thème majeur de la propagande "néolibérale".
Certaines des statistiques mentionnées plus haut proviennent d'une étude du Crédit-Suisse. Selon les auteurs de ce rapport la meilleure façon pour l'État de réduire les écarts de richesse serait de diminuer (i) les dépenses sociales (car elles décourageraient le travail) ainsi que (ii) les taxes sur l'épargne (qu'elles décourageraient). Ces "recommandations" sont évidemment motivées par le souhait du secteur financier que l'État favorise l'achat d'assurances-vie et diminue les cotisations patronales. Il est absurde de prétendre que les super-riches verront leur domination financière réduite parce que des chômeurs sont amenés à acceptés des emplois sous-payés et que les salariés doivent se priver d'une partie de leurs revenus pour garantir leur pension. Les recommandations du Crédit-Suisse vont évidemment profiter aux plus riches et non pas aux plus pauvres ! Notons enfin que "l'étude" du Crédit-Suisse ne mentionne pas le chantage systémique du secteur bancaire comme cause des écarts de richesse croissants depuis le début du siècle...
Précisons enfin que partager mieux les richesses produites n'implique pas nécessairement de supprimer les écarts de patrimoine et revenus, mais bien de les limiter, c-à-d de les maintenir en-dessous du niveau où ils deviennent nuisibles à la collectivité. Cette remarque nous amène à la section suivante, qui traite du niveau de partage optimal des richesses.
« Les êtres humains ne se préoccupent pas seulement de l’amélioration de leur situation dans le temps. Ils se soucient également de leur situation par rapport aux autres. Ils sont préoccupés par les questions de hiérarchie et de statut social » [Tom G. Palmer].
La notion d'"écart de richesse optimal" que nous proposons vise à déterminer de façon objective et souple un niveau d'écart de richesse réalisant un arbitrage optimal entre liberté et efficacité économique.
Dans le présent article nous avons montré pourquoi il importe de limiter les écarts de richesse. Ensuite nous avons expliqué comment le faire. Il reste cependant à concevoir un critère objectif permettant de déterminer ce que nous entendons précisément par "écart de richesse optimal".
Se fondant sur les résultats de deux études du FMI et de l'OCDE, montrant l'effet négatif des écarts de revenu sur la croissance [sources : FMI , OCDE] notre principe d'écart optimal stipule que « l'écart de richesse observé (maximal comme moyen) est considéré comme "optimal" tant qu'il est compatible avec le financement du modèle synthétique d'allocation universelle, qui permet à chaque individu de subvenir à ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir et se loger) sans devoir travailler.
L'écart de richesse optimal est déterminé par le système d'équations déterminant le financement redistributif de l'AU : celle du revenu disponible et celle de l'impôt universel.
En appliquant ainsi une limite relative plutôt qu'absolue aux écarts de richesse le principe d'ERO évapore l'opposition traditionnelle entre néolibéralisme (« l'offre de biens et services est le fondement de la croissance » ) et keynésianisme (« la demande est le fondement de la croissance »), et met en exergue la dynamique rétroactive liant offre et demande dans le processus du développement économique.
Le caractère objectif de ce critère nous épargne la question du choix de l'indicateur utilisé pour mesurer les écarts de richesse. Ceci dit il demeure une certaine subjectivité :
Un maximum limité ou conditionné ? Une caractéristique notable de notre critère est qu'il ne s'exprime pas en valeur fixe (par exemple : « l'écart moyen ou l'écart maximum de richesse ne peut dépasser un rapport de 1 à x ». Il en résulte que le rapport 1/x correspondant à l'écart de richesse observé dans une économie vérifiant notre critère pourrait varier naturellement dans le temps, notamment en fonction du contexte économique.
L'histoire dira – au travers des données empiriques (car nous pensons que l'AU s'imposera comme une évidence) – si le niveau optimal de différentiel de richesse définit selon notre critère oscille autour d'une valeur d' "équilibre instable".
Trois statistiques fondamentales devraient déterminer la réponse à cette question :
Selon une étude réalisée en 2008-9 par Angus Deaton et Daniel Kahneman (prix Nobel d'économie respectivement en 2015 et 2012), au-delà d'un budget de 75.000 dollars net par an pour un ménage US (soit 75.000 * 0.8 / 2,6 / 12 ≈ 1.900 euros/mois par personne) l'argent ne participerait plus à une augmentation du sentiment de bonheur ;
Selon les anthropologues le temps de travail en économie de cueillette et chasse est d'environ 20 heures par semaine ;
Sources : francois-roddier.fr et piketty.pse.ens.fr
Le niveau de redistribution des richesses peut être mesuré par l’écart entre le coefficient de Gini du revenu primaire (avec pensions et hors cotisations de retraite) et celui du revenu disponible, dans les deux cas par unité de consommation (les retraites sont donc supposées ne pas avoir d’impact sur la redistribution).
Mesure de la redistribution
La problématique des écarts de richesse que nous venons de développer peut se résumer en quatre principes fondamentaux.
Nécessité : la limitation des écarts de richesse (revenus et patrimoine) est indispensable pour des raisons politiques, sociologiques, économiques, écologiques et culturelles.
Objectivisation : le niveau observé des écarts de richesse est considéré comme acceptable tant qu'il n'est pas incompatible avec le financement d'une AU permettant à chaque individu de financer ses besoins primaires sans devoir travailler.
Collectivisation économique : la limitation des écarts de richesse est intimement lié au développement d'entreprises publiques afin de garantir le contrôle démocratique des moyens de production de masse [approfondir].
Collectivisation politique : pour être efficace la collectivisation économique requiert la collectivisation politique c-à-d la substitution de la démocratie directe (telle que définie par democratiedirecte.net) aux régimes oligarchiques qui sont actuellement la norme partout sur la planète.
[1] « This has been the case throughout most of human history, with wealth ownership often equating with land holdings, and wealth more often acquired via inheritance or conquest rather than talent or hard work. » [source p. 28]. D'autres recherches ont montré que l’inégalité des fortunes ne s’explique que pour une faible part par des effets liés au cycle de vie [source p. 27].
[2] Selon le recteur de l'Université d'Anvers l'indépendance des universités ne serait pas compromise par le volumineux financement en provenance des entreprises privées ! [source]. Ainsi donc les entreprises financeraient les universités sans attendre nécessairement de retour sur investissement ? Cette surprenante déclaration peut s'expliquer par une énorme (et inquiétante) naïveté de la part du recteur, mais pourrait aussi être l'expression de sa corruption ...
[3] L'AU telle que nous la concevons inverse le processus : ce ne sont plus les individus qui doivent se déplacer par concentration vers le capital, mais au contraire celui-ci qui est réparti vers les individus là où ils habitent. Ainsi en opérant une meilleure répartition géographique du capital l'AU supprime ces zones de sur-concentration. L'AU pourrait donc constituer un élément essentiel du développement durable si elle était conçue comme principe de base d'un nouveau système monétaire réinstaurant la souveraineté monétaire des États (le système financier est actuellement sous le contrôle d'institutions privées).
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Une publication de François Jortay