L'allocation universelle, telle que nous l'entendons (modèle synthétique) est une somme d'argent :
Précisons les principes essentiels de cette définition.
Par "inconditionnelle" on entend que l'AU est octroyée :
L'AU étant individuelle elle avantage ceux qui vivent à plusieurs dans la mesure où la cohabitation induit des économies d'échelle (notamment en ce qui concerne le loyer).
Une définition pragmatique consiste à qualifier de pauvre toute personne « dont les ressources sont si faibles qu'elle est exclue du mode de vie normal dans le pays où elle vit » [source].
Précarité. Guillaume le Blanc livre une analyse sociologique de la précarité, concept englobant la pauvreté : « si une vie précaire est le plus souvent mal assise, peinant à se déployer dans les trois registres de la possession, de l’action et de la narration, il reste que l’entrée dans la précarité est, en règle générale, caractérisée par le saccage de l’un de ces registres, dont l’effondrement peut alors retentir sur les autres capacités. (...) Il existe ainsi trois entrées dans la précarité, par la misère, la marginalité et le mépris social, selon que ce sont les propriétés sociales, les dispositions à l’action ou les compétences verbales qui sont frappées de discrédit » [source]. Exposé que l'on pourrait résumé comme suit :
Registres | Possession | Action | Narration |
---|---|---|---|
Entrée dans la précarité par | la misère | la marginalité | le mépris social |
En raison d'un manque de | propriétés sociales | dispositions à l’action | compétences verbales |
La statistique qui illustre le mieux la réalité de la précarité est le fait que l’espérance de vie des personnes ayant vécu de longues années dans la grande précarité est terriblement réduite, elle se situe entre 50 et 55 ans, soit plus de 25 ans de moins que le reste de la population [source p. 14].
L'indicateur de pauvreté idéal devrait évaluer notamment les besoins primaires, le niveau de vie (*) et les écarts de richesse.
(*) Le niveau de vie peut être mesuré par le revenu disponible par unité de consommation.
D'autre part, pour mesurer complètement la pauvreté il faut le faire à deux niveaux :
Seuil de pauvreté. On peut mesurer le seuil de pauvreté de façon absolue (valeur monétaire d'un paniers de biens & services de base) et d'autres de façon relative (par exemple 50% ou 60% du revenu médian). L'indicateur relatif facilite les comparaisons internationales, lesquelles demeurent possible avec les indicateurs absolus pourvu que l'on utilise un référentiel commun tel que la parité de pouvoir d'achat.
Revenu vs salaire : le revenu d'un ménage comprend salaire(s) & traitement(s), revenus du patrimoine et prestations sociales. Le revenu disponible s'obtient après déduction des cotisations sociales et impôts.
Une évaluation efficace de la pauvreté doit combiner deux approches :
quantitative : on peut mesurer le niveau de pauvreté d'un pays par le pourcentage de la population dont le revenu disponible est inférieur à un seuil de pauvreté. Ainsi la France et l'UE proposent de fixer ce seuil à 60% du revenu médian (c-à-d le revenu qui partage la population en deux). À ce pourcentage le seuil de pauvreté en Fance était d'environ 1.150 euros/mois en 2021 [source], de sorte que ceux-ci comptent environ 15% de pauvres [source].
qualitative : les critères retenus par l'UE pour fixer le seuil de pauvreté à 60% du revenu médian sont-ils pertinents ? Non, suggère une étude de l'ONPES publiée en 2015 qui, se fondant sur la définition proposée supra, estime que le budget nécessaire « pour une participation effective à la vie sociale » est d'environ 1.500 euros/mois par personne dans des pays tels que la France et Belgique, ce qui correspond à 90% du revenu médian. Sur base de ce seuil le taux de pauvreté passe de 15% à 35% de la population [source].
Pauvreté, notion relative. Si le revenu médian diminue, alors les personnes dont les revenus se situent entre l'ancienne et la nouvelle limite ne sont plus considérées comme pauvres, malgré un revenu inchangé. À l'inverse si le revenu média augmente le nombre de personnes considérées comme pauvre augmente.
Taux de pauvreté. Le taux de pauvreté est le nombre de pauvres par rapport à la population totale. Le seuil de pauvreté pouvant être mesuré à 50% ou 60% du revenu médian (le revenu qui partage la population en deux).
Concernant la France, on peut distinguer trois périodes dans l'évolution du taux de pauvreté :
1990, c'est la chute de l'Union soviétique, qui marqua le début de la domination idéologique libérale partout en Europe ...
2008-2009, c'est la crise financière des subprimes. ...
Pauvreté des indépendants. Alors que le taux de pauvreté des ouvriers est égal à la moyenne nationale (15%) il est de 19% chez les indépendants, une catégorie hétéroclite, avec beaucoup d’agriculteurs, d’entrepreneurs individuels et maintenant d’auto-entrepreneurs, souvent des personnes en difficulté, obligées de s’installer à leur compte du fait de la montée du chômage et de la précarisation de l’emploi [source p.13].
Le montant de notre AU est la moitié du PIB/hab : AU = PIB/hab / 2. Ainsi l'AU vaut 1.600 euros/mois en France, et 1.850 euros/mois en Belgique (2023, sur base des statistiques de 2021). Cela correspond à environ 83% du revenu médian, ce qui est légèrement inférieur aux 90% estimés nécessaire par l'ONPES « pour une participation effective à la vie sociale » (cf. section #pauvrete).
Cette formulation du montant de l'AU est fondée sur le principe de symétrie. Le budget suivant montre que ce principe, très souvent observé dans les phénomènes physiques, semble s'appliquer également au cas de l'AU.
NB : zone urbaine hors région parisienne.
N.B. Dans le tableau suivant, qui présente une série de référentiels permettant d'évaluer la pertinence de notre AU, l'AUR (financement fiscal/redistributif de l'AU) est déterminée comme étant non plus le différentiel AU-AUD (AUD = financement monétaire/distributif de l'AU), mais comme la moitié du revenu médian. Il en résulte une AU insuffisante pour vivre même chichement sans travail rémunéré.
Tableur ods (dont les sources)
Le niveau de notre AU, formulé par la moitié du PIB/hab, est donc, à priori, "très élevé", notamment en comparaison avec ce qui est proposé par la plupart des chercheurs en économie. La raison en est que ces derniers proposent une AU qui pose le moins de problèmes politiques. Il en résulte que leur AU est à la fois plus facilement réalisable, mais aussi (beaucoup) moins efficace en termes de redistribution des richesses, que ce soit pour éradiquer la pauvreté ou favoriser la démocratie.
Notre approche est fondamentalement différente. Alors que la plupart des chercheurs cherchent à déterminer le niveau de l'AU qui minimise la problématique politique, notre approche consiste au contraire à fixer le niveau de l'AU – en l'occurrence à un montant permettant de vivre (chichement) sans devoir travailler – et de détailler la problématique économique et politique correspondant à un tel niveau de l'AU.
Les deux approches sont utilement complémentaires. Mais pour une raison qu'il serait intéressant d'analyser, la nôtre est quasiment la seule qui a développé si profondément l'approche radicale de l'AU.
L'AU remplace intégralement une série d'aides compatibles avec un montant forfaitaire :
À priori l'AU ne se substitue pas aux allocations familiales. Mais cela pourrait néanmoins se faire, par exemple en décidant que chaque enfant recevrait une "AU enfant" d'un montant inférieur à l'"AU adulte", par exemple 50%. Il y a ici une arbitrage à faire entre d'une part la simplicité de l'AU et d'autre part le système actuel d'allocations familiales, dont la complexité est peut-être le prix à payer pour un système qui s'adapte à des situations différentes (nombre et âge des enfants, parents séparés, ...) à des fins de justice sociale optimale. C'est une problématique qui est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue. Ceci dit, l'impact de l'intégration des allocations familiales dans l'AU, sur la faisabilité de celle-ci n'est globalement significatif qu'en termes de simplifications, dont par ailleurs les effets (positifs et probablement significatifs) en termes de de réduction de dépenses administratives restent à être mesurés.
Enfin l'AU ne se substitue que partiellement à :
la prise en charge de soins de santé par l'État : maladies, invalidités, handicaps (NB : ces dépenses ne sont pas uniformément réparties dans la population).
Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés : « Il nous est difficile de réfléchir a priori sur les niveaux de revenus susceptibles de couvrir le risque maladie ; ce risque, quand il survient, peut être tellement coûteux qu’aucun assuré ne serait en mesure d’en assumer la charge, même si un revenu lui était distribué chaque mois et quand bien même il aurait eu la prudence "d’épargner" des journées d’hospitalisation, les traitements des affections de longue durée étant, du fait de leur coût, hors de portée de la plupart des assurés. (...) Quel niveau de reste à charge juge-t-on acceptable de laisser à une personne ? Ces réflexions récurrentes, qui n’ont pas encore abouti, portent sur la question de savoir s’il doit subsister des forfaits de reste à charge universels ou si ce reste à charge doit être modulé en fonction des revenus des personnes » [source p. 381].
l'aide au logement : il importe qu'il existe un parc suffisant de logements sociaux, à loyer ne dépassant pas AU / 3 ≈ 550 euros/mois pour un isolé (PS : il est généralement recommandé aux locataires que le loyer ne dépasse pas le tiers de leur revenu).
Malheureusement le temps d'attente pour un logement social peut atteindre la dizaine d'années selon les régions ! Or selon certaines estimations il y aurait jusqu'à trois fois plus de logements vides que de SDF en Europe ! [source]. L'État devrait agir radicalement sur le marché de l'immobilier, en nationalisant les grandes sociétés immobilières.
Le graphique suivant montre la forte progression du nombre de logements vacants depuis le début du siècle (et c'est sans compter les immeubles de bureau inoccupés, dont le nombre a explosé avec le covidisme ...). L'État ne devrait-il pas constituer un stock suffisant de logements sociaux, en nationalisant les immeubles inoccupés depuis une certaine période ? Les propriétaires pourraient facilement neutraliser le risque de perdre leur bien en location, en en diminuant suffisamment le loyer, et qu'il trouve ainsi preneur.
Évolution du nombre de logements par catégorie (France)
Évolution annuelle, moyenne quinquennale. Source : insee.fr
Pour une description détaillée de l'actuel système de sécurité sociale voir notre article "Sécurité sociale actuelle".
En voici trois points importants :
Un individu qui perd son emploi a droit à une allocation de chômage pendant une période limitée au terme de laquelle il bénéficie de la garantie, illimitée dans le temps, à un revenu minimum (RMG) d'un montant inférieur représentant environ 70% du salaire minimum garanti (en Belgique, qui est notre référentiel en raison de la haute performance de son système socio-fiscal, mesurée par le rapport entre niveau de redistribution et rationalité du système fiscal).
À chaque fois (chômage et RMG) le bénéficiaire doit :
En raison de la complexité de ces procédures et/ou d'un sentiment de honte, un nombre important d'ayants droit n'exercent pas leur droit au chômage/RMG (de 30% à 50% selon les estimations). En outre le traitement administratif de ces procédures implique un coût important pour l'État. Enfin il n'est pas difficile de simuler une disposition à travailler, de sorte que les procédures de contrôle ne peuvent être autre chose que des actes d'humiliation frappant aussi bien des coupables que des innocents ...
Les indépendants et les démissionnaires n'ont pas droit au chômage.
Avec l'AU :
les procédures sont automatisées : plus de demande à gérer, plus de distinction de statut salarié/indépendant/licencié/démissionnaire ;
plus d'obligation de démontrer sa disposition à travailler ;
l'AU est supérieure d'environ 15% à l'actuel salaire minimum légal, et constitue ainsi un instrument efficace de redistribution substantielle des richesses.
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Une publication de François Jortay