Commençons par quelques définitions. La dette publique est l'accumulation des emprunts engagés par l'État pour financer les soldes publics annuels lorsque ceux-ci sont négatifs. Les soldes publics annuels sont donc les flux qui augmentent (solde négatif) ou diminuent (solde positif) le stock que constitue la dette publique.
Le solde public est négatif – on parle alors de déficit, qui augmente la dette – si les dépenses de l'État (dont les intérêts sur la dette ...) sont supérieures à ses recettes (essentiellement constituées des impôts).
Lorsque le solde public est positif on parle de capacité de financement, et s'il est négatif de besoin de financement ou de déficit.
L'évolution du solde public de la France depuis 1960 (cf. graphique infra) montre que :
Solde public (% PIB, France)
Le solde primaire, c'est le déficit sans les charges d'intérêt de la dette publique.
Source : fipeco.fr.
On peut ainsi distinguer trois types de variations du solde public, selon leur durée et causes :
les variations à court terme, dites conjoncturelles, qui reflètent l'instabilité naturelle du taux de croissance économique (exemple : récession --> augmentation des dépenses de chômage et baisse des recettes fiscales sur les bénéfices des entreprises – et inversement en période de croissance) ;
Stabilisateur automatique. Un solde public négatif n'est pas nécessairement nuisible à l'économie lorsque ce solde déficitaire est causé par la hausse des dépenses de chômage suite à une crise économique. En effet ces dépenses publiques que constituent les allocations de chômage permettent de soutenir la demande de biens et services et d'ainsi atténuer les effets de la crise sur le chiffre d'affaire des entreprises [approfondir].
les variations à court & moyen terme du niveau des taux d'intérêt à long terme :
Il s'agit d'une dynamique complexe. Ainsi la hausse des taux d'intérêt augmente la charge d'intérêt de la dette publique, mais diminue la valeur de marché des obligations en circulation, et partant (et ceteris paribus, notamment concernant les nouveaux passifs et actifs obligataires), la valeur du passif de l'état (si celui-ci est mesuré en valeur de marché plutôt qu'en valeur faciale, qui est celle du montant remboursé à l'échéance). L'effet global net peut donc être une baisse de la dette publique. D'autre part, la mesure de la dette en termes relatifs, en l'occurrence par rapport au PIB, peut conduire à la baisse de la dette si le PIB augmente plus que la dette en valeur absolue [source].
des facteurs culturels plus systémiques :
Enfin, pour équilibrer son budget, l'État dispose théoriquement de divers moyens :
Cependant l'effet à plus long terme sera négatif si cette réduction concerne l'investissement plutôt que la consommation publique ⇒ baisse du potentiel de croissance du PIB ⇒ baisse des recettes fiscales (PS : mais selon les économistes libéraux, même les dépenses publiques d'investissement ne sont pas la meilleure solution, car via leur financement par la fiscalité ou l'emprunt, elles rendraient plus coûteux l'investissement par le secteur privé (effet d'éviction), que les économistes libéraux considèrent comme plus productif par nature).
Cependant l'effet à plus long terme peut être négatif si la hausse de la pression fiscale provoque un ralentissement économique tel que les recettes fiscales diminuent "in fine".
N.B. Il y a création monétaire avec effet inflationniste si (i) l'emprunt est fait auprès du secteur bancaire national (BC + banques commerciales), (i) et que l'emprunt sert à financer la consommation plutôt que les investissements. Cet effet inflationniste est cependant annulé (ceteris paribus) lors du remboursement de l'emprunt au secteur bancaire.
Analysons enfin la valeur du patrimoine net (actifs-passifs) de l'État, selon le type d'administration (centrale, locale, SS). La valeur du patrimoine net des administrations centrales est généralement (fortement) négative, car elles portent l’essentiel de la dette publique, tandis que celle des administrations locales est généralement largement positive, car elles détiennent l’essentiel des actifs non financiers. Enfin, celle des administrations de sécurité sociale est généralement positive [exemple de la France].
N.B. Il s'agit là d'une analyse seulement quantitative ; en termes qualitatifs, il importe que les actifs concernent une part suffisante de capacités de production, part actuellement très faible. C'est la raison pour laquelle l'UE considère que la dette publique brute au sens du traité de Maastricht est un meilleur indicateur pour apprécier la "soutenabilité des finances publiques". ...
Le tableau suivant montre que dans les pays développés la dette publique brute augmente plus vite dans les pays développés que dans les pays émergents. Dans les premiers, la dette moyenne sur la période 2001-2022 est de 94 % tandis qu'elle est de 46 % dans les pays moins riches. Ceci illustre l'expression populaire "on ne prête qu'aux riches", qui s'explique par le fait que le risque de non remboursement est d'autant plus faible que le prêteur est riche.
Dans le tableau suivant nous avons retiré les deux périodes de crise de cette période :
la crise des subprimes de 2008-2009, annoncée par des études "prédictives" favorables au secteur bancaire, qui via son officieux lobby qu'est le FMI, a réussi à convaincre les décideurs politiques que si les États ne lui achetaient pas massivement des produits financiers pourris, le système bancaire mondial s'effondrerait ;
la crise de la covid-19, annoncée par des études "prédictives" favorables au secteur pharmaceutique, qui via son officieux lobby qu'est l'OMS, a réussi à convaincre les décideurs politiques que si les États ne lui achetaient pas des millions de vaccins conçus à la va-vite (durée moyenne avant AMM réduite d'un facteur 18), cela provoquerait des millions de morts sur la planète, après d'atroces souffrances (étouffement).
Et si on supprime également les années 2010 à 2012, durant lesquelles la crise initiée en 2008-2009 a continué à faire sentir ses effets, la tendance générale de l'évolution des dettes publiques devient orientée à la baisse !
Le mythe de la sécurité sociale "intenable"
Depuis le début du 21° siècle, l'augmentation des dettes publiques n'est donc pas du tout causée par la sécurité sociale, mais par une "logique" délétère de maximisation des profits dans les secteurs bancaire (cf. ./creation-monetaire#systeme-bancaire) et pharmaceutique (cf. konfedera.org/gestion-epidemies#covidisme).
Dans ces deux cas (subprimes et covidisme), ces "crises" ont été l'occasion de massifs transferts financiers publics vers de grandes entreprises privées (bancaires et pharmaceutiques), "justifiés" par la "nécessité" quasiment existentielle de prévenir une "catastrophe mondiale à venir". Dans un cas comme dans l'autre, celle-ci s'est finalement réalisée, mais uniquement par des effets pervers de prophéties autoréalisatrices. Ainsi les prétendus prémisses, qui ont nourri la médiatisation de messages catastrophistes, n'étaient pas constatables dans la vie de tous les jours, mais uniquement via le business de "l'information" (exemple). Ces "crises" ont donc clairement un caractère systémique, lié au contrôle non démocratique des moyens de production, en l'occurrence : de la science, de l'information, de la monnaie et des médicaments.
On notera à cet égard, que les trois secteurs économiques où l'on observe le plus de condamnations judiciaires, notamment pour corruption, sont dans l'ordre : 1. finance ; 2. pharmacie ; 3. énergie [source]. Malheureusement, l'absence de condamnation à des peines de prison fermes, et de nationalisation punitive, montre que ces condamnations, uniquement sous formes d'amendes, sont purement symboliques.
Dépenses et recettes. Si l'on détaille l'analyse, en termes de dépenses et recettes publiques (⇒ solde public ⇒ dette publique), on constate que :
La fraude fiscale et les paradis fiscaux jouent donc un rôle important dans l'augmentation des dettes publiques.
Évolution des recettes et dépenses publiques (économies avancées, % du PIB)
Source : FMI tableur : recette-depenses-publiques.ods.
"Dépense" est un terme qui peut prêter à confusion si l'on oublie le premier principe de la thermodynamique : l'énergie et la matière ne peuvent être ni détruites ni créées, mais seulement transformées d'une forme en une autre [approfondir]. Autrement dit, une dépense n'est pas une perte/destruction mais une transformation. La question fondamentale se pose en terme de coût d'opportunité, c-à-d : le financement de telle dépense aurait-il pu être consacré à une dépense plus utile ? Cette question se pose aussi bien pour les dépenses d'investissement que de consommation.
Le graphique suivant illustre la répartition et l'évolution des dépenses publiques selon leur nature :
Les dépenses publiques représentent environ 60% du PIB en France, et 50% dans la zone euro.
Tableur : depenses-publiques.ods (+ sources).
La part prépondérante des dépenses de sécurité sociale ne doit pas être confondue avec leur contribution à l'évolution de la dette publique :
le chômage est dans une tendance baissière depuis les début des années 1990 (mais cette évolution quantitative masque une évolution qualitative inverse) : cf. /chomage-et-travail-precarise#quantitatif-vs-qualitatif ;
l'augmentation du coût financier des pensions, suite à l'augmentation de l'espérance de vie, ne pose cependant pas problème, dans la mesure ou la hausse du ratio de dépendance est très probablement compensée par celle de la productivité : cf. /securite-sociale-actuelle#retraite-sante.
Le graphique infra permet d'identifier les dépenses publiques selon le signe de leur évolution (1995-2005).
Ce graphique est cependant quelque peu obsolète : depuis 2005, les crises économiques fabriquées par des lobbies économiques pour extorquer des financements publics ont pris une ampleur sans précédent, de sorte que les postes "Santé" et "Affaires économiques" (subsides au big business) ont très probablement substantiellement augmenté, voire explosé.
Le graphique suivant illustre le transfert massif d'argent public, opéré en 2020 au profit de quelques entreprises pharmaceutiques.
Le niveau élevé des dépenses publiques de santé aux USA est un effet de prix, et non de volume [source].
Source : OCDE
Les dépenses de santé ont augmenté notamment suite :
au vieillissement de la population, car l'espérance de vie en bonne santé (65 ans) augmente moins vite que l'espérance de vie (80 ans) : cf. /securite-sociale-actuelle#retraite-sante ;
à la surmédicalisation, qu'il convient d'analyser selon ses deux composantes :
Les dépenses de "marketing" constituent le poste le plus important des dépenses totales des entreprises pharmaceutique (20 à 25% aux USA), donc avant les dépenses de R&D [source] ! Un médecin m'a confié que les cadeaux en nature qu'il reçoit des sociétés pharmaceutiques représentent le salaire d'un ouvrier.
Les trois secteurs économiques où l'on observe le plus de condamnations judiciaires, notamment pour corruption, sont dans l'ordre : 1. finance ; 2. pharmacie ; 3. énergie [source]. Malheureusement, l'absence de condamnation à des peines de prison fermes, et de nationalisation punitive, montre que ces condamnations, uniquement sous formes d'amendes, sont purement symboliques.
À cela s'ajoute un sous-financement des hôpitaux, qui se traduit par un stress professionnel croissant pour le personnel médical, et qui est en voie de dépasser les limites du supportable. La classe politique européiste, c-à-d néolibérale ("socialistes" et "écologistes" compris) aurait-elle pour objectif de provoquer l'effondrement des services publics, afin que ces "marchés" reviennent à ces mêmes entreprises privées dont les lobbies "sponsorisent" (sic) cette même classe politique ?
La privatisation des dépenses de santé illustre l'abandon par l'État de sa mission de sécurité sociale en matière de soins de santé courants (par opposition aux soins de longue durée qui restent à charge de l'État), ce qui a ouvert un vaste et fructueux marché pour des entreprises privées (assurances, cliniques, ...). Mais l'effet sur la société est catastrophique : les plus pauvres n'ayant pas les moyens de payer une assurance ne soignent plus les maladies courantes de sorte que leur pathologie qui n'était que "courante" se dégrade en "longue durée", ce qui les ramène dans le cadre de la sécurité sociale. Ainsi la santé des plus pauvres se dégradent et les dépenses de sécurité sociale augmentent sous le seul effet de la privatisation des soins de santé courants [source].
Vers une privatisation et une dégradation du système de santé français (7 min. - 2018)
L'enfumage du faux débat sur les pensions. Le débat absurde sur le financement des pensions "par répartition" (les actifs d’aujourd’hui financent les retraités d'aujourd'hui) vs "par capitalisation" (les actifs d’aujourd’hui financent les retraités de demain c-à-d eux-mêmes) est complètement à côté de la plaque. Il est présenté de façon complexifiée de sorte que la population n'y comprend rien, et est ainsi dans l'incapacité de comprendre sa véritable nature. Le pseudo débat "répartition vs capitalisation" ce n'est en fait rien d'autre que "redistribution des richesses" vs "chacun pour soi". Or étant donné que l'augmentation des écarts de richesse est nuisible à la croissance (même le FMI l'a reconnu), il n'y a pas photo : c'est la répartition qu'il faut préférer.
L'argument de la "solidarité intergénérationnelle" selon lequel la répartition ne serait pas équitable entre générations en raison du "risque démographique" (inversion durable de la pyramide des âges) est absurde :
Tout aussi incohérent est l'argument selon lequel il faut diversifier le financement des pensions : ce qui requiert la diversification (pour minimiser le risque) c'est la capitalisation, et non la répartition puisque dans ce cas, le financement étant immédiat, le risque est nul pour les retraités. En résumé, faire l'hypothèse implicite que le risque de marché serait plus faible que le risque démographique (pour l'ensemble des agents économiques) ce n'est qu'un nuage de fumée pour masquer le démantèlement de la répartition, au profit des entreprises privées qui investissent l'épargne des futurs retraités, cela avec une compétence et une honnêteté dont les récurrentes crises financières démontrent pourtant la grande "relativité".
Approfondir la problématique des pensions : /securite-sociale-actuelle#retraites.
Les marchés publics sont une source majeure de corruption des décideurs politiques par des entreprises privées intéressées par la prestation de contrats publics. Cette corruption peut se produire à chacune des trois étapes principales de tous projets publics, qui sont chronologiquement :
Les lobbies industriels jouent un rôle d'influence considérable lors des deux première étapes. Au niveau de la troisième les quelques grandes sociétés privées qui se présentent comme candidates peuvent facilement conclurent entre elles – éventuellement avec la "bienveillance" de décideurs politiques – des accords de cartel organisant par exemple une tournante dans l'obtention successive des contrats publics [exemple].
L'appel d'offre par enchère constitue-t-il une solution efficace ? Dans notre article consacré aux entreprises publiques non avons montré que la réponse est négative [approfondir].
C'est que dans les régimes dit "représentatif" (oui, mais de qui ... ?) les trois étapes ci-dessus sont réalisées en dehors de tout véritable contrôle démocratique. Il en résulte que les marchés publics peuvent facilement être utilisés comme systèmes de détournement de fonds publics.
Pour financer ses dépenses l'État dispose de quatre moyens complémentaires : impôts, création monétaire, emprunts, dividendes des entreprises publiques :
les prélèvements obligatoires :
le facteur de production "travail" (70%) et le moyen de production "capital" (30%) (Q = f ( L , K )) ;
les personnes physiques (individus) et les personnes morales (organisations).
La politique fiscale est souvent amenée à opérer un arbitrage entre prélever à taux bas sur des assiettes larges vs prélever à taux élevés sur des assiettes étroites.
la création de monnaie, mais uniquement pour financer des dépenses d'investissement en capacités de production (plutôt que des dépenses de consommation), afin de neutraliser l'effet inflationniste ;
des emprunts :
N.B. Il s'agit donc de création monétaire :
les dividendes des entreprises publiques ;
Selon des sources patronales les dividendes représenteraient entre 5% et 9 % du PIB [source], mais 15 à 20% selon les estimations de Bernard Friot [source]. Mais comment Friot justifie-t-il son évaluation alors que, comme vu plus haut, le rendement macroéconomique du capital est de 7 % [source].
Contrairement à ce que laisse entendre le message médiatique dominant, la problématique de la dette publique ne se situe pas qu'au niveau des dépenses. Nous avons vu plus haut que les recettes croissent moins vite que les dépenses publiques. Le graphique suivant montre clairement une tendance croissance, mais qui plafonne à un niveau inférieur à 100 %.
Niveau du taux fiscal. Nous avons montré que ne niveau de ce plafond est déterminé par l'actuel système fiscal, fondé sur le principe des taux marginaux (cf. ./financement-redistributif#taux-marginal). Notre proposition de réforme fiscale repose sur la formule mathématique du taux fiscal universel, qui fixe ce plafond à 100 % du PIB (cf. /financement-redistributif#taux-fiscal-universel).
Évolution du taux fiscal. L'interprétation du graphique ci-dessus requiert de prendre en compte deux fais intimement liés :
le tableau infra montre que le capital est nettement moins taxé que le travail. Notamment, les prélèvements obligatoires sur le capital ne représentent qu'environ 20 % des recettes fiscales, tandis les prélèvements sur le travail (essentiellement les autres lignes) en représentent environ 50 %.
Étant donné que les revenus de la grande majorité de la population sont essentiellement composés de revenu du travail, on constate donc que le système fiscal privilégie la minorité des plus riches dont les revenus proviennent essentiellement du capital.
Il y a diverses causes à l'inertie des recettes par rapport à l'évolution des dépenses publiques :
Privilèges fiscaux octroyés, "légalement" ("dépenses fiscales") ou non, par des décideurs politiques aux plus grandes sociétés et aux familles qui les possèdent [source] ;
La théorie économique libérale (c-à-d celle enseignée dans les université), lorsqu'il s'agit de stimuler des activités particulières, privilégie les allègements fiscaux plutôt que les subventions.
La cours des comptes (France) recommande pourtant de « supprimer l’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur du secteur du logement social, de remplacer le régime d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur du secteur immobilier social par des subventions ciblées » [source].
Un croyance, habilement entretenue, est que les États seraient "impuissants" face à l'échappement fiscal facilité par le commerce électronique et les paradis fiscaux.
Les États sont pourtant bien arrivés à conclure des accords pour éliminer la double taxation, ou encore éliminer la concurrence fiscale sur les taux de TVA pour les achats en ligne. Ainsi depuis 2015 dans l'UE la TVA n'est plus prélevée dans le pays du vendeur mais de l'acheteur (la situation est cependant plus complexe dans le cas des marchés bifaces).
La complexité du système fiscal permet aux grandes sociétés et fortunes privées d'échapper à l'impôt, au moyen de montages fiscaux conçus par des consultants en "optimisation fiscale" [approfondir].
Services de conseil en fraude fiscale (prix de transfert, ...) et de blanchiment (corruption, trafic de drogue, ...) prestés impunément, notamment par le secteur bancaire [source] ;
Entre la fraude fiscale, illégale par définition, et l'optimisation fiscale c-à-d la recherche de la voie légale la moins imposée, il existe une zone grise dite d'évitement/échappement fiscal que certains observateurs interprètent comme une zone d'impuissance de l'administration fiscale, et d'autre comme l'expression de privilèges fiscaux et de justice de classe.
Protections judiciaires résultant d'un système judiciaire :
Dynamique à effet cliquet. Piketty rappelle que « lors de la création de l’impôt général sur le revenu (IGR) en 1914, les patrimoines dégageaient une telle impression de prospérité qu’il ne serait venu à l’idée de personne de prévoir des régimes dérogatoires les concernant. Tous les revenus du capital étaient imposables, y compris les revenus fonciers fictifs : les propriétaires devaient ajouter la valeur locative de leurs résidences principales et secondaires à leurs autres revenus, et l’ensemble était imposé au barème. Dans le contexte de la Belle Époque, c’était une évidence pour tout le monde. Puis, à partir de l’entre-deux guerres et surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les exonérations se sont multipliées dans un contexte économique radicalement différent, où il s’agissait d’encourager la reconstruction et l’épargne, après que les patrimoines eurent été fortement ébranlés par les destructions, l’inflation et la crise des années 1930. Les intérêts publics ont progressivement été exonérés dans les années 1950. Il a été décidé en 1964 de mettre fin à l’imposition des revenus fonciers fictifs. On a créé en 1965 le prélèvement libératoire pour permettre à tous les intérêts d’échapper au barème progressif ; et ainsi de suite. Au moment de leur adoption, ces dispositifs étaient parfois justifiés. Le problème, c’est qu’ils n’ont cessé de s’accumuler depuis les années 1950-1960, sans jamais que les mesures précédentes ne soient remises en cause, et alors même que les patrimoines et leurs revenus retrouvaient dans les années 1990-2000 la prospérité qui était la leur au début du siècle » [source p. 73].
Impôt effectif = impôt théorique - dépenses fiscales - fraude fiscale
Le rendement d'un impôt est fonction de trois facteurs : le taux, l'assiette sur laquelle il est appliqué, les exonérations. Ainsi en France, malgré que le taux marginal supérieur de l'impôt sur les revenus des ménages est parmi les plus élevés de l'UE, le poids cet impôt est inférieur à la moyenne européenne en raison d'une assiette étroite et d’importantes dépenses fiscales [source].
Les dépenses fiscales sont des exemptions d'impôts accordées à certains groupes de contribuables. Ces exonérations peuvent porter sur le taux de l'impôt et/ou sur la base sur laquelle le taux est appliqué de sorte que l'impôt effectivement payé est inférieur à l'impôt déterminé par la loi.
Les niches fiscales se comptent par centaines. Leur nombre et complexité facilite la fraude fiscale par les riches contribuables, particulier ou grandes entreprises, capables de payer les services d'experts en optimisation fiscale.
D'après une étude de l'université de Leuven l'État belge pourrait accroître ses recettes fiscales d'environ cinq fois le montant du déficit budgétaire annuel (!) rien qu'en réduisant la fraude fiscale et sociale ainsi que les privilèges fiscaux (dont bénéficient essentiellement le 1% des plus riches de la population) [source].
Le Produit Intérieur Brut (PIB) mesure la production – monétisée/comptabilisée (dont les stocks) et déclarée – de biens et services durant une période déterminée (généralement une année ou un trimestre). Le PIB ne concernant que les productions monétisées et déclarées, il ne mesure donc que partiellement la quantité totale des richesses produites. Ainsi l'économie "informelle" ou encore "noire", "sous-terraine" représenterait 15% du PIB en France, 21% en Belgique et 27% en Italie [source].
La définition du terme "économie informelle" dans cette source (« ensemble des activités productives non enregistrées, c’est-à-dire qu’elles ne contribuent pas à la mesure officielle du PIB et ne sont donc pas soumises à l’impôt ») correspond clairement aux activités marchandes non déclarées. Mais les activités non marchandes, déclarées (ONG, ...) ou non (ONG, individus, ...), sont-elles reprises dans ces estimations ? Il semble que non car le document ne les mentionne jamais. Notons ici que le travail bénévole se retrouve partout : marchand ou non, déclaré ou non.
Dans sa forme la plus élémentaire, c-à-d en faisant abstraction de l'État et du reste du monde, la comptabilité nationale peut être modélisée par une système de trois équations :
Il en résulte que :
C + I = C + S ⇔
I = S : l'investissement est nécessairement égal à l'épargne.
N.B. Cette égalité comptable (et théorique) ne dit pas grand chose sur les possibles relations de causalité :
Stocks et épargne
En supposant que les ménages consomment la quantité 100 chaque année, le tableau suivant illustre de façon comptable l'égalité entre :
Il en résulte l'égalité entre stock et épargne, qui permet de maintenir la consommation à 100 quand le revenu du travail diminue. Autrement dit, les stocks sont une forme d'investissement, qui n'a pas pour effet d'augmenter la capacité de production.
Introduisant maintenant l'État dans notre modèle. Pour ce faire, on procède comme suit :
N.B. Certaines entreprises publiques peuvent vendre leurs produits ou services à des prix inférieurs à ceux des entreprises privées, et bénéficier de taxes plus faibles et de subventions plus élevées.
Les deux premières équations de notre système deviennent alors :
• QP + QG = CP + CG + IP + IG
• ( RP + FP - TP ) + ( RG + TP + TG + FG - TG- FG - FP ) = CP + CG + SP + SG
⇒ la seconde équation se simplifie en :
RP + RG = CP + CG + SP + SG
de sorte que notre système à trois équations est donc finalement toujours le même :
• Q = C + I
• R = C + S
• R = Q
Un étrange consensus scientifique ...
N.B. : le développement que je propose ci-dessus ne correspond pas à celui des publications académiques, qui m'a toujours laissé pantois ...
Version académique. NB : les équations surlignées en rouge me paraissent fausses, comme exposé plus loin.
• Q = C + I + G (1)
• R = C + S (2)
• R = Q - ( T - F ) ⇔ R = Q - TN (3)
⇒ en substituant (1) et (2) dans (3) :
C + S = C + I + G - TN ⇔
S = I + G - TN ⇔
S - I = G - TN
Critique de l'équation (1). Je suis très étonné de constater l'ajout de G ("dépenses publiques" ... sic) dans le membre de droite de la première équation, confondant ainsi niveaux national et public. Il me semble que l'équation (1) devrait en réalité s'écrire :
Q = CP + IP + G ⇔
Q = CP + IP + CG + IG ⇔
Q = C + I
Critique de l'équation (3). Comment des transferts au sein de l'économie nationale peuvent-ils modifier le revenu national ... ? Le fait de remplacer le terme "revenu national" par "revenu" (sic) n'y change rien, et trahit une volonté de tordre la réalité.
Cette modélisation bancale est pourtant généralisée dans la littérature scientifique ... :
• univ-montp3.fr (p.19)
• ulb.be (p. 8)
• wikipedia.org/wiki/Déficits_jumeaux
• etc ...
Voir aussi mes critiques sur la version en économie ouverte : konfedera.org/libre-echange#modelisation ...
Mais soit, revenons à nos moutons.
Une question important est : pourquoi les médias d'information et les politiciens parlent-t-ils autant du "poids de la dette publique" ?
Pourtant, l'équation SP + SG = IP + IG montre que des pays avec de récurrents soldes publics déficitaires (SG < 0) peuvent néanmoins continuer à se développer (investir), si leur épargne privée SP est suffisante de façon pérenne. La question est donc de savoir à partir de quel niveau de la dette publique (la somme des SG) l'épargne privée est découragée.
Or, comme nous le verrons dans la section #qualitatif, ce n'est pas tant le niveau quantitatif de la dette publique qui est important, que son niveau qualitatif.
En l'occurrence, une question fondamentale est : quel est la répartition optimale entre secteurs privé et public dans l'économie ? Mais existe-t-il une répartition "optimale", ou bien s'agit-il essentiellement de choix politiques ? Il existe une façon objective (donc scientifique plutôt que politique) de déterminer un taux de répartition optimal : le principe de symétrie (en encore principe de simplicité), consistant en l'occurrence en une répartition à "50/50". Un autre critère pourrait être la taille des entreprises :
• grandes entreprises : publiques
• petites entreprises : privées
(approfondir : democratiedirecte.net/entreprise-publique).
Nous avons vu que l'État peut se financer par les impôts, des emprunts, les dividendes d'entreprises publiques (celles-ci étant de plus en plus rares...), ou encore la création monétaire (NB : ces deux derniers moyen sont limités par des contraintes de redistribution et d'inflation, respectivement).
On peut voir les impôts comme des sortes d'actions publiques, que ménages et entreprises seraient légalement contraints d'acheter.
Concernant l'emprunt (sujet du présent chapitre), la puissance économique et la pérennité de l'État lui permettent d'obtenir des prêts (en provenance du secteur privé national et étranger, ainsi que d'États étrangers) à des taux très inférieurs à ceux appliqués aux ménages et entreprises privées. La raison en est que les obligations d'État sont moins risquée que des obligations privées, et encore moins que des actions d'entreprises privées : approfondir : /principes-monetaires#determinants-des-taux-interet.
Mais pourquoi les État n'emprunte-t-il pas plutôt, sans intérêts, à leur Banque centrale ... ? Nous y répondrons plus loin.
Dans la problématique de l'endettement, il importe de bien comprendre la différence entre :
Les mêmes principes valent pour le secteur privé. Mais, étrangement, ils sont nettement moins souvent évoqués par le business de "l'information"...
Cependant, la relation entre solde budgétaire et dette publique est plus complexe que suggéré ci-dessus. Ainsi, la dette publique n'augmente pas tant que le solde public (st) est supérieur à une certaine valeur – éventuellement négative (déficit) ! – qui est fonction du niveau de la dette publique (dt-1), du taux de croissance du PIB (gt) et du taux d'intérêt de la dette publique (rt) : st ≥ - dt-1 * ( gt - rt ) (cf. démonstration mathématique dans la section suivante).
s et d sont exprimés en pourcentage du PIB. Ainsi soit une dette publique de 180%, un taux de croissance du PIB de 3%, et un taux d'intérêt de la dette publique de 1%, alors la dette publique n'augmente pas tant que le solde public est supérieur ou égal à - 1,8 * ( 0,03 - 0,01 ) = - 0,036 soit - 3,6 % du PIB. Donc, par exemple, avec un déficit public (un flux annuel) de 3,5 % du PIB, la dette publique (un stock) n'augmente pas.
D'autre part, contrairement à une croyance savamment entretenue, il n'existe pas de niveau "optimal" de la dette publique (le chiffre de 100% est souvent évoqué, mais il signifie seulement que le montant du stock que constitue la dette est égal au flux qu'est le PIB). Autrement dit, en théorie, une dette publique peut atteindre l'infini !Comment alors justifier les fameux critères de Maastricht, qui recommandent aux pays membres de l'UE de maintenir ou ramener leur dette publique en dessous de 60% du PIB, et leur solde budgétaire annuel au-dessus de -3% du PIB ?
Dans le présent sous chapitre consacré à la modélisation de la dette publique, nous allons montrer que cette modélisation, certes correcte, est interprétée de façon abusive pour justifier les critères de Maastricht. Ceux-ci sont non seulement non pertinents d'un point de vue scientifique, mais en outre nuisibles pour de nombreux pays membres de l'UE (dans https://konfedera.org/contexte-economique-et-politique, nous avons montré que la motivation réelle de l'UE est beaucoup moins économique que géopolitique).
Les critères de Maastricht reposent notamment sur l'instrumentalisation abusive du concept économétrique de solde stabilisant, niveau du déficit public à ne pas dépasser pour éviter une augmentation de la dette. Celui-ci est fondé sur le fait que, en raison du signe négatif dans le membre de droite de st ≥ - dt-1 * ( gt - rt ), il résulte que plus la dette d'un pays est élevée, plus le niveau de solde stabilisant (NB : éventuellement déficitaire !) est élevé. Ce résultat peut paraître contre-intuitif. Mais l'image suivante aidera le lecteur à percevoir sa nature relativiste : en versant dans une carafe le contenu d'un verre, on voit clairement le niveau monter dans la carafe, mais si je vide la même quantité dans une baignoire, on n'en percevra pas l'effet sur le niveau du liquide dans la baignoire.
Exception faite de la section #criteres-maastricht, dont la lecture est vivement recommandée, les autres parties de ce chapitre #modele-dette-publique, très mathématique, n'est pas nécessaire pour la compréhension des principes élémentaires de la problématique de la dette publique. Les personnes motivées qui souhaitent approfondir leur compréhension de la dynamique du solde stabilisant y trouveront cependant une réponse à la plupart des questions qu'ils pourraient se poser.
Les autres pourront se rendre directement au chapitre suivant #pilotage-budgetaire (après avoir lu la section #criteres-maastricht du présent chapitre).
On veut formuler mathématiquement la croissance de la dette, ce qui nous permettra d'identifier les conditions à vérifier – au niveau du solde public, du taux d'intérêt de la dette publique, et de la croissance du PIB – pour que la dette n'augmente pas relativement au PIB.
Modèle descriptif, pas normatif. Contrairement à une croyance répandue par l'idéologie "libérale" (et en particulier chez les européistes) le modèle présenté ici – qui constitue un pilier théorique de la politique économique de l'Union européenne – ne détermine aucunement un supposé niveau optimal de la dette publique. Le modèle n'est donc pas normatif. Il n'est que descriptif, déterminant seulement le niveau du solde public permettant de stabiliser la dette publique à un niveau arbitraire. Le présent article montre que la hauteur à laquelle devrait se situer ce niveau est un choix de nature bien plus (géo)politique qu'économique.
Nous verrons que le modèle est aussi prédictif, mais sur base d'hypothèses quant aux niveaux futurs de la croissance économique et des taux d'intérêts.
Soient :
Taux d'intérêt de la dette publique
La dette publique est financée par des obligations émises par l'État auprès d'investisseurs nationaux ou étrangers, principalement des banques, assurances et fonds de pension. Ces obligations sont émises régulièrement (les emprunts d'État), à des taux et échéances qui peuvent varier à chaque émission. Par conséquent la gestion de la dette est complexe.
On peut cependant calculer chaque année le taux effectif de la dette publique en divisant les charges d'intérêts payées annuellement, par le montant de la dette de l'année précédente : rt = chargest / dettest-1 ⇔ charges t = rt * dettest-1.
Le solde primaire c'est les recettes moins les dépenses (hors charges d'intérêt) de l'État :
SPt = Tt - Gt ⇒
N.B. Un déficit est toujours un solde négatif, par conséquent on peut parler aussi bien de "déficit de 3%" que de "déficit de -3%". Dans les deux cas il s'agit d'un "solde de -3%" ou encore d'un "solde déficitaire de -3%". Heureusement la notation mathématique est quant à elle sans ambiguïté.
Le solde budgétaire est le solde primaire dont on retire les charges d'intérêt :
St = SPt - rt * Dt-1
Le solde budgétaire diminue la dette (⇒ s'il est négatif il l'augmente) :
Dt = Dt-1 - St
On peut exprimer Dt en fonction de SPt en substituant St de n_St=SPt-rt*Dt-1 dans n_Dt=Dt-1-St ⇒
Dt = Dt-1 * ( 1 + rt ) - SPt
Enfin en divisant les équations n_St=SPt-rt*Dt-1 à n_Dt=Dt-1*(1+rt)-SPt par PIBt = PIBt-1 * ( 1 + gt ) on obtient leurs formes en ratios relativement au PIB :
st = spt - rt * dt - 1 / ( 1 + gt )
dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st
dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt
Lecture intuitive de ces équations :
Approximation. On démontre enfin que, rt et gt étant petits :
( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) ≈ 1 + rt - gt ⇔
1 + rt ≈ 1 + rt - gt + gt + rt * gt - gt2 ⇔
1 + rt = 1 + rt
CQFD ⇒
d t ≈ d t-1 * ( 1 + rt - gt ) - sp t
Cette équation résume la dimension mathématique de la problématique, à savoir que l'évolution de la dette est déterminée par :
La problématique de l'évolution de la dette publique a cependant aussi une dimension politique : s'il est relativement facile pour un gouvernement autoritaire d'agir sur le solde public primaire il lui est par contre beaucoup plus difficile voire impossible d'influer substantiellement sur :
Le modèle ci-dessus, malgré sa simplicité, reproduit correctement l'évolution historique. Voici une simulation des évolutions de la dette publique sur une période de cinquante ans, en partant d'une dette publique de 20% (le niveau de la publique française en 1970). Pour produire des simulations conduisant vers 100% (environ le niveau actuel de la dette publique en France) il nous a suffit de fixer des paramètres de même ordre de grandeur que la moyenne européenne pour la période 1970-2010 (NB : dont les deux premières décennies furent marquées par une forte inflation, dépassant les 10% entre 1975 et 1985) :
L'animation suivante intègre trois simulations :
Ce choix de trois simulations aléatoires reproduit assez bien l'éventail des résultats de quelques dizaines de simulations aléatoires, ainsi que la diversité actuelle du niveau des dettes publiques.
Trois simulations "reproductrices"
d0 = 20 % ; r = 9 % ; gR = 2 % ; i = 6 % ; spt = ALEA (-5 % ; 5/2 %)
Tableur solde-public-stabilisant.ods (feuille "d et sp")
Solde moyen. La feuille "d et sp_2" du tableur permet de simuler un solde primaire moyen : 0% fait augmenter la dette de 20% à 32% du PIB, tandis que -1,1% la fait augmenter à 100% du PIB sur la période de cinquante années.
La fonction de génération aléatoire ALEA (-5 % ; 5/2 %) ne reproduit cependant pas la distribution cyclique des soldes primaires.
Malgré l'absence de simulation des cycles la pertinence de l'intégration de la fonction ALEA (-5 % ; 5/2 %) dans le modèle semble confirmée expérimentalement. Nous allons donc l'utiliser pour évaluer comment la dette publique aurait pu (dans le passé) ou pourrait (dans le futur) évoluer, en fonction de diverses hypothèses de valeurs moyennes pour spt, rt et gt.
Moyennes. Lorsque ces acronymes sont mentionnés sans indice t cela signifie généralement qu'il s'agit de moyennes, observées ou anticipées. On considère alors que ∀ t : xt = x. Cette hypothèse est d'autant plus (/moins) pertinente que les valeurs considérées varient (/pas) entre des marges relativement constantes et proches.
Le graphique suivant suggère que si les États, plutôt que de financer leurs déficits primaires par emprunts aux autres agents économiques (donc aux taux du marché), avaient emprunté à leur Banque centrale à taux préférentiels (en l'occurrence un taux d'intérêt moyen de 3%), les dettes publiques seraient aujourd'hui à leur niveau des années 1960 c-à-d en dessous de 50% du PIB !
Trois simulations "reproductrices" (modifiées : r bas)
d0 = 20 % ; r = 3 % ; gR = 2 % ; i = 6 % ; spt = ALEA (-5 % ; 5/2 %)
Tableur solde-public-stabilisant.ods (feuille "d et sp")
Solde moyen. La feuille "d et sp_2" du tableur permet de vérifier qu'un solde moyen de -1% aurait été compatible avec une dette constante à 20% du PIB si le taux d'intérêt moyen de la dette publique avait été de 2,5%.
Enfin dans l'animation suivante on applique des valeurs actuelles aux paramètres. Le résultat suggère que, si le système actuel se perpétue, dans une quarantaine d'années des ratios de dette publique de 140% seront la norme.
Trois simulations "anticipatrices"
d0 = 100 % ; r = 3 % ; gR = 1 % ; i = 2 % ; spt = ALEA (-4 % ; 4/2 %)
Tableur solde-public-stabilisant.ods (feuille "d et sp")
Le tableau suivant résume les paramètres de la première et de la dernière des trois simulations supra.
Poursuivons le développement du modèle dynamique de la dette publique.
Quelle(s) condition(s) le solde budgétaire doit-il vérifier pour que le ratio de dette publique n'augmente pas ?
1. Modèle de base
La dette n'augmente pas c-à-d :
dt ≤ dt-1 ⇔
en substituant dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st dans le premier membre :
dt-1 / ( 1 + gt ) - st ≤ dt-1 ⇔
st ≥ dt-1 / ( 1 + gt ) - dt-1 ⇔
st ≥ ( dt-1 - dt-1 * ( 1 + gt ) ) / ( 1 + gt ) ⇔
st ≥ - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) ⇔
Soit dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st :
dt ≤ dt-1 ⇔ st ≥ - dt-1 * gt / ( 1 + gt )
Et inversement au niveau des inégalités
Approximation : gt étant petit :
gt / ( 1 + gt ) ≈ gt ⇔
gt ≈ gt * ( 1 + gt ) ⇔
gt ≈ gt + gt2 ⇔
gt = gt
CQFD
On pourrait donc simplifier n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt), et toutes les équations infra, en en retirant 1 + gt .
L'équation n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) révèle un fait remarquable : grâce à la croissance économique la dette peut ne pas augmenter, et peut même diminuer, avec un solde public constamment déficitaire ! Ainsi supposons un pays dont la dette est de dt-1 = 90 % du PIB et dont le taux de croissance nominale du PIB est en moyenne g = 5 % par an. Et bien il suffira au gouvernement de ce pays de maintenir son solde budgétaire au-dessus de - 0,9 * 0,05 / 1,05 ≈ - 4,3 % pour que sa dette diminue. Si chaque année st = - 4,3 % alors la dette se maintiendra à 90% du PIB. Cependant elle repartira à la hausse si gt descend en-dessous d'un niveau déterminé par n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) dt > dt-1 ⇔ st < - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) ⇔ gt < - ( sk / dk ) / ( 1 + sk / dk ) = 0,043 / 0,9 / ( 1 - 0,043 / 0,9 ) ≈ 5,0 %
Conseils aux lecteurs/étudiants
Deux erreurs fréquentes : (i) oublier d'inverser l'inégalité lorsqu'on fait passer le signe "-" de l'autre côté ; (ii) confondre le signe "-" de l'équation avec celui de la valeur du solde budgétaire.
Lors de vos expérimentations dans notre tableur, sachez que celui-ci : (i) utilise les équations non simplifiées ; (i) peut afficher une courbe alors qu'il s'agit d'une droite (mais alors la même valeur est affichée tout le long de l'axe vertical).
On appelle solde stabilisant la valeur pivot sst telle que :
Soit dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st :
dt = dt-1 ⇔ sst = - dt-1 * gt / ( 1 + gt )
Il ressort de l'équation n_dt=dt-1⇔sst=-dt-1*gt/(1+gt) des propriétés remarquables du solde stabilisant :
Voyons maintenant ce que donnent ces formules en simulant des sériées aléatoires dans un tableur (fonction ALEA).
Si d0 vaut 60% du PIB et que la croissance nominale du PIB est constamment de 5% alors dt > dt - 1 dès que st ≤ - 0,6 * 0,05 / 1,05 ≈ - 2,9 % du PIB : dans le tableau ci-dessous le passage de D7 à D8 correspond au changement de signe des colonnes G et H (fonction SIGNE).
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "s (g const.)"
Le graphique suivant illustre visuellement que le ratio de dette dt peut baisser même avec un solde effectif st déficitaire, et c'est le cas lorsque celui-ci est supérieur solde stabilisant sst. Mais si le déficit continue de s'aggraver jusqu'à passer en dessous du solde stabilisant alors la dette repart à la hausse.
d0 = 60%, gt = 5 %, s = { - 0,5 % → - 4 % → - 3 % }
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "s (g const.)"
Le graphique supra montre également que, lorsque le solde budgétaire est maintenu par le gouvernement à une valeur constante quelconque sk, la dette converge (lentement) vers une valeur déterminée.
On peut démontrer (cf. infra pour les matheux) que :
Soit dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st :
si ∀ t : st = sk et gt = g > 0 ⇒
limt→∞ (dt) = - sk * ( 1 + g ) / g
Ainsi pour le graphique supra on peut vérifier dans le tableur que la dette tend effectivement vers une limite supérieure dont la valeur est donnée par n_lim(dt)=-sk*(1+g)/g limt→∞ (dt-1) = - (-0,03) *1,05 / 0,05 = 63%.
Propriétés remarquables de la limite de convergence :
elle est précisément le niveau de dette dont le solde stabilisant est sk :
dt = dt-1 ⇔ sst = - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) n_dt=dt-1⇔sst=-dt-1*gt/(1+gt) ⇔
dt-1 = - sst * ( 1 + gt ) / gt
N.B. Corollaire : Si r < g ⇒ limt→∞ ( sst ) = sk
elle est indépendante du niveau initial de dette ⇒ deux pays de ratios dette différents, et dont les gouvernements décideraient unilatéralement de maintenir chaque année leur solde budgétaire à une même valeur constante arbitraire sk verront leur dette tendre vers une valeur commune (*) déterminée par n_lim(dt)=-sk*(1+g)/g.
(*) Pour autant que les taux moyens de croissance économique des pays soient identiques, ce qui est rarement voire jamais le cas. Nous développerons cette problématique plus loin.
Le tableur montre qu'il y a aussi convergence temporelle lorsque gt varie dans une certaine marge. Cependant si l'on déplace cette marge alors la limite de convergence se déplace également. Mais dans la pratique la marge dans laquelle gt varie est constamment inférieure à un certain niveau.
On pourra vérifier dans le tableur (feuille "s(g const.)") que si si g ≤ 0 ⇒ limn→∞ (dn) = ∞. Heureusement, on observe rarement gt ≤ 0, de sorte que pour des périodes supérieures à quelques années on a toujours g > 0.
g moyen
Dans la suite du présent article lorsque nous mentionnerons g au lieu de gt cela signifiera que g est une valeur constante, généralement égale à la moyenne de la période considérée. On considère alors qu'en moyenne le taux de croissance nominale du PIB est constant et égal à la moyenne observée (donc sur une période passée) ou anticipée (donc sur une période future). Les courbes des graphiques sont alors lisses.
Cette remarque sur la moyenne peut sembler anodine, et pourtant nous verrons qu'elle détermine considérablement la problématique. En effet il y a une (grande) différence entre moyenne observée et anticipée : la première est sujette aux erreurs de mesure tandis que la seconde est sujette aux erreurs d'anticipation (PS : un sujet de recherche très intéressant est d'étudier leurs importances relatives). Nous verrons en particulier l'effet potentiellement décisif des erreurs d'anticipation.
Dans notre tableur accessible en cliquant sur le lien en-dessous de chaque graphique, nous utilisons parfois une méthode ménageant la chèvre et le choux, consistant à simuler des séries historiques de gt dans une marge centrée sur une valeur qui par conséquent sera la moyenne de la série. L’algorithme (l'équivalent en informatique des équations en mathématique) est ALEA () * ( g + 0,04 - ( g - 0,04 ) ) + ( g - 0,04 ) : pour g = x % est générée une série de valeurs aléatoires comprises entre x-4 % et x+4 % (pour générer une nouvelle série : touche F9 ou Maj+Ctrl+F9 du clavier). Cela a pour effet que les courbe ne sont plus lisses, mais les conclusions restent les mêmes.
Illustration graphique. Supposons le cas d'un gouvernement dont la dette est de 100% du PIB, et donc l'économie croît au taux nominal moyen de 5%. L'animation suivante résume les évolutions de la dette selon le niveau auquel serait fixé chaque année le solde budgétaire sk – mesure les effets qui en résulterait selon différents niveaux de sk = { 0% , -1% , -2% , -3% , -4% , -4,8% , -5% , -6% } ⇔ dans le graphique ci-dessous la ligne bleue horizontale s'abaisse. On constate que la valeur de fin de période (cinquante années) de la dette varie de 9% à 200% du PIB.
Le graphique illustre ce que l'on pouvait déjà déduire de dt ≤ dt-1 ⇔ st ≥ - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt), et qui est intuitif : la dette d'un pays diminue (/augmente) d'autant plus que son solde effectif est supérieur (/inférieur) au solde stabilisant. Corollaire : dette et solde stabilisant évoluent inversement : cf. signe moins du membre de droite de dt = dt-1 ⇔ sst = - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) n_dt=dt-1⇔sst=-dt-1*gt/(1+gt).
Un autre fait, à priori moins intuitif, est que plus la dette est élevée plus le solde stabilisant est faible. Autrement dit, plus la dette est élevée plus il est facile de la stabiliser (et inversement), ce qui est finalement assez intuitif : il ne faut pas faire beaucoup d'effort pour stabiliser une situation qui n'exige pas de gros efforts. Mais attention : ce raisonnement est à taux d'intérêt constant ! Or la hausse de la dette a généralement pour effet de pousser son taux d'intérêt à la hausse (par exemple si la hausse de la dette conduit les prêteurs à exiger une prime de risque plus importante) ...
NB : nous verrons que ces raisonnements demeurent évidemment valables si l'on considère le solde primaire stabilisant plutôt que le solde budgétaire stabilisant (feuille sp_3 du tableur ci-dessous).
On notera deux cas en particulier :
Bien que sst et sk sont le même élément d'une même équation, il importe cependant de ne pas confondre stabilisation et convergence :
NB : dans les deux cas d0 sera atteint d'autant plus vite que | st - sk | sera grand.
De même il convient de percevoir la différence de nature entre sst et sk :
Elle devient évidemment constante si le gouvernement maintient st = sst chaque année, et que gt est constant.
Synthèse des équations n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) à n_lim(dt)=-sk*(1+g)/g :
Soit dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st :
dt ≤ dt-1 ⇔ st ≥ - dt-1 * gt / ( 1 + gt )
Si ∀ t : st = sk et gt = g > 0 ⇒
limt→∞ (dt) = - sk * ( 1 + g ) / g
⇒ dk ≤ d0 ⇔
g ≥ - ( sk / dk ) / ( 1 + sk / dk )
Approximation : et x étant petit :
x / ( 1 + x ) ≈ x ⇔
x ≈ x * ( 1 + x ) ⇔
x ≈ x + x2 ⇔
x = x
CQFD
La version approximée de n_g≥-(sk/dk)/(1+sk/dk) est donc :
Soit dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st :
dt ≤ dt-1 ⇔ st ≥ - dt-1 * gt
Si ∀ t : st = sk et gt = g > 0 ⇒
limt→∞ (dt) = - sk / g
⇒ dk ≤ d0 ⇔
g ≥ - ( sk / dk )
Appliquons maintenant la théorie à la pratique : les critère de convergence de l'Union européenne.
Les critères de Maastricht (1992), qui constituent le fondement de la politique économique de l'Union européenne, interdisent (*) aux pays membres notamment d'avoir une dette publique supérieure à 60% du PIB et un solde budgétaire inférieur à -3% du PIB [source1, source2].
(*) Il s'agit d'un interdiction implicite car en pratique il s'agit de faire converger les dettes vers le niveau de 60%.
Algorithme des critères de Maastricht
Un possible algorithme de simulation des soldes budgétaires annuels est ALEA () * (-0,03) qui signifie que le solde budgétaire varie aléatoirement entre 0 et -3%, ce qui aboutit logiquement à une moyenne variant autour de 1,5%. Dans notre tableur nous utilisons plutôt MAX ( ALEA () * (-0,08) ; -0.03 ) dont la moyenne tourne autour de -2,4%. Le tableau suivant montre que la moyenne historique en France depuis 2000 est inférieure à -3% ...
Selon les promoteurs de l'Union européenne sans cette contrainte budgétaire l'union monétaire ne serait pas viable. Cela est probablement vrai. Par contre ce qui est nettement moins évident c'est l'utilité d'une union monétaire, surtout à une époque où la monnaie est essentiellement électronique et où l'affichage électronique des prix en devises étrangères se généralise (étiquettes électroniques et applis de conversion visuelle sur téléphone mobile).
D'autre part, quelles sont les justifications de ce niveau de 60% du PIB imposé aux dettes publiques des pays membres ? La théorie que nous venons de voir dit seulement qu'une dette à 60% et un solde budgétaire à -3% cela correspond à un taux de croissance nominal du PIB de 0,03 / 0,6 = 5%. Rien d'autre ! En particulier la théorie ne dit absolument pas qu'une dette supérieur à 60% et un solde budgétaire inférieur à -3% seraient nuisibles d'un point de vue économique. À contrario la théorie économique ne dit absolument pas que les gouvernements devraient maintenir leur solde budgétaire au-dessus de -3% et leur dette en dessous de 60% du PIB !
Nous verrons plus loin dans cet article que d'un point de vue théorique aussi bien que pratique on ne peut affirmer l'existence d'un niveau optimal absolu de la dette publique. Par conséquent le niveau de 60% a été défini sur base de considérations de nature politique c-à-d de rapports de force. En 1995 la dette moyenne des 12 pays signataires du Traité de Maastricht était d'environ 77% du PIB, tandis que les dettes publiques allemande, française et anglaise étaient respectivement de 55%, 55% (idem pour les USA) et 45% [source]. Il est donc plus que probable que ce pourcentage a été choisi parce qu'il était proche de celui de l'Allemagne et de la France, les leaders économiques et politiques de l'UE [source].
La pertinence des "critères de convergence" de l'UE est hautement douteuse, et cela pour au moins trois raisons :
Qu'est ce qui permet d'affirmer que le niveau de dette publique de l'Allemagne serait applicable et souhaitable pour les autres pays de l'UE ? Ainsi nous verrons plus loin que les économies japonaise et belge sont saines et performantes malgré une dette supérieure à 100%, et cela depuis plusieurs décennies. Le niveau de la dette d'un pays est fonction de diverses particularités de son économie, dont le niveau de l'épargne nationale et la part de la dette publique détenue par des nationaux. Par conséquent appliquer le ratio dette d'un pays à d'autres est un non sens économique. On est donc en plein dans une idéologie politique, et non dans la science économique.
On notera un antagonisme flagrant dans un projet d'union monétaire fondé sur ce principe de convergence : POL doit souhaiter voir sa dette augmenter, tandis que FRA doit souhaiter la voir baisser ! Encore une fois, cela n'est pas de la science mais de l'idéologie.
Le taux de croissance économique varie entre pays et dans le temps. L'animation suivante montre la différence dans la convergence de la dette de trois pays GER, FRA et POL, entre un scénario où les taux de croissance moyens du PIB sont tous de 5%, et un scénario où le taux de FRAN et POL sont respectivement de 4% et 6%. Il en apparaît que la convergence est considérablement ralentie par les différentiels de croissance.
Convergence des dettes et instabilité de g
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "Maastricht (s)"
Lenteur de la convergence. Le fait que le phénomène de convergence des dettes est lent relativement à la durée de vie humaine a une conséquence politique majeure. Ainsi alors que les effets de la politique budgétaire restrictive induite par les critères de convergence sont immédiatement ressentis par les citoyens des pays dont la dette est supérieur à 60%, les effets supposés bénéfiques (*) de la convergence sont quant à eux quasiment invisibles durant la vie des individus.
Nuisibilité des critères de convergence ? La seule chose incontestable c'est que dans les pays dont la dette est supérieure à 60% du PIB les critères de convergence sont une stratégie idéale pour justifier de nouvelles baisses d'impôts. Les faits semblent d'ailleurs confirmer que dans ces pays l'Union européenne s'avère nuisible à l'enseignement, la recherche, les hôpitaux, la sécurité sociale, les transports publics et la transition vers les énergies renouvelables. Mais quoi qu'il en soit c'est une escroquerie scientifique que d'attribuer à une simple propriété mathématique une valeur économique normative.
Il est à cet égard frappant de constater que l'union monétaire européenne initiée en 2000 fut accompagnée d'une ... divergence des dettes publiques. Dans la section "Taux de change" de notre article "Principes monétaires" nous expliquons pourquoi l'union monétaire – un autre carcan – n'est pas étrangère à cette situation.
Dette publique en % du PIB
Mais revenons à notre modèle théorique, car il est nous reste à en découvrir un élément important, relatif au taux d'intérêt de la dette publique.
Le graphique suivant montre que les taux d'intérêt de la dette publique varient aussi bien dans l'espace (c-à-d entre pays) que dans le temps.
Malheureusement dans les équations n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) à n_g≥-(sk/dk)/(1+sk/dk) seul gt apparaît, et pas le taux d'intérêt de la dette publique, car dans ces formules c'est le solde budgétaire st qui y apparaît et non le solde primaire spt.
Or n_st=spt-rt*dt-1/(1+gt) st = spt - r * dt - 1 / ( 1 + gt )
Comprenons bien l'ordre chronologique dans lequel sont calculés les comptes publics annuels :
Les équations du solde budgétaire n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) à n_g≥-(sk/dk)/(1+sk/dk) agglomèrent, et donc masquent, les effets respectifs du solde primaire et des charges d'intérêts sur l'évolution de la dette publique.
On comprend alors l'intérêt du solde primaire par rapport au solde budgétaire : il donne au gouvernement un instrument de mesure sur ce qu'il contrôle le mieux, alors que le solde budgétaire est en outre déterminé par les charges d'intérêts, sur lesquels le gouvernement a beaucoup moins d'emprise (du moins lorsque le taux d'intérêt de la dette publique est déterminé par le marché financier plutôt que par la Banque centrale ...).
D'où la notion de solde primaire stabilisant ...
Pour établir l'équivalent des équations n_dt≤dt-1⇔st≥-dt-1*gt/(1+gt) à n_g≥-(sk/dk)/(1+sk/dk) pour le solde primaire il suffit de refaire les mêmes développements mais cette fois en utilisant dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt plutôt que dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st.
Ainsi la dette n'augmente pas si :
dt ≤ dt - 1 ⇔
en substituant dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt dans le premier membre :
dt-1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt ≤ dt-1 ⇔
spt ≥ dt-1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - dt-1 ⇔
spt ≥ ( dt-1 * ( 1 + rt ) - dt-1 * ( 1 + gt ) ) / ( 1 + gt ) ⇔
Soit dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt
dt ≤ dt-1 ⇔ spt ≥ - dt-1 * ( gt - rt ) / ( 1 + gt )
Approximation : rt et gt étant petits :
( rt - gt ) / ( 1 + gt ) ≈ rt - gt ⇔
rt - gt ≈ ( 1 + gt ) * ( rt - gt ) ⇔
rt - gt ≈ rt - gt + gt * rt + gt2 ⇔
rt - gt = rt - gt
CQFD
On pourrait donc simplifier n_spt≥-dt-1*(gt-rt)/(1+gt), et toutes les équations infra, en en retirant 1 + gt.
On appelle solde primaire stabilisant la valeur pivot spst telle que :
Soitdt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt
dt = dt-1 ⇔ spst = - dt-1 * ( gt - rt ) / ( 1 + gt )
Convergence de dt lorsque l'on fixe le solde primaire spt à une valeur arbitraire spk :
Soit dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt
si ∀ t : spt = spk gt = g > 0 et r < g ⇒
limt→∞ (dt) = - spk * ( 1 + g ) / ( g - r )
Et inversement au niveau des inégalités
Tout comme pour le solde budgétaire on notera pour le solde primaire que sa limite de convergence dk = - spk * ( 1 + g ) / ( g - r ) :
N.B. Corollaire : Si r < g ⇒ limt→∞ ( spst ) = spk
On observe toujours r > - ( 2 + g ). Par contre la démonstration de n_lim(dt)=-spk*(1+g)/(g-r) montre que la dette dt diverge si r ≥ g : la courbe dt est alors exponentielle !
Résumé. On pourrait synthétiser les équations n_spt≥-dt-1*(gt-rt)/(1+gt) à n_lim(dt)=-spk*(1+g)/(g-r) comme suit :
Soit dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt
dt ≤ dt-1 ⇔ spt ≥ - dt-1 * ( gt - rt ) / ( 1 + gt )
Si ∀ t : spt = spk ; gt = g > 0 ; r < g ⇒
limt→∞ (dt) = - spk * ( 1 + g ) / ( g - r )
⇒ dk ≤ d0 ⇔
g - r ≥ - spk / dk * ( 1 + g ) ⇔
g ≥ ( r - spk / dk ) / ( 1 + spk / dk ) ⇔
r ≤ spk / dk + g * ( 1 + spk / dk )
Approximation : a et b étant petits :
a / ( 1 + b ) ≈ a ⇔
a ≈ ( 1 + b ) * a ⇔
a ≈ a + a * b ⇔
a = a
CQFD
La version approximée de n_r≤spk/dk+g*(1+spk/dk) est donc :
Soit dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt
dt ≤ dt-1 ⇔ spt ≥ - dt-1 * ( gt - rt )
Si ∀ t : spt = spk ; gt = g > 0 ; r < g ⇒
limt→∞ (dt) = - spk / ( g - r )
⇒ dk ≤ d0 ⇔
g - r ≥ - spk / dk ⇔
g ≥ r - spk / dk ⇔
r ≤ g + spk / dk
On notera que :
Comme déjà expliqué à la fin de la section consacrée au solde budgétaire, les équations du solde budgétaire résumées par n_g≥-(sk/dk)/(1+sk/dk) agglomèrent, et donc masquent, les effets respectifs du solde primaire et des charges d'intérêts sur l'évolution de la dette publique. On comprend alors l'intérêt du solde primaire par rapport au solde budgétaire : il donne au gouvernement un instrument de mesure sur ce qu'il contrôle le mieux, alors que le solde budgétaire est en outre déterminé par les charges d'intérêts, sur lesquels le gouvernement a beaucoup moins d'emprise (du moins lorsque le taux d'intérêt de la dette publique est déterminé par le marché financier plutôt que par la Banque centrale ...).
Nous avons vu que, grâce à la croissance économique, le solde budgétaire stabilisant sst ≈ - dt-1 * gt est généralement un déficit (sauf lorsque g < 0, ce qui est rare). Or ce n'est pas le cas du solde primaire stabilisant spst ≈ - dt-1 * ( gt - rt ), qui peut être aussi bien excédentaire que déficitaire selon le signe de g - r :
Les graphiques suivants illustrent les quatre scénarios possibles de divergences et convergences.
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "synthèse"
Comparaison avec le solde budgétaire stabilisant :
Analyse graphique détaillée. Dans l'animation ci-dessous la dette initiale est de 100 %, et le solde primaire effectif passe de -3 % à 3 %. L'animation compare quatre scénarios selon que le taux d'intérêt de la dette publique est de 0%, 1.85%, 3%, 5%, 6% ou 9%, pour un taux de croissance nominale du PIB de 5%.
En observant d'abord la partie gauche (solde primaire effectif déficitaire), puis la partie droite (solde primaire effectif excédentaire), le lecteur constatera que :
Détaillons chacun des six scénarios de taux d'intérêt :
d0 = 100 %, g = 5 %, r = 0 %
d0 = 100 %, gt = 5 %, r = 1,85 %
d0 = 100 %, g = 5 %, r = 3 %
d0 = 100 %, gt = 5 %, r = 5 %
d0 = 100 %, gt = 5 %, r = 6 %
d0 = 100 %, gt = 5 %, r = 9 %
Dans la réalité l'évolution du solde budgétaire est plus chaotique, et dans le cas du solde primaire on observe même des changements de signe (déficit ou excédent). Le tableur suivant génère aléatoirement rt (entre 3% et 6%), gt (entre -1% et 5%) et spt (entre -5% et 2,5%) sur une période de dix ans.
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "sp vs s_aleat."
Notons enfin qu'historiquement aux USA, le taux d'intérêt a été plus souvent inférieur au taux de croissance que l'inverse. Olivier Blanchard en déduit que dans ces conditions l’accroissement de la dette, ne nécessite pas forcément le recours à une augmentation future des impôts pour stabiliser le taux d’endettement [source].
La démonstration suivante confirme un fait illustré dans le graphique précédent : les différentiels sp – sps et s – ss ont nécessairement même signe :
dt = dt-1 / ( 1 + gt ) - st n_dt=dt-1/(1+gt)-st ⇔
st = dt-1 / ( 1 + gt ) - dt ⇒
st - sst =
dt-1 / ( 1 + gt ) - dt - ( - dt-1 * gt / ( 1 + gt ) ) =
dt-1 * ( 1 + gt ) / ( 1 + gt ) - dt =
dt-1 - dt
Tandis que :
dt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - spt n_dt=dt-1*(1+rt)/(1+gt)-spt ⇔
spt = dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - dt ⇒
spt - spst =
dt - 1 * ( 1 + rt ) / ( 1 + gt ) - dt - dt-1 * ( r - gt ) / ( 1 + gt ) =
dt-1 - dt
CQFD
Le résultat de cette démonstration est illustré par le tableur suivant qui génère aléatoirement rt (entre 3% et 6%), gt (entre -1% et 5%) et spt (entre -5% et 2,5%) sur une période de plusieurs années. La comparaison des colonnes I, J et M montre que les différentiels budgétaire (colonne M) et primaire (colonne J) changent de signe simultanément, et qu'en outre ces changements de signe correspondent à des changement de signe de la pente de la dette publique (colonne I).
Supposons trois pays GER, FRA et POL dont les économies sont caractérisées comme suit en terme de moyennes historiques du taux de croissance du PIB nominal (g), du solde primaire (sp), de la dette publique (d) et du taux d'intérêt de la dette publique (r) :
L'animation suivante montre l'effet de la modification d'une seule de ces douze moyennes : le taux d'intérêt de la dette publique de FRA (cellule E3) augmente de 3% à 5%. Résultat : avec un taux d'intérêt de 3% la dette se maintient à 100% sur les trente années, mais à 5% la dette augmente à plus de 160%.
Effet du taux d'intérêt sur la dette publique
Tableur solde-public-stabilisant.ods : feuille "Maastricht.(sp)"
L'interprétation de ce phénomène doit prendre en compte deux faits :
Il faudrait cependant veiller à ce que l'argent emprunté serve à financer des capacités de productions de biens et services utiles plutôt que de la consommation, si l'on veut neutraliser le risque inflationniste.
La politique de "pilotage budgétaire" fondée sur les critères de Maastricht (cf. supra #criteres-maastricht) repose sur :
À partir des ces deux prémisses, ont été conçues les notions de :
La notion de croissance potentielle repose sur l'idée que si le PIB effectif est inférieur (/supérieur) à son potentiel, alors le PIB effectif va augmenter (/baisser) progressivement vers son niveau potentiel puis se stabiliser, en fluctuant autour de lui.
Le problème est que la notion de croissance potentielle est grevée par deux grandes faiblesses :
Par conséquent, on observe les mêmes limitations concernant la définition et la mesures des deux composantes théoriques du déficit public observé :
Lorsque le taux d’intérêt apparent de la dette est égal au taux de croissance potentiel du PIB, ce qui est le cas dans certains modèles théoriques de croissance à long terme, le solde primaire structurel stabilisant est nul. Dans cette perspective il faut donc que le solde structurel primaire soit au moins nul pour stabiliser la dette [source].
Pour les dirigeants de l'UE l'idée sous-jacente est que la composante conjoncturelle du déficit (qui est relativement incontrôlable) est "acceptable", tandis que la composante structurelle (qui est relativement contrôlable) serait "inacceptable" et devrait par conséquent être ramenée à zéro dans les trois ans [voir aussi] ;
Dès lors qu'il n'existe pas de consensus scientifique quant à la meilleure façon d'évaluer la "croissance potentielle", et partant, le "déficit structurel" [source], il en résulte des valeurs parfois substantiellement différentes selon la méthode utilisée. C'est pourquoi le déficit observé demeure la référence principale. Mais référence principale pour une politique de pilotage budgétaire fondée sur les critère de Maastricht, et donc sur la croyance non fondée en l'existence d'un niveau optimal absolu de la dette publique !
On nage donc en plein scientisme économique. Cependant la politique d'enfumage des populations par les classes dirigeantes européennes est quant à elle bien pensée. Il s'agit d'imposer un projet non pas économique mais géopolitique – l'Union européenne – fondé sur l'idéologie du libéralisme atlantiste (cf. https://konfedera.org/contexte-economique-et-politique#intro).
Escroquerie ? L'intégrité morale de cette idéologie se pose notamment au regard de la question suivante : pourquoi les États n'empruntent-ils pas sans intérêt auprès de leur Banque centrale, ce qui permettrait d'alléger les soldes publics de la charge des intérêts ? La réponse de la doxa libérale atlantiste est que cela inciterait les gouvernements à mener des politiques budgétaires inflationnistes. Cependant ce raisonnement ne tient pas la route. Si l'État a la rigueur de se soumettre au paiement d'intérêts, pourquoi n'aurait-il pas la rigueur de s'imposer des conditions quantitatives et qualitatives à ses emprunts auprès de sa BC, lesquelles conditions garantiraient le caractère non inflationniste de ces emprunts, tout en économisant le paiement d'intérêts !? La véritable raison de la politique actuelle n'est-elle pas le pouvoir de corruption des décideurs politiques par le lobby bancaire, principal bénéficiaire des charges d'intérêt de la dette publique ?
On notera à cet égard, que les trois secteurs économiques où l'on observe le plus de condamnations judiciaires, notamment pour corruption, sont dans l'ordre : 1. finance ; 2. pharmacie ; 3. énergie [source]. Malheureusement, l'absence de condamnation à des peines de prison fermes, et de nationalisation punitive, montre que ces condamnations, uniquement sous formes d'amendes, sont purement symboliques.
Le ratio de 3% imposé aux États par le traité de Maastricht surestime le déficit car il y comptabilise les dépenses d'investissement, donc y compris les dépenses de formation, R&D, et de santé. Or s'il est logique que les dépenses de fonctionnement soient financées par prélèvements obligatoires, il est tout aussi logique que les investissements le soient par emprunts publics. Autrement dit, en terme de ratios de solde (et de dette) public on ne peut traiter également ces deux types de dépenses : contrairement aux dépenses de fonctionnement les investissements en capital (matériel comme humain) génèrent de la croissance économique et donc une capacité de remboursement des emprunts.
Tout comme le solde public, la dette publique calculée pour mesurer le respect du critère de Maastricht est surévaluée car il s'agit de la dette brute c-à-d la somme des passifs sans déduction des actifs [source].
Raisonner sur base de la dette brute revient à passer sous silence que la dette publique permet notamment de financer des investissements produisant un patrimoine public (écoles, routes, hôpitaux, ...), qui participent au développement économique, lequel générera des revenus permettant de rembourser les emprunts publics.
NB : en France environ un tiers du patrimoine public est financier.
Il convient donc de comparer la dette brute (la somme des passifs) au patrimoine (la somme des actifs). On obtient alors une toute autre image de la situation. Ainsi le graphique suivant montre que le patrimoine net (actifs- passifs) est positif ! (mais la situation se détériore depuis la crise des subprimes de 2007-2008, les État s'étant endettés – pour sauver des banques privées mal gérées (*) – ce qui a eu pour effet que la croissance du passif a dépassé celle des actifs.
En outre, en comparant la dette brute au patrimoine on compare deux stocks, alors que le ratio dette/PIB compare un stock à un flux.
Champs de définition de la dette publique
Le tableau suivant montre que, selon la définition, mais aussi selon la source pour une même définition, la dette publique de la France en 2016 est de 88%, 98% ou 125% du PIB !
Les chiffres les plus proches sont ceux de Eurostat ("Government consolidated gross debt" : 98 %) et de l'OCDE ("Central government debt" : 103 %). Faut-il en conclure que la définition de l'UE exclut les collectivités locales et la sécurité sociale ? La définition donnée par Eurostat, qui illustre parfaitement l'incapacité de l'Union européenne a communiquer de façon compréhensible et non ambiguë, ne permet pas d'en savoir plus ... [constater]. Un document de l'Insee précise heureusement sans ambiguïté que la dette au sens de Maastricht couvre les administrations centrale, locales et de sécurité sociale [source]. La différence substantielle entre les statistiques de l'OCDE et celle de l'UE s'expliquent donc par d'autres éléments, ce qui témoigne de la géométrie très variable du concept de dette publique.
Deux questions en guise d' introduction :
Le juteux business de la notation financière
La crise de 2008 fut notamment provoquée par le fait que les agences de notation financière ont accordé la cote maximale de qualité (AAA) à des titres et émetteurs "pourris". D'autre part force est de constater que le business modèle de la notation financière est celui du racket. Il suffit en effet à une agence de notation de publier un rating dévastateur sur une organisation (entreprise ou État) qui ne le mérite pas, pour forcer celle-ci à devenir "cliente" afin de rehausser sa note. Cette stratégie est d'autant plus facile à appliquer que le marché de la notation financière est un oligopole (trois entreprises, toutes états-uniennes, contrôlant 95% du marché) au sein duquel des ententes sont facilement organisables. Selon nous il convient donc, soit de supprimer toutes références aux agences de notation dans la réglementation prudentielle du secteur financier, soit de responsabiliser les agences de notation en les obligeant à se convertir en sociétés d'assurance contre le risque de dévaluation d'actifs financiers, et à réglementer celles-ci plus efficacement (cf. le rôle des CDS dans la crise de 2008). Mais la cause des causes est l'appât du gain privé, de sorte que la solution la plus efficace est de faire du statut de grande entreprise financière (banques, assurances, ...) un monopole public.
Le secteur public est ce que le secteur privé (qui est composé de personnes physiques et morales) décide (plus ou moins démocratiquement) de mettre et faire en commun. Il s'agit d'un acte politique auquel, selon nous, seules les personnes physiques (les individus) devraient participer.
Or, en pratique, on constate que des personnes morales (entreprises et associations) y participent également. Cela pose question lorsqu'on se rend compte du rôle déterminant joué par les grandes entreprises privées dans les décisions politiques (cf. European Round Table), car ces entreprises privées sont la propriété de personnes physiques, qui bénéficient par conséquent d'un pouvoir politique supérieur à la majorité des citoyens.
Autrement dit, cette superposition des droits politiques des personnes physiques (individus) et morales (organisations, privées ou publiques) induit un "effet doublon" dès lors que les organisations ne fonctionnent et n'existent que par les personnes physiques qui la constituent. Ces doublons posent la question du caractère démocratique ou non de la gouvernance des organisations privées comme publiques, c-à-d in fine du contrôle démocratique des moyens de production.
Dans une démocratie directe les entreprises publiques pourraient être gérées sous statut de coopératives publiques.
On pourrait certes objecter que la distinction entre personnes physique et morale conduit à une "double taxation" des entreprises et de leurs propriétaires, favorisant ainsi la redistribution des richesses. Le problème est qu'entre cette théorie fiscale et la réalité la marge est grande (paradis fiscaux, ingénierie fiscale, etc).
Partie prenantes. La problématique est plus complexe que cela. Une entreprise implique au moins quatre types d'individus/ménages : actionnaires, employés, clients, fournisseurs. Par exemple une hausse des cotisations patronales peut inciter l'employeur à réduire l'emploi ...
Il convient donc de ne pas confondre dette publique et dette nationale, la première n'étant que la composante publique de la seconde :
Dette nationale :Au sein d'un pays (c-à-d une "économie nationale") on distingue donc trois agents économiques : l'État (le secteur public), les entreprises et les ménages (le secteur privé). Par conséquent évaluer la situation d'une économie nationale en se fixant sur la santé financière du seul secteur public – comme le font la plupart des journalistes et politiciens – est absurde.
Ainsi la valeur d'une monnaie nationale ne dépend pas que de la situation financière du secteur public, mais également du secteur privé (entreprises et ménages). Cela doit être interprété au regard des faits suivants :
Le tableau suivant montre que l'explosion de la dette nationale US durant la seconde moitié du 20° siècle ne fut pas le fait de l'État mais bien du secteur privé, et en particulier des entreprises financières.
Composantes de la dette nationale US (%PIB)
1957 | 2007 | |
---|---|---|
État (fédéral) | 75% | 80% |
État (municipal) | 20% | 20% |
Entreprises non financières | 45% | 90% |
Entreprises financières | 5% | 150% |
Ménages | 45% | 120% |
Total | 190% | 460% |
[Source p.157]
En France, la dette privée représente de façon assez constante environ 1,3 fois la dette publique. Le graphique montre également l'impact délétère de la crise financière initiée en 2007-2008, au profit du secteur bancaire.
Enfin, n'oublions pas que l'endettement peut servir à financer deux types de dépenses : consommation et investissement. Ce qui nous mène à la section suivante ...
Une dette publique de 60% du PIB (≈ revenu national) signifie que pour rembourser sa dette en une fois un État devrait consacrer 60% de la production annuelle du pays par l'ensemble des agents économiques (État, entreprises et ménages).
Mais plutôt que de comparer le volume de la dette publique (un stock) au PIB (un flux), ne serait-il pas plus pertinent de le comparer au patrimoine économique national (un stock, qui en France représente environ huit années de revenu national : cf. /principes-economiques-elementaires#patrimoine) ?
Nous allons voir que ce type de raisonnement, consistant à comparer le niveau de la dette à celui du PIB ou du patrimoine, s'il peut être pertinent dans le cas d'une entreprise privée (chiffre d'affaire ⇔ PIB, et actifs de l'entreprise ⇔ patrimoine économique national), il l'est par contre beaucoup moins voire plus du tout dans le cas d'un État.
Ainsi les économistes libéraux aiment évoquer un supposé risque de "faillite de l'État" (défaut de paiement), par analogie avec les faillites d'entreprises privées. Mais cette analogie n'est pas fondée car, l'État dispose de moyens de financement souverains :
N.B. Le rendement de l'impôt peut cependant diminuer au fur et à mesure qu'augmente le taux d'imposition, notamment suite à l'échappement fiscal (cf. courbe de Laffer).
N.B. Le recours à la "planche à billets" est cependant limitée par le risque inflationniste. Dans l'Union européenne elle est théoriquement interdite, sauf pour céder au chantage systémique des banques, avec la complaisance des gouvernements.
D'autre part, contrairement aux banques, l'État est réellement "too big too fail", car il doit garantir la fourniture de services publics que le secteur privé n'est pas disposé ou en mesure de fournir de façon équitable et éthique. Contrairement aux entreprises privées, la nature de l'État est intrinsèquement collective : alors que l'objectif premier des entreprises privées est la maximisation du profit de ses seuls propriétaires, celui de l'État est de maximiser le rapport qualité/prix des biens & services fournis par lui à la collectivité.
Il est évidemment à déterminer quel système politique permet à l'État d'assumer au mieux cette fonction. Nous avons développé la thèse selon laquelle ce système est la démocratie directe, telle que définie dans democratiedirecte.net.
Ainsi l'État s'octroie un monopole souverain : dans un pays il peut y avoir plusieurs banques concurrentes, mais il ne peut y avoir qu'un seul État.
Il en résulte que la durée de vie d'un État est théoriquement infinie ou en tout cas est nettement supérieure à celle d'une entreprise privée (*) et (encore plus) d'un particulier. Cette durée de vie infinie constitue une garantie de remboursement pour les créanciers de l'État (les institutions financières, ménages et autres États détenant les obligations émises par l'État emprunteur), ce que confirme le fait que le taux d’intérêt des emprunts d’État est inférieur à celui des dettes des entreprises privées (cf. graphique ci-dessous) .
(*) Une entreprise, même bien gérée, peut disparaître suite à un changement de paradigme technologique rapide et imprévisible.
Enfin, "last but not least", la fonction de l'État est collective, ce qui n'est pas le cas des agents économiques privés (entreprises et ménages) : ses "dépenses" servent la collectivité.
Quel est l'effet d'une hausse de la dette publique sur la croissance économique ?
Une réponse théorique consiste à distinguer les deux voies de l'endettement public :
Le lecteur aura remarqué qu'il n'y a là que des effets positifs. Mais est-ce le cas dans la réalité ? La réponse est ici nettement moins évidente, et cela pour deux raisons :
Les études économétrique empiriques réalisées pour mesurer l'effet d'une hausse de la dette publique sur la croissance économique reposent sur la notion de multiplicateur des dépenses publiques.
De nombreuses études économiques empiriques visent à mesurer/calculer une effet multiplicateur (ou un effet d'éviction, en cas de valeur négative) des dépenses publiques et/ou des impôts sur le PIB. Une définition possible du multiplicateur est :
Δ g t , t+n = Multiplicateur * Δ E t où :
Ainsi un multiplicateur budgétaire de 0,2 signifie qu'une hausse (baisse) du déficit budgétaire de 1% du PIB durant l'année t se traduirait par une augmentation de 0,2 point de pourcentage du taux de croissance moyen du PIB de la période t à t+n.
Une étude publiée en 2012 par Auerbach et Gorodnichenko suggère que le multiplicateur budgétaire serait habituellement proche de 0 mais grimperait à 2,5 en période de récession [source]. Une étude du FMI publiée en 2013 identifie quant à elle un multiplicateur plutôt constant et légèrement supérieur à 1 [source].
Selon une étude de l'OCDE publiée en 2015, le multiplicateur budgétaire serait positif pour autant que la dette publique ne dépasse pas un certain niveau, qui serait d'environ 80% du PIB pour les pays les plus développés et environ 40% du PIB pour les pays émergeant. Au délà de sa limite la dette exercerait un effet d'éviction sur le PIB via une hausse des taux d'intérêt [source].
Par un heureux hasard, la valeur limite pour les pays de la zone euro serait d'environ ... 60%, soit exactement la valeur imposée par les critères de Maastricht ! Cette étude tombe donc à point nommé, alors que les critères de Maastricht sont de plus en critiqués pour leur absence de fondement scientifique ...
Ça tire donc dans toutes les directions. Ainsi une étude du FMI publiée en 2012, identifie un multiplicateur de la dette publique, selon lequel la croissance à long terme serait diminuée de 0,2 point lorsque la dette publique augmente de 10 points de PIB [source1, source2].
Quant aux multiplicateurs fiscaux ils seraient de l'ordre de 2-3 : suite à une baisse d'impôt d'un point de pourcentage du PIB, le PIB augmente de 2 à 3% au bout de 3 ans. Thomas Grjebine explique que pour les économistes keynésiens, une baisse d’impôt provoque une augmentation du PIB plus que proportionnelle – on parle de multiplicateur fiscal. Il s’agit d’un cercle vertueux où la baisse d’impôt, en engendrant une hausse du revenu disponible, entraîne une augmentation de la consommation, qui se traduit par des revenus supplémentaires pour les vendeurs, et donc des rentrées fiscales en plus, etc. Cette baisse d’impôt aura un impact positif d’autant plus important que les ménages ont une forte propension à consommer, c’est-à-dire consomment une part importante de leurs revenus (c'est particulièrement le cas de la TVA et de la taxe foncière), et que le pays est peu ouvert au commerce international – l’argent n’est pas utilisé pour acheter des produits importés. Enfin, selon la théorie dite "d'équivalence ricardienne", qui stipule que ce n'est pas le revenu disponible mais le revenu permanent qui détermine la demande, baisser les impôts sans baisser de façon équivalente les dépenses publiques peut n’avoir aucun effet si les ménages, anticipant une hausse future des impôts pour rembourser la dette publique, choisissent d’épargner plutôt que de consommer ces ressources supplémentaires. Les études empirique infirment cependant la validité de cette théorie [source].
Dans un article publié en 2010 les économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff suggèrent que lorsque la dette publique d'un pays excède 90 % du PIB, ses performances économiques s'en trouveraient amoindries [source]. Cependant selon une étude réalisée en 2014 par le FMI l'existence d'effets de la dette publique sur la croissance économique au-delà d'un certain seuil n'est pas établie, on peut seulement observer que les pays présentant un niveau d'endettement élevé mais dont la dette est en diminution présentent des performances économiques similaires à ceux dont le niveau d'endettement est faible [source].
Les résultats des études varient donc considérablement selon le référentiel (PIB, IDH, ...).
D'autre part :
Existe-t-il une corrélation entre niveau de développement et dette publique ? Pour répondre à cette question, nous avons mesuré la corrélation entre dette publique par habitant et PIB/hab, sur base d'un échantillon de 194 pays. L'analyse suggère l'absence totale de corrélation.
Tableur : dette-publique-et-PIB.ods, source : FMI
Cependant, si l'on se concentre sur les seules dépenses publiques, le graphique suivant montre que les économies "avancées" ont un niveau moyen de dépenses publiques de 40 % du PIB, contre 30 % dans les économies "émergentes ou en développement".
Certes, corrélation n'est pas causalité : ce peut être aussi bien un haut niveau de développement économique qui permet des dépenses publiques élevées, ... que l'inverse. Par contre ces données confirment qu'un niveau élevé de dépenses publiques n'est pas liée à un faible niveau de développement économique.
Cependant le graphique suivant (source : UNDP, 2012) révèle une flagrante corrélation entre dépenses publiques passées et l'Indice de Développement Humain (IDH, calculé sur base de l'espérance de vie, de la durée de scolarisation et du revenu brut par habitant), ce qui renforce fortement la thèse que les dépenses publiques stimulent le développement économique.
Source : undp.org
Les faits que nous avons exposés dans cette section suggèrent que les biais idéologiques (ou encore les conflits d'intérêt voire la corruption) déterminent les résultats d'une partie considérable des articles scientifiques. En voici d'ailleurs une exemple documenté ...
Un professeur d'université pris en flagrant délit d'enfumage
Dans un article intitulé "Le modèle social français n’est pas soutenable", un professeur d'université nous explique qu'en 2021, la Suède présente un ratio dépenses publiques / PIB plus de 12 points inférieur au ratio français (Suède 46,6 %, France 59,05 %), tout en étant capable de produire des dépenses publiques par habitant d'un niveau équivalent à la France. Or il s'agit là d'un raisonnement fallacieux, dont le principe est le suivant :
PIB / hab =
( PIB / X ) / ( hab / X ) =
( X / hab ) / ( X / PIB )
Le professeur utilise alors ce ratio comme une mesure d'efficacité de l'État dans la production de biens & services publics X pour l'ensemble de la population. Sauf que, vous l'avez compris, X peut signifier n'importe quoi : un service public ... ou encore l'investissement par les entreprises privées. Le professeur dit seulement, de façon complexe, que le PIB/hab de la Suède est supérieur à celui de la France. Cela n'est pas étranger au fait que la Suède bénéficie de ressources naturelles importantes : bois, hydroélectricité et mines de fer ...
Conclusion. Les développements algébriques tels que ci-dessus sont certes très utiles pour modéliser mathématiquement une thèse. Il y a cependant abus (grave) lorsque cette modélisation illustrative est présentée aux lecteurs peu avertis comme une démonstration mathématique de la thèse. Ce qu'elle n'est pas, comme l'illustre le fait exposé ici, qui relève de ce que l'on pourrait appeler "mathématisme", dérive scientiste. Il n'est malheureusement pas isolé, comme l'illustre l'utilisation abusive de l'identité de Kaya par de nombreux adeptes de la triple thèse d'un réchauffement climatique, catastrophique et anthropique.
Causes du mathématisme. Ces cas de mathématisme peuvent avoir notamment pour causes, la malhonnêteté intellectuelle et l'incompétence. Nous avons montré que cette seconde explication, à priori non pertinente dans le cas d'un professeur d'université, l'est beaucoup moins après analyse des limitations du système actuel d'enseignement, que l'on pourrait qualifier de "fabrique de singes savants" (voir philosophie.jortay.net/epistemologie#enseignement).
À la question de savoir jusqu'où on peut laisser grimper la dette publique, Jean Tirole, Prix Nobel d'économie 2014, répond en ces termes (pour le moins ambigus) : « si les économistes s'accordent sur les caractéristiques qui déterminent si une dette est soutenable et sur le fait qu'un surendettement est dangereux pour le pays, il est difficile d'identifier de façon précise le niveau maximal d'endettement » [source, p.366]. Il faut donc procéder au cas par cas : nous allons voir qu'au Japon une dette publique de plus de 200% suscite peu d'inquiétude, tandis que l'Argentine s'est retrouvée en grande difficulté avec une dette publique de seulement 60%.
Le graphique suivant, qui montre l'évolution de la dette publique de quatre pays développés, révèle sur la période 1980-2022 :
Force est aussi de constater que c'est à partir de cette même année 1995 que la croissance du PIB/hab japonais s'est brusquement infléchie, ... mais pour se stabiliser à une moyenne de 0,7 % par an. Or durant les 27 années depuis 1995, la dette publique du Japon a continué de croître, sans que cela impacte la croissance de son PIB par habitant. La comparaison avec l'Allemagne sur les douze années depuis 2010 est éloquente à cet égard : alors que le différentiel des dettes publiques s'est élargi en "défaveur" du Japon, le différentiel de croissance du PIB/hab s'est rétréci en faveur du Japon (cf. courbes de tendance dans le graphique ci-dessous).
Au travers du cas du Japon, nous allons voir que la notion de bonne/mauvaise dette relève moins du quantitatif que du qualitatif (c-à-d la nature des recettes insuffisantes et des dépenses excessives). Il importe notamment de prendre en compte :
Détenteurs de la dette publique. La dette publique est généralement détenue par des sociétés d'assurance, des banques et des particuliers, nationaux ou étrangers (et dans ce dernier cas il peut en outre y avoir des gouvernements étrangers).
Ne pas confondre la "position extérieure", qui est un stock d'actifs financiers, et la "balance des paiements", qui est un flux d'actifs financiers (cf. konfedera.org/libre-echange#comptabilite-nationale-exterieure).
Le niveau élevé des dettes publiques japonaise et belge illustrent qu'un pays peut-être performant malgré (ou grâce à ?) une dette élevée. Au contraire le cas de l'Argentine montre qu'une faible dette publique n'est pas un gage de stabilité économique.
La dette publique nette du japon est d'environ 160 % du PIB (2022), et le gouvernement anticipe, sans s'inquiéter outre mesure, qu'elle pourrait atteindre 300 % d'ici 2050 !! Nous allons ici exposer en quoi la dette japonaise est soutenable.
La part de la dette publiques détenue par des nationaux en représente 90% [Source], de sorte que les intérêts sont versés très majoritairement à des nationaux.
Source : fipeco.fr
La position extérieure du Japon est largement excédentaire. C'est même le numéro 1 mondial !
Cette performance de l'économie japonaise n'est pas étrangère à la qualité de l'enseignement et au niveau des fonds alloués à la R&D [source].
Le tableau suivant montre que le taux d'intérêt (10 ans) sur la dette publique japonaise est généralement inférieur à celui des autres États.
Suite à la crise pétrolière des années 1970 l'État belge a engagé de nombreux fonctionnaires dans le seul but de freiner la hausse du chômage. Il en a résulté une forte augmentation de la dette publique belge (mais aussi causée par le niveau élevé des taux d'intérêts en raison de l'inflation pétrolière). Cependant le niveau élevé de la dette publique belge (106% du PIB en 2016) n'empêche pas la Belgique de figurer parmi les économies les plus performantes en terme de PIB par habitant. Les raisons en sont (i) une politique redistributive généreuse qui nourrit la demande, et (ii) une épargne des ménages (environ 13% du revenu disponible) parmi les plus élevées au monde.
Le tableau ci-dessous montre le niveau élevé de patrimoine en France et Italie, nettement au-dessus de l'Allemagne et des USA. À noter enfin le niveau relativement bas du patrimoine médian en Arabie Saoudite ...
L'économie argentine a tout pour réussir : nombreuses richesses naturelles, main-d'œuvre qualifiée, agriculture orientée vers l'exportation, tissu industriel diversifié, faible dette publique (sauf lors de la crise de 2001-2002) [source]. Malgré cela, depuis la seconde guerre mondiale, le pays est confronté à de récurrentes périodes de forte inflation, et partant, à une instabilité de sa devise. Cette histoire économique de l'Argentine n'est sans doute pas étrangère à son histoire politique exacerbée par des basculements entre gouvernements très contrastés, soit vassalisés à Washington soit au contraire d'inspiration socialiste. Le basculement récurrent entre politiques économiques antagonistes n'a-t-il pas tendance à se traduire par de la surinflation ?
L'exemple de pays tels que le Japon et la Belgique montre qu'une dette publique élevée est d'autant plus supportable que la part d'investisseurs étrangers dans la dette nationale est faible. Autrement dit, une dette publique élevée est d'autant plus supportable qu'elle est financée par des agents économiques domestiques (ménages, entreprises, État).
En effet, en cas d'emprunt auprès de prêteurs étrangers dans leur devise il faut rembourser dans ces devises, ce qui nécessite ... d'en avoir (sauf si la monnaie nationale fait office de devise internationale, ce qui est le cas des USA). Pour ce faire il faut que la balance commerciale du pays emprunteur avec le pays prêteur soit suffisamment positive, c-à-d qu'il exporte suffisamment plus qu'il n'importe dans ses "échanges commerciaux" avec ce pays. Or ce n'est généralement pas le cas d'un pays emprunteur, de sorte qu'il ne lui reste comme solution que de faire ... de nouveaux emprunts pour rembourser les anciens. C'est typiquement ce qui se passe avec les prêts du FMI (en dollar ...), qui aboutissent à l'asservissement des pays emprunteurs.
Une alternative est d'échanger de la monnaie nationale contres des devises étrangères, mais il faut pour cela qu'il existe une demande étrangère pour la devise nationale. Plus la confiance dans celle-ci sera faible plus faible sera son cours.
Nous avons vu qu'il n'existe pas de preuve scientifique quant à l'existence d'un niveau optimal absolu de la dette publique (cf. supra #modele-dette-publique).
Comme le font remarquer Sterdyniak et Creel, tant que la dette apparaît désirée, qu’il est possible de l’émettre à de bas taux d’intérêt, qu’elle ne provoque ni tensions inflationnistes, ni déficit extérieur, il n’y a pas de preuve qu’elle est excessive [source].
Cela signifie-t-il que le niveau des dettes publiques pourrait croître indéfiniment, non seulement sans que cela pose problème mais qu'en outre ce soit même la clé du développement durable ? L'esprit humain appréhende difficilement la notion d'infini, ce qui explique qu'il est nous est difficile d'accepter cette thèse d'apparence magique. Ceci dit, il ne me paraît pas pour autant raisonnable d'en déduire qu'un endettement public infiniment croissant serait une politique de développement pertinente.
Mon avis peut se résumer en deux points :
Ainsi, fonder une politique de développement économique sur la réduction de la dette publique (ce que fait le traité de Maastricht, fondement de l'UE) est une absurdité. Il faut concevoir une politique de développement, non pas qui vise à réduire directement la dette publique, mais qui a pour conséquence indirecte de la diminuer. Autrement dit, il ne faut pas traiter la dette publique, car cela nous détourne des véritables déterminants du développement. Il faut juste observer son évolution à moyen et long terme, pour vérifier si la politique de développement économique est optimale !
L'analyse de la dette publique, ainsi que la politique budgétaire, devraient donc moins se focaliser sur le quantitatif (le "combien" c-à-d le niveau de la dette) que sur le qualitatif (le "quoi" c-à-d les composantes de la dette). Il s'agit :
Dans une perspective plus fondamentale, l’endettement public peut se justifier :
D'autre part, la politique monétaire est complémentaire à la politique budgétaire. Elle doit donc être confiée au gouvernement, et non à une Banque centrale indépendante (c-à-d privée).
La Banque centrale devrait-elle financer systématiquement les déficits budgétaires en accordant à l'État des prêt inférieurs aux taux du marché (voire à taux nul) ? La réponse à cette question doit prendre en considération (notamment) les problématiques de l'inflation et du système politique.
Inflation. Lorsque la Banque centrale créé de la monnaie (par exemple pour "prêter" à l'État) il importe que cet argent serve à financer des investissements en capacité de production plutôt que de la consommation, sinon cette création monétaire peut se neutraliser via l'inflation (cf. /principes-monetaires].
Le prêt à intérêt nul diffère du don notamment en ce que le remboursement à la Banque centrale réduit la masse monétaire en circulation.
Lorsque l'État emprunte à des banques privées et que celles-ci prêtent en créant de la monnaie (cf. /creation-monetaire) le risque inflationniste est identique sauf qu'en plus l'État doit payer des intérêts. Si l'État emprunte à des agents non créateurs de monnaie, l'État transfère ainsi des ressources du secteur privé au secteur public, ce qui constitue un choix politique.
Dans le système politique actuel ("représentatif") le risque est élevé que le gouvernement abuse du financement monétaire des déficits budgétaires, et cela d'autant plus que le système politique n'est pas la démocratie directe, où – contrairement au système "représentatif" – les décideurs sont les payeurs.
Les gouvernements peuvent être tentés (et certains le font parfois, pendant une période limitée) de se financer par emprunt sans intérêt (ou à taux très faible) auprès de leur Banque centrale ("monétisation de la dette"). On notera cependant que suite à la crise de 2008 la très libérale Banque centrale européenne s'est montrée beaucoup plus généreuse avec les banques privées qu'avec les États ...
Recommandations. Dans l'attente d'un système politique véritablement démocratique la politique économique optimale pour la collectivité est selon nous la suivante :
Les faits évoqués dans le présent article suggèrent qu'un accroissement rapide des dettes publiques peut être autant le fruit de gouvernements "populistes" que le signe d'une grave régression démocratique.
Si le secteur public est contrôlé par une oligarchie, celle-ci privilégie son intérêt privé au détriment de la collectivité. La corruption de décideurs politiques a pour effet (i) que les ressources publiques sont insuffisantes en raison de privilèges fiscaux accordés aux plus riches, et (ii) que les ressources disponibles sont allouées à des dépenses injustifiées (dépenses de prestige, investissements inadéquats, intérêts de la dette, ...) privilégiant les (actionnaires de) puissants lobbies économiques (banques, armement, pharmacie, ...) au détriment de la collectivité.
À cela il faut ajouter que :
les décideurs politiques sont incités à provoquer la faillite de services publics rentables afin de justifier leur privatisation au bénéfice de grandes entreprises privées qui "sponsorisent" ces mêmes décideurs ;
le projet d'Union européenne ayant pour ambition finale de se substituer aux nations qui la composent, la classe politique européiste peut voir la "faillite des États européens" comme un moyen de forcer leur substitution par l'Union européenne.
Auteur : F. Jortay | Contact : | Suivre : infolettre