XI. Critique de l'allocation universelle

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Màj : 9 déc. 2023  –   # pages : 5

Critique syndicale

https://allocation-universelle.net/critiques#syndicats
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La plupart des dirigeants syndicaux sont opposés à l'AU. Partant généralement de l'hypothèse d'un montant très inférieure à l'AU de notre modèle synthétique (1250 euros/mois, en France en 2023), les syndicats développent un argumentaire décrivant l'AU comme « une machine de guerre contre la sécurité sociale qui entraînerait l’institutionnalisation de la précarité ». Selon eux l'AU serait incompatible avec les objectifs syndicaux que sont des salaires décents, la réduction du temps de travail et le bien-être au travail.

Mateo Alaluf, professeur à la faculté de sociologie de l'Université Libre de Bruxelles, spécialiste des questions relatives à l'emploi (et à ce titre proche du syndicat socialiste belge FGTB), compte parmi les plus farouches opposants à l'AU.

Son argumentation peut se résumer comme suit : le montant ne l'AU serait « nécessairement insuffisant » (il cite le montant de 600 euros/mois...) de sorte qu'elle nuirait à la lutte traditionnelle des syndicats pour l'amélioration des conditions de travail (salaires, temps de travail, sécurité & hygiène, ...). L'AU agirait comme un leurre favorisant les revendications patronales pour des mesures de flexibilisation du travail, telles que les réformes Hartz implémentées en Allemagne en 2005 (N.d.A. : par le gouvernement "socialiste" du Chancelier Gerhard Schröder ...).

On notera cependant que le gouvernement allemand n'a pas eu besoin de l'AU pour imposer sa réforme libérale. D'autre part, le sociologue ne démontre pas pourquoi le montant de l'AU serait "nécessairement insuffisant" (entendez : "pourquoi il ne pourrait être supérieur à 600 euros/mois).

Ceci dit, l'argumentation d'Alaluf confirme que le montant de l'AU constitue un élément fondamental de la problématique. Rappelons à cet égard que l'AU de notre modèle synthétique vaut 1250 euros/mois (France, 2023), ce qui représente environ 70 % du niveau de vie médian, alors que le seuil de pauvreté est officiellement considéré se situer à 60 %. Concernant son effet sur l'offre quantitative de travail, nous avons montré qu'il devrait être globalement modéré (cf. /faisabilite#offre-travail).

On ne voit pas alors en quoi une telle AU serait incompatible avec l'amélioration des conditions de travail des salariés dès lors qu'elle devrait logiquement avoir pour effet d'accroître le pouvoir de négociation des salariés. Mais surtout, Alaluf ne dit pas en quoi une AU d'un montant aussi élevé, serait incompatible avec la hausse du salaire minimum légal et avec la réduction de durée légale du travail.

Approfondir :
/salaire-minimum
/temps-de-travail

Une critique constructive de l'AU doit par conséquent poser la question suivante : "à partir de quel montant l'AU constitue-t-elle un progrès social certain ?" (NB : il importe d'y répondre en faisant abstraction de la faisabilité financière, problématique certes fondamentale, mais dont le traitement doit logiquement être précédé par la détermination du montant).

Enfin ne perdons pas de vue que la problématique de l'AU ne se limite pas au seul cas des salariés : il y a aussi des chômeurs, des indépendants et des retraités. Or un objectif de l'AU est de garantir un revenu de base pour tous, et d'ainsi stimuler la création de petites entreprises locales.

Conclusion. Pourquoi s'opposer au principe même de l'AU plutôt qu'à sa version patronale ? Cela nous semble d'autant plus injustifié qu'une critique constructive, quelle que soit sa conclusion (l'AU est, ou pas, irréaliste), aurait certainement pour effet de stimuler le débat en faveur d'une augmentation des salaires et la réduction du temps de travail.

Autrement dit, l'opposition des dirigeants syndicaux à l'AU est suspecte. Selon nous, de possibles raisons sont :

  • les dirigeants syndicaux pensent, à tort ou à raison, que l'AU remettra en question l'utilité des syndicats ;

  • un possible financement patronal occulte des syndicats [France : source1, source2].

    Ce phénomène n'est pas lié à la France. Ainsi en Belgique en 2013, le syndicat socialiste a apporté son soutien à la fédération patronale du secteur financier contre de nouvelles taxes sur le secteur bancaire, plutôt que de demander la nationalisation de celui-ci [source].

Aujourd'hui les syndicats (ainsi que les partis) de gauche sont très éloignés de ce qu'ils étaient dans les années 1930, lorsque le communiste se propageait partout dans le monde ...

Critique communiste

https://allocation-universelle.net/critiques#communiste

Selon Bernard Friot, le revenu de base du modèle libéral serait un produit du capitalisme, visant à préserver celui-ci en neutralisant le risque d'un changement de paradigme économique. Dans la mesure où le revenu de base est financé par la fiscalité, c-à-d après la répartition (entre capital et travail) des valeurs produites, le revenu de base a par conséquent besoin du capitalisme pour se financer. En outre les plus riches échappent facilement à l'impôt. À l'opposé le salaire à vie du modèle collectiviste est financé par les cotisations, c-à-d au moment même de la production, empêchant ainsi toute appropriation de la production par des capitalistes.

Critique du revenu de base par Bernard Friot (4m10s - 2017)

Cette vidéo est assez surprenante : à 1m24s Friot reconnaît pourtant, et à juste titre, que toutes les cotisations ne sont pas en soi anti-capitalistes (cf. le concept de CPA), et d'autre part à 3m53s que certains impôts sont anti-capitalistes (notamment ceux qui financent les salaires des fonctionnaires).

Par conséquent, la question "cotisation vs impôts" (cf. /securite-sociale-actuelle#recettes) est-elle vraiment centrale ? Le noyau de la problématique ne se situe-t-il pas plutôt au niveau de la propriété privée des principaux moyens de production ? (les grandes entreprises). N'est-ce pas cette propriété non publique qui fait que les plus riches sont en mesure d'échapper à l'impôt ET que les salaires nets de cotisation augmentent moins vite que les gains de productivité ? (sauf les salaires des dirigeants ...).

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Mais voilà : Friot se voulant communiste et libertaire, il souhaite limiter le rôle de l'État. En conséquence il ne propose pas de remplacer la propriété privée par la propriété publique mais la propriété lucrative par la propriété d'usage. La proposition est intéressante, mais Friot ne dit pas à qui revient alors la propriété lucrative ... Notre concept de coopérative publique y répond précisément (cf. democratiedirecte.net/cooperative-publique). Notons à cet égard qu'une étude de Ernst & Young révèle que sur l'ensemble de la planète les populations sont généralement satisfaites des entreprises publiques, et qu'elles les apprécient mieux que les entreprises privées [source].

Critique libertaire/complotiste

https://allocation-universelle.net/critiques#libertaire

Selon une thèse très répandue dans les milieux complotistes, l'allocation universelle est une mauvaise chose car elle pourrait être utilisée par les gouvernements comme instrument de répression par le chantage, en menaçant de la retirer aux opposants politiques.

Cet argument est non pertinent pour trois raisons :

  • l'inconditionnalité de l'AU (c-à-d son caractère inaliénable) serait inscrite dans la Constitution (PS : ainsi l'AU ne doit pas être confondu avec un subside, dont la reconduction annuelle ne se fait qu'après vérification que l'organisation subsidiée utilise bien ces fonds comme le veut le pouvoir subsidiant) ;

  • un gouvernement a bien d'autres moyens – qui ne violent pas la Constitution – pour intimider les opposants politiques : contrôle fiscal à répétition, amendes "pour comportement incivique et diffamation", ...
  • il est absurde car il "justifie" de rejeter toute acquisition d'un nouveau droit social au titre que son retrait pourrait être utilisé comme moyen de répression politique ;

    Idem pour l'accès aux installations sportives et culturelles : faudrait-il supprimer ces installations, afin que leur accessibilité (par exemple au moyen d'un passe "sanitaire") ne puisse être utilisée comme moyen de chantage ... ? Ne serait-ce pas là une "victoire" à la Pyrrhus ?

Ce n'est donc pas la sécurité sociale qu'il faut combattre, mais les dérives anti-démocratiques des gouvernements. On notera à cet égard que nos travaux sur l'AU s'inscrivent dans une démarche plus globale incluant la démocratie directe. Une conclusion fondamentale de ces réflexions synthétiques est que AU et DD sont intimement liées.

Le revenu n'est pas tout

Une étude de l'université de Louvain rappelle qu' « il est indispensable d’étudier l’effet d’une réforme sur les autres composantes des budgets publiques. En effet, un euro utilisé dans le cadre de la redistribution des revenus n’est plus disponible pour une autre politique, politique des soins de santé, de l’accueil de la petite enfance, de l’enseignement, etc., bref, de tous les biens publics qui déterminent aussi le niveau de vie d’une population. C’est particulièrement pertinent lorsque la justification qui est donnée à l’allocation universelle est la diminution de la pauvreté. L’idée consiste à dire qu’en augmentant le niveau de revenu minimum on diminue la pauvreté. C’est évidemment exact si l’on considère la pauvreté en revenu. La difficulté, pourtant, c’est que le revenu est un indicateur bien imparfait du niveau de vie et rien n’indique que c’est en augmentant les revenus que l’on diminue le plus la pauvreté. Certains, en effet, plaident plutôt pour une augmentation de l’accueil de la petite enfance, ou pour une amélioration de l’efficacité des services d’aide sociale, ou pour un meilleur accès à des logements de qualité, par exemple » [source].

Autrement dit l'AU ne résout que la face "demande" de la problématique (pouvoir d'achat). Il importe donc, effectivement, que cette demande puisse est satisfaite par une offre de biens et services, adéquate en terme de quantité, qualité et prix. Par conséquent, outre l'AU, l'État doit notamment veiller à la disponibilité :

  • de logements dont le loyer ne dépasse pas le tiers de l'AU, soit environ 450 euros/mois pour une personne seule (France, 2023) ;

    L'État peut et devrait agir radicalement sur le marché de l'immobilier, en nationalisant les grandes sociétés immobilières dont le taux d'occupation du portefeuille immobilier est inférieur à un niveau considéré comme socialement abusif. Depuis le début de la crise des subprimes en 2007, le nombre de logements vacants en France n'a pas arrêté de croître, pour atteindre les trois millions en 2023, soit près de 9 % des logements ! [source].

  • de moyens de transport publics, plus étendus et moins chers.

Critique technique

https://allocation-universelle.net/critiques#technique

« Si l'AU n'est pas appliquée simultanément dans tous les pays, les premiers à l'instaurer devront contrôler strictement leurs frontières afin de bloquer des flux massifs d’immigration ».

Les pays les plus développés sont déjà confrontés à cette problématique de flux de populations en provenance de pays pauvres. Il s'agit notamment de veiller à ce que la demande de travail et l'offre de logements soient suffisantes, relativement au flux d'immigration (cf. /securite-sociale-actuelle#logement).

D'autre part, nous avons montré que le montant de notre AU (1250 euros/mois, en France en 2023) ne modifiera pas substantiellement l'offre de travail (cf. /faisabilite#offre-travail).

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Auteur : F. Jortay   |   Contact :   |   Suivre : infolettre

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