Dans le chapitre II. Comptabilité nationale, nous avons montré que le PIB peut être calculé comme étant la somme des valeurs ajoutée produites, ainsi que comme la somme les revenus rémunérant les facteurs de production mobilisés pour réaliser cette même production. Autrement dit : production = revenu
Les profits/bénéfices font partie des revenus, et posent la question de leur juste répartition entre facteurs de production et agents économiques. Cependant, ces profits/bénéfices ne sont pas seulement l'expression de rapports de force pour le partage du "gâteau" de biens et services produits annuellement (approche statique), mais également un déterminant du développement économique (approche dynamique) ayant pour effet (notamment via le progrès technologique) que le niveau de vie (dont le PIB/hab est une mesure) peut augmenter quasiment chaque année (cf. jortay.net/indicateurs-monde#PIB).
La théorie économique identifie deux facteurs de production, grâce auxquels les biens sont fabriqués et les services prestés : le travail (L) et le capital (K) :
Q = f ( L , K ) où Q représente la quantité produite, et f() la fonction de production.
Sans travail humain il ne peut y avoir production de valeur ajoutée. D'autre part, le travail – même seulement intellectuel – requiert de la matière première (notamment comme source d'énergie). Par conséquent, la fonction de production doit être formulée de telle sorte que f (0) = 0 dès qu'au moins un des deux facteurs de production est nul : par exemple Q = A * Lα * K1-α où A est une mesure de la productivité globale [approfondir]. On peut alors mesurer la productivité de chacun des facteurs par Q(L , K) / L et Q(L ,K ) / K.
Capital. On peut en distinguer quatre types :
Le capital financier est repris dans le capital artificiel.
On notera que les quatre types de capital requièrent du travail humain en tant que valeur ajoutée (y compris la protection de l'environnement).
Travail. Il s'agit d'une notion complexe :
le travail est un flux (cf. /thermodynamique#force-travail) qui transforme/conditionne le capital, qui est donc un stock ;
Un orange sur son arbre est un capital végétal, mais l'orange qui se retrouve dans le magasin après son conditionnement (dont la collecte et le transport) relève du capital artificiel au même titre qu'un bâtiment ou qu'une machine.
il importe de distinguer deux types de travail :
naturel : (i) dont l'éventuelle correspondance à des objectifs humains n'est que le fruit du hasard, et (ii) considéré comme du capital en tant que phénomène de transformation naturelle de ce capital ;
artificiel (robots) : considéré comme du travail humain, car déterminé par un objectif.
Dans tous les cas, il s'agit bien du travail au sens de la thermodynamique. Mais le travail humain revêt une qualité supérieure en raison de sa nature téléologique, ce que l'on peut résumer par le terme de politique. Autrement dit, dans notre définition politique du travail, celui-ci est nécessairement humain. On peut ainsi définir le travail de façon précise comme étant « la création de valeur ajoutée par des humains ». Il résulte de notre définition politique du travail que seul le travail est facteur/agent de production, tandis que le capital n'est qu'un moyen/objet de production.
Cette distinction "agent vs objet" (ou encore "facteur vs moyen") induit une problématique d'éthique, dès lors qu'il considère que quelque chose de fondamental – lié à l'intelligence – différencie l'humain de tous les autres organismes vivants. Ainsi on considère généralement qu'il n'est pas pertinent d'attendre des autres genres du règne animal qu'ils fassent preuve de sens moral à l'instar du genre humain.
Ainsi l'expression "cruauté animale" est généralement utilisée pour exprimer la cruauté humaine envers les animaux, et non pas, par exemple, le comportement d'un chat jouant avec une souris avant de la tuer gratuitement.
Force est de constater que ces distinctions entre notions de facteur vs moyen de production sont généralement ignorées dans les manuels d'économie. La confusion correspond à une "chosification" et marchandisation d'un prolétariat (majoritaire), par une classe (minoritaire) possédant l'essentiel des moyens de production ... dont ceux de l'information et du savoir.
L'esclavage revient à considérer certains humains comme moyens de production, au même titre que du bétail.
Une expression juridique de cette confusion est donnée par les notions "soeurs" de personne physique vs personne morale, qui reviennent à abaisser la première au rang de moyen/objet, en élevant la seconde à celui de facteur/agent (laquelle se voit en outre gratifiée du qualificatif de "morale" !).
Nous allons maintenant développer les notions de capital humain, social et financier.
On entend par "capital humain" le stock de savoir, fruit d'un travail d'instruction, formation et expérience. Elle vise à prendre en compte l'aspect qualitatif du travail. Y est attachée la notion d'investissement dans le capital humain (enseignement & formation, santé), que ce soit par l'individu, l'entreprise ou l'État. Selon le prix Nobel d'économie Robert Stiglitz, le capital humain représenterait entre 2/3 et 3/4 du capital total [source].
On notera que cette dénomination renforce la chosification conceptuelle de l'humain, par son assimilation à du "capital" au même titre que du bétail, et cela dans le cadre de sa marchandisation sur le "marché du travail".
Une notion sous-jacente, plus essentiellement microéconomique, est celle de "capital social" (relations sociales établies, normes de comportement, confiance mutuelle,...), dont la taille et la qualité déterminent substantiellement la réussite de démarches sociales ou économiques [source].
Le "capital financier", qui a l'instar du "capital humain" devient de plus en informationnel c-à-d immatériel (ce qui n'est pas sans lien avec l'instabilité et la spéculation sur les "marchés financiers").
Le capital financier est un titre de propriété pouvant être converti en d'autres formes de capital financier (actions, obligations, ...) ou en capital non financier (investissement productif). Dans les deux cas cette transformation requiert du travail humain (très peu dans le premier, beaucoup plus dans le second). Notons enfin que sa nature physique est aujourd'hui essentiellement virtuelle et, partant, sa valeur intrinsèque quasiment nulle (les métaux précieux ne constituent plus qu'une part infime de l'épargne). En particulier la monnaie, étant constituée de bits d'informations, peut être produite à coût quasiment nulle, sa seule contrainte quantitative étant le risque inflationniste.
Facteurs de production = Agents | |
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Biens & services = Objets (physiques ou virtuels) | |
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Sphère réelle |
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Sphère financière |
L'opinion publique associe généralement le capital financier à l'activité dite "d'investissement". Or il y a deux types d'investissements :
L'investissement productif requiert nécessairement du travail, tandis que l'investissement financier n'est que l'appropriation de biens ou de revenus, qui proviennent nécessairement du travail fourni par les investissements productifs. Ainsi la spéculation n'est qu'un pari se soldant par un transfert de richesse, du perdant vers le gagnant. Ainsi dans le chantage systémique du "too big to fail" les banque sont toujours gagnantes, ainsi que les décideurs politiques qu'elles achètent, tandis que les contribuables sont toujours perdants.
On considère ici le cas de l'économie mondiale (économie dite fermée car elle n'exporte ni n'importe, en l'occurrence avec le reste de l'univers).
La comptabilité "nationale" ne considérant comme production que ce qui a été produit en échange d'un revenu, il en résulte que la production "nationale" (Q) est égale au revenu "national" (Y) :
On a donc que :
Revenus (Y) = Production (Q)
C + S = C + I
de sorte que, nécessairement :
S = I
c-à-d que l'épargne finance l'investissement
Le schéma infra illustre la thèse que les investissements constituent le moteur du développement économique, via la boucle de rétroaction I ⇒ Q = Y ⇒ S ⇒ I. Est également illustrée (en rouge) l'injection de la création monétaire (ΔM) dans le système économique. Dans le système économique actuel (la section suivante traitera du système économique fondé sur l'AU) : la création monétaire est opérée par les banques, sous formes de crédits (Fin. 1 dans le schéma) à la consommation ou à l'investissement , vendus (*) à des personnes physiques ou morales.
(*) Le prêt est un produit financier ayant pour particularité que s'il n'a pas été remboursé (principal) et payé (intérêts) à l'échéance, alors la banque prêteuse devient propriétaire des biens que le prêteur aura mise en gage (généralement l'habitation, dans le cadre des prêts aux personnes morales). La propagande bancaire pour nous inciter à nous endetter (notamment pour acquérir un logement) est tellement puissante qu'elle a réussi à nous faire intérioriser son vocabulaire. Ainsi nous disons avoir "réussi à obtenir" un prêt que la banque nous a "accordé", alors qu'il s'agit d'un produit commercial comme un autre, vendu par un producteur (la banque) à un acheteur (l'emprunteur). Vous viendrait-il à l'idée de dire que vous avez "obtenu" une voiture auprès de votre concessionnaire, qui vous l'aurait "accordée" ... ?!
NB : La création monétaire est une avance sur une production future. Si la monnaie finance la consommation plutôt que la production, elle peut se dissiper intégralement en inflation.
I --> Q(prod) C'est la dynamique fondamentale de la croissance économique. L'impact de I sur Q sera d'autant plus élevé que les investissements seront réalisés dans la production de biens et services pour lesquels il existe une large demande, ce qui pose la question du contrôle démocratique de la politique d'investissement.
Q(rev) --> S Étant donné que Y=C+S ⇒ S=Y-C de sorte que pour C constant, S sera d'autant plus grand que le revenu réel sera élevé c-à-d que le revenu national (Y) nominal sera élevé et l'inflation basse.
S --> I et S --> Fin. Si les dividendes rapportent plus que les intérêts et la spéculation financière, alors S ira vers I (investissements en capital non financier), plutôt que vers Fin.. Dans le cas inverse, on obtient les récurrentes crises financières (dont la dernière, en 2009, fut la plus grave) : investissements en capital financier ⇒ spéculation ⇒ bulles financières ⇒ instabilité.
Dans le système de l'AU du modèle synthétique, la création monétaire est opérée par l'État, et distribuée – intégralement et gratuitement – aux seules personnes physiques, finançant ainsi 16 % de l'AU (Fin. 1 dans l'animation suivante). La différence est fondamentale puisque l'AU est inconditionnelle, tandis que les crédits bancaires qu'elle remplace ne le sont pas (une banque choisit à qui elle prête, et pour quels types de dépenses).
NB : l'animation ci-dessus illustre que (i) l'AU (Fin. 1) n'est pas inflationniste, relativement au système monétaire actuel (Fin. 1), puisqu'elle ne s'y ajoute pas mais s'y substitue ; (ii) avec l'AU, ce sont les citoyens, et non plus les banques qui décident de la répartition de la création monétaire entre I et C, et quels types de biens sont produits et consommés.
L'animation ci-dessus illustre deux avantage considérables du système économique fondé sur l'AU :
il réduit l'écart de richesse moyen, en supprimant une de ses causes majeures : l'appropriation de biens fonciers par le secteur bancaire appartenant à des débiteurs en défaut (et cela alors que la création monétaire se réalise ex-nihilo ! : cf. /creation-monetaire) ;
les banques privées perdent leur pouvoir d'influence qu'elles avaient en choisissant les projets d'investissement (des ménages ou des entreprises) qu'elles financent actuellement via la création sous forme de crédits. Dans le système de l'AU, ce sont les seuls ménages, c-à-s les seules personnes physiques qui décident collectivement, par leurs choix individuels, quels types de biens & services vont être produits.
L'effet de l'AU du modèle synthétique sur le "mix productif" composant le PIB sera ainsi substantiel : on ne produira et consommera pas les mêmes produits & services qu'aujourd'hui, aussi bien en termes quantitatifs que qualitatifs.
Dans le schéma chronologique du cycle économique annuel :
Lecture de la dynamique chronologique entre AUD et AUR (NB : notez que seule la flèche 1 n'est pas dans les deux sens...) :
Deux caractéristiques fondamentales dans ce schéma :
la place centrale de l'individu, justifiée par le fait que seul le travail est facteur/agent de production. Le capital n'est que moyen/objet de production. C'est donc la personne physique et non la personne morale qui est le référentiel ;
Enfin l'animation suivante illustre le changement que représenterait la symétrisation du système monétaire par rapport à la situation actuelle. Il en résultera une bien plus grande stabilité des taux d'intérêt, désormais fonction de l'offre et de la demande de la seule monnaie circulante, et non plus de la création monétaire, dans la mesure où celle-ci serait dorénavant constante.
• Lecture de la ligne horizontale centrale : le progrès technologique tend à réduire le prix des matières premières, ce qui augmente le bénéfice de entreprises.
• Lecture des colonnes : colonne 2 : productivités des facteurs de production, colonne 3 : coût des facteurs de production, colonne 4 : revenus des agents économiques privés.
Réfutations des arguments du secteur bancaire "justifiant" que la création de monnaie lui soit réservée : /creation-monetaire#allocation-monetaire
De nombreux travaux empiriques suggèrent que les principaux déterminants du développement économique sont le cadre institutionnel, la formation, les investissements et la R&D :
Cadre institutionnel : la crédibilité des pouvoirs constitutionnels (exécutif, législatif et judiciaire) joue un rôle déterminant dans la confiance entre agents économiques, ce qui stimule les investissements et le commerce.
Nous allons développer ci-dessous les points 1 et 3ii.
La facilité d'entreprendre varie fortement selon les pays. La Banque mondiale réalise un classement des pays en fonction du degré favorable de la réglementation des affaires [source] pour :
N.B. Les mesures qui ont pour effet secondaire de limiter la facilité à réaliser des affaires (comme les mesures anti-pollution), ont généralement des motivations aussi utiles à la collectivité que la facilité à entreprendre ...
Les droits de propriété intellectuelle sont supposés favoriser la R&D en garantissant aux inventeurs la possibilité de s'enrichir (après avoir récupéré les investissements). Cependant ces droits ont également pour effets (i) de ralentir la propagation des innovations dans le temps et l'espace, et (ii) d'en augmenter le prix pour la collectivité. Il est donc primordial que l'État participe également à la R&D et mette ses découvertes et innovations dans le domaine public.
Rétroaction informationnelle. La relation formation --> R&D --> investissement (flèches continues dans le schéma ci-dessous) devient une boucle (flèches hachurées) lorsque les investissements génèrent une masse d'informations accumulées par la pratique (flèche 3), et pouvant enrichir la formation et/ou directement la R&D (flèches 4).
Cependant l'efficacité de ce "feedback" informationnel dépend de la façon dont il est organisé. Toute politique d'investissement devrait comporter une procédure pour collecter ces informations puis les injecter dans les systèmes de formation et de R&D. Si l'État disposait d'entreprises publiques dans tous les secteurs stratégiques, il pourrait standardiser et centraliser la collecte et le traitement de ces informations.
Rendement décroissant ? D'autre part, le graphique suivant – qui illustre la relation entre R&D et PIB par heure travaillée (on obtient le même type de graphique entre R&D et PIB par habitant) – suggère un effet négatif de la R&D au-delà de 2,5 %.
R&D et productivité (OCDE)
Effet retard ? Le graphique ci-avant est fondé sur une comparaison spatiale (entre pays), qu'il convient de compléter par une analyse temporelle. Celle-ci suggère que le gros des effets des technologies de l'information sur la productivité est encore à venir, ou pas encore visible :
d'une part l'adaptation des systèmes de production à une innovation technologique, et partant l'apparition des gains de productivité induits, sont des processus dont la réalisation peut prendre plusieurs décennies. C'est le temps qu'il faut pour que soient complètement remplacées les générations des travailleurs pour qui les TIC sont difficilement accessibles relativement aux nouvelles générations qui manipulent les TIC depuis leur plus jeune âge. Ce phénomène peut expliquer que des vagues d'innovation technologique peuvent commencer par une momentanée baisse de la productivité. Ainsi les ordinateurs de bureau et les programmes qu'ils permettent de faire tourner (tableurs, etc) étant apparus dans les années 1980, nous n'observerons leurs pleins effets sur la productivité que dans les années à venir [exemple de premier signe].
d'autre part, les techniques de mesure du PIB s'améliorant, elle devraient faire apparaître des richesses immatérielles créées par le développement des services (et notamment des technologies liées à Internet), actuellement sous-évaluées [approfondir].
Comprendre l'impact des gains de productivité sur l'économie (3m18s - 2015)
Le concept de développement économique est complexe, notamment en raison de ses effets indésirables. Parmi ceux-ci la dégradation de l'environnement, est le plus connu. Un autre de ces effets secondaires est la pauvreté.
À priori cela peut paraître étrange, car nous sommes conditionnés à penser que le développement économique n'aurait pas d'effets indésirables sur la pauvreté, qu'il ne ferait au contraire que réduire.
Il suffit pourtant de réaliser que la pauvreté est aussi un concept relatif, pour comprendre qu'un développement économique déséquilibré, c-à-d qui augmente l'écart de richesse entre plus riches et moins riches, a pour effet d'augmenter la pauvreté relative. Or ce phénomène n'est pas sans danger pour la démocratie, et partant, le développement économique.
Et en termes absolus, on peut très bien avoir une augmentation de la production mondiale de biens & services, avec une régression du niveau de vie d'une partie de la population, si la création de richesses est insuffisamment partagée.
Mais, diront certains, il ne faut pas tuer la "poule aux oeufs d'or" qu'est l'appât du gain, qui serait le moteur psychique du développement.
On comprend alors qu'un arbitrage doit être opéré entre l'avancée des plus ingénieux et productifs agents économiques de la société, et ceux qui pour diverses raisons se trouvent en queue de peloton. Lorsque celui-ci est trop étiré, il arrive un moment où une séparation se produit, de sorte que la communication directe n'est plus possible.
Stationnarité optimale. Selon l'ingénieur-chimiste Robert Ulanowicz plus la quantité d’information qu'elle mémorise est grande, mieux une structures dissipatives s’adapte à son environnement, mais plus elle doit modifier d’information pour rester adaptée, donc plus elle dissipe d’énergie. Il arrive un moment ou la fraction de mémoire disponible devient insuffisante, de sorte que les capacités d’adaptation de la structure n’augmentent plus et même diminuent. Il existerait une valeur de la fraction de mémoire utilisée (α) pour laquelle la capacité d’adaptation est optimale. Ulanowicz définit la robustesse R d’un écosystème comme étant sa capacité à s’adapter aux changements. Il montre que R doit être de la forme R = -α.log(α). La robustesse est nulle pour α = 0 et pour α = 1. Elle est maximale et égale à 1 pour α = 1/e où e est la base des logarithmes népériens (e = 2,718) [source].
max(-x * logx) est tel que sa dérivée première est nulle :
(-x * logx)’ = 0 ⇔
-logx – 1 = 0 ⇔
X = 1 / e ⇔
X ≈ 0,368
Ce GIF animé montre en cycle les interprétations physique, biologique et économique [source].
Prolongeant la réflexion d'Ulanowicz, Bernard Lietaer associe la valeur α au rapport Capital/Revenus. 1/α est donc le patrimoine exprimé en années de revenu. Il en résulte que le capitalisme serait optimal tant que le patrimoine demeure autour d'une valeur représentant 2,718 années de revenus. Or les travaux de Thomas Piketty confirment que cette valeur était justement vérifiée durant les "trente glorieuses" [source p.70-71].
Sources : francois-roddier.fr et piketty.pse.ens.fr
Voir aussi : /thermodynamique#equilibre
Une définition pragmatique consiste à qualifier de pauvre toute personne « dont les ressources sont si faibles qu'elle est exclue du mode de vie normal dans le pays où elle vit » [source].
Précarité. Guillaume le Blanc livre une analyse sociologique de la précarité, concept englobant la pauvreté : « si une vie précaire est le plus souvent mal assise, peinant à se déployer dans les trois registres de la possession, de l’action et de la narration, il reste que l’entrée dans la précarité est, en règle générale, caractérisée par le saccage de l’un de ces registres, dont l’effondrement peut alors retentir sur les autres capacités. (...) Il existe ainsi trois entrées dans la précarité, par la misère, la marginalité et le mépris social, selon que ce sont les propriétés sociales, les dispositions à l’action ou les compétences verbales qui sont frappées de discrédit » [source]. Exposé que l'on pourrait résumé comme suit :
Registres | Possession | Action | Narration |
---|---|---|---|
Entrée dans la précarité par | la misère | la marginalité | le mépris social |
En raison d'un manque de | propriétés sociales | dispositions à l’action | compétences verbales |
La statistique qui illustre le mieux la réalité de la précarité est le fait que l’espérance de vie des personnes ayant vécu de longues années dans la grande précarité est terriblement réduite : elle se situe entre 50 et 55 ans, soit plus de 25 ans de moins que le reste de la population [source p. 14].
Il n'est donc pas évident de définir la pauvreté de façon objective. Par conséquent le même problème se pose pour sa mesure. Celle-ci peut être opérée à deux niveaux :
Seuil de pauvreté. On peut mesurer le seuil de pauvreté de deux façons :
Soulignons ici un fait important : l'évaluation relative du seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian est substantiellement inférieure à l'évaluation absolue fournie par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), qui dans une étude publiée en 2015 (par l'ONPES, aujourd'hui intégrée à la CNLE) estime que le budget nécessaire « pour une participation effective à la vie sociale » est d'environ 1.500 euros/mois en France en 2014 [source], ce qui correspond à près de 90% du revenu médian de cette même année [source]. Ainsi, selon cette définition plus stricte, le taux de pauvreté passe de 15% à 35% de la population.
L'indicateur relatif facilite les comparaisons internationales, lesquelles demeurent possible avec les indicateurs absolus pourvu que l'on utilise un référentiel commun tel que la parité de pouvoir d'achat.
La relativité du seuil fondé sur le niveau de vie médian est illustrée par le fait que si ce revenu médian diminue, alors les personnes dont les revenus se situent entre l'ancienne et la nouvelle limite ne sont plus considérées comme pauvres, malgré un revenu inchangé. À l'inverse si le revenu médian augmente, le nombre de personnes considérées comme pauvre augmente.
Concernant la France, on peut distinguer trois périodes dans l'évolution du taux de pauvreté :
1990, c'est la chute de l'Union soviétique, qui marqua le début de la domination idéologique libérale partout en Europe ...
2008-2009, c'est la crise financière des subprimes. ...
Pauvreté chez les indépendants>
Alors que le taux de pauvreté des ouvriers est égal à la moyenne nationale (15%) il est de 19% chez les indépendants, une catégorie hétéroclite, avec beaucoup d’agriculteurs, d’entrepreneurs individuels et maintenant d’auto-entrepreneurs, souvent des personnes en difficulté, obligées de s’installer à leur compte du fait de la montée du chômage et de la précarisation de l’emploi [source p.13].
Rappelons que le patrimoine est un stock, tandis que le revenu est un flux, qui nourrit ce stock.
Le tableau suivant montre qu'en France les écarts de patrimoine sont nettement plus marqués que les écarts de revenus. Ce phénomène est observé dans la plupart des pays.
Répartition des patrimoines et revenus (France 2010)
Classe pauvre | Classe moyenne | Classe aisée | |
---|---|---|---|
% pop. adulte | 50 | 40 | 10 |
% patrimoines | 4 | 34 | 62 |
% revenus | 27 | 42 | 31 |
Total | 100 | 100 | 100 |
Source : revolution-fiscale.fr p. 25 et 33
Bien que les écarts de richesse ne se confondent pas avec la pauvreté, ces notions sont cependant très liées dès lors que la pauvreté peut être mesurée de façon relative.
Deux indicateurs synthétiques souvent utilisés pour mesurer les écarts de revenus ou de patrimoine sont :
Le plus cité est probablement le coefficient de Gini, une application de la courbe de Lorenz qui permet de mesurer le niveau d'inégalité de la répartition d'une variable (patrimoine, revenus, ...) dans la population.
Sa valeur est comprise entre et 0 et 100 :
Courbe de Lorenz de l'indice Gini (France 2010)
Le graphique ci-dessus montre que les écarts sont plus grands au niveau du patrimoine que des revenus.
Cependant l'indice Gini ne dit rien sur les valeurs extrêmes, et doit par conséquent être complété par des mesures telles que la part de richesse (patrimoine ou revenu) perçue par le centile de ménages les plus aisés.
Les écarts de richesses seraient sous-estimés et croissants.
Selon une étude du Crédit Suisse publiée en 2014, près de la moitié du patrimoine économique mondial est entre les mains du centile le plus riche, de sorte que 99 % de la population se partagent l'autre moitié. ! Quant aux 10% les plus riches ils accaparent 85% de la richesse mondiale [source p.11].
Ces statistiques sont insuffisantes car elles disent peu sur le plus important d'un point de vue économique comme politique : les valeurs "extrêmes", à savoir :
La répartition de la richesse en fonction des quantiles de population (généralement quintiles, déciles ou centiles) suit une courbe exponentielle et non pas linéaire [source]. Comme cela vaut également à l'intérieur de chaque quantiles (effet fractal), c'est donc aussi le cas du quantile supérieur, de sorte que celui-ci, qui est une moyenne, ne montre pas la position relative du 0,01 % supérieur, c-à-d les 80 millions de personnes les plus riches de la planète.
Étant donné que les données fiscales concernant les ultra-riches sont probablement fausses (quand elles existent ... ) on ne peut que sous-estimer l'ampleur maximale des écarts de richesse, par des comparaisons de type "au moins" [source]. Ainsi la richesse des 85 personnes les plus riches du monde est au moins équivalente à celles des 3,5 milliards les plus pauvres ! Et aux USA le patrimoine des dix personnes les plus riches est au moins de 100.000 fois supérieur à celui de 90% du reste de population ! [source].
Mon avis est qu'au delà d'un certain niveau de richesse, les individus concernés ne paient quasiment pas d'impôts !
Au niveau mondial, du début du 19° siècle à la moitié du 20°, les inégalités ont explosé, puis se sont stabilisées jusqu'au début de ce siècle. De 1920 à 1950 les revenus ont été multipliés par 5 en Europe de l'Ouest, tandis qu'ils ne progressaient que de 10% en Inde et 17% en Chine [source p. 26]. Par la suite, l'accélération du développement économique en Chine et en Inde a eu pour effet de réduire les écarts de richesse entre pays. Cependant ce que les individus perçoivent ce sont les écarts entre individus au niveau national...
Dans les pays développés, au début du siècle passé, la part du décile supérieur était supérieure à 90% du patrimoine total [source p. 26]. Mais le développement du communisme dans le monde durant les années 20, 30 et 40 (les "Trente Glorieuses socialistes") a eu pour effet d'abaisser cet écart de patrimoine. Malheureusement, depuis les années 1980 – marquées par "l'effondrement" politique de l'URSS, et la concomitante révolution conservatrice – cette tendance s'est inversée dans les pays développés. Ce phénomène a été le plus accentué aux USA, dont 100% de la croissance économique entre 1980 et 2010 a été captée par 10 % de la population, et 50% de la croissance est revenue au 1 % supérieur [source p.265].
Parts du patrimoine et des revenus du décile supérieure (USA 1910-2013)
Source : Crédit Suisse p.29
Le tableau suivant montre que l'Europe est engagée dans la même régression.
Rapport entre les 20% de revenus les plus élevés et les 20% les plus bas (zone euro)
Source : Xerfi et Eurostat
Selon Klaus Schwab, directeur du Forum économique mondial, le monde serait moins inégalitaire aujourd'hui qu'il ne l'était durant le Moyen-Âge, la Renaissance, ou encore le début de l'ère industrielle, mais qu'il est moins toléré aujourd'hui car plus visible [source, p.227].
Dans les pays socialement les plus développés, si l'on prend en compte la redistribution des richesses via les transferts sociaux, l'évolution est relativement stable.
Rapport des niveaux de vie (20% riches / 20% pauvres) en France
Sources : Xerfi et INSEE
Le niveau de redistribution des richesses peut être mesuré par l’écart entre le coefficient de Gini du revenu primaire et celui du revenu disponible.
Mesure de la redistribution
Les écarts de richesse entre individus ont deux types de causes :
Nous nous intéressons ici au causes systémiques. Parmi celles-ci, nous distinguons une cause primaire fondamentale, et des causes secondaires dérivées.
L'archéologie n'a trouvé que très peu de signes de violence chez le chasseur-cueilleur du Paléolithique, et met par contre en lumière de nombreux indices d'altruisme et de compassion. Ce n'est qu'avec l'apparition de l'agriculture au Néolithique que sont apparus de façon systématique les phénomènes guerrier et esclavagiste. Il en résulta un autre phénomènes : la sur-accumulation de biens, c-à-d le capitalisme [source].
La "sur-accumulation" opère notamment par l'appropriation de la production réalisée par des esclaves au profit d'esclavagistes. À noter que le rapport employé/employeur a ceci de commun avec le rapport esclave/esclavagiste l'absence de contrôle démocratique des moyens de production. Ces deux rapports se différencient par le fait que l'employé a la liberté de changer d'employeur, ou de créer sa propre entreprise. Malheureusement seule une minorité des créateurs d'entreprises réussissent leur projet, et ce nombre est encore plus réduit si l'on retire ceux qui ont ont bénéficié d'un capital de départ hérité, ou qui ont réussi au moyen de malversations.
Un archétype de la fortune frauduleuse fut le baron Albert Frère, de sont vivant un des plus puissants actionnaires privés de la bourse de Paris, et qui accéda originellement au statut de super-riche suite à un faux en écriture couvert par le gouvernement belge en 1983 [source p. 97]. C'est là une parfaite illustration de la collusion en classe politique et grandes fortunes, c-à- la classe dirigeante.
Il reste cependant à expliquer pourquoi les écarts de richesse soit diminuent peu (relativement à la croissance économique) soit augmentent. Pour tenter d'y répondre soulignons que la cause "primaire" – l'absence de contrôle démocratique des ressources naturelles et des principaux moyens de production (le "grand capital") – agit par l'intermédiaire de possibles causes "secondaires" :
l'appropriation des gains de productivité (induits par le progrès scientifique) par les propriétaires des grandes entreprises privées ; cependant l'importance de ce facteur est peut-être exagérée (cf. /temps-de-travail).
la privatisation de la création & allocation monétaire, ayant pour effet que la monnaie n'est pas distribuée gratuitement et également entre les citoyens, mais prêtée ce qui implique l'obligation de remboursement, et qui plus est avec intérêts. L'obligation de remboursement, tout comme l'intérêt sont injuste dès lors que la création monétaire est un processus ex nihilo.
un effet de boucle résultant du fait que le défaut de contrôle démocratique est non seulement cause mais également effet des écarts de richesse ;
rôle de plus en plus déterminant joué par le niveau de qualification des individus sur le niveau de leurs revenus.
l'explosion des revenus des meilleurs cadres d'entreprise, chercheurs, artistes ou sportifs pourrait s'expliquer par la globalisation, qui :
Comment expliquer les méga-salaires ?
Selon Jean Tirole, prix Nobel d'économie 2014, l'explication est tout simplement que « la globalisation a accentué la concurrence pour les talents. (...) les meilleurs chercheurs, médecins, artistes, ou cadres d'entreprise vont de plus en plus là où on leur offre les meilleures conditions » [source p. 81].
Cette même globalisation – liée au développement des moyens de télécommunication (radio, TV, puis Internet) – a considérablement accru la part des revenus de la publicité et du sponsoring dans le revenu global des superstar du sport ou de l'art.
Mas ces facteurs, très "politiquement corrects", sont-ils les seuls déterminants de cette explosion des revenus des "superstars", phénomène que l'économiste états-unien Sherwin Rosen qualifie d'effet superstar, par lequel "the winner takes all" ? [source].
Le niveau astronomique des salaires et primes (dont des primes de licenciement !) des dirigeants de grandes sociétés peut s'expliquer notamment par la dissolution de la notion de "propriétaires" des sociétés cotées en bourse. Cette zone d'ombre confère au directeur général (comité de direction) un pouvoir considérable d'abuser d'une forte asymétrie d'information au détriment des actionnaires, y compris l'éventuel actionnaire "de référence" dès lors que celui-ci est généralement lui-même une société cotée. L'asymétrie d'information est ici renforcée par le fait que la culture d'entreprise privée n'est pas celle de la démocratie directe.
Ainsi le comité de direction et le conseil d'administration ne proposent généralement au vote de l'assemblée générale que des "paquets de décisions", pas toujours facilement analysables de façon détaillée et dont le contenu est généralement rédigé de façon difficilement compréhensible. Voilà pourquoi l'AG peut voter sans le savoir en faveur de rémunérations exorbitantes C'est particulièrement le cas des petits actionnaires investisseurs non professionnels.
Quant au parachutage doré il peut être un moyen pour le CA d'acheter le silence de directeurs licenciés, concernant des pratiques illégales commises par l'entreprise (comme par exemple la corruption pour emporter des appels d'offre). Le PDG peut être ainsi tenté de provoquer volontairement son licenciement (par exemple en organisant l'acquisition de l'entreprise par une plus grande).
À cet égard on notera que l'on observe le même phénomène chez les stars du divertissement (sportifs, acteurs, chanteurs, ...). L'explosion des revenus serait moins le fait d'une brusque multiplication des compétences, que de phénomènes tels que la généralisation des publicités implicites dans les jeux vidéos [source], ou encore la corruption et le blanchiment d'argent [approfondir : football, tennis].
Le milieu académique évoque rarement ces causes pas vraiment politiquement correctes, dont par ailleurs l'évocation n'est pas réputée favoriser une carrière académique. Rien n'illustre mieux cela que cette déclaration de Jean Tirole : « nous n'avons qu'une vague idée de ce qui génère la réussite financière : l'effort ou le concours de circonstance » [source p. 87]. On notera que Tirole ne fait ici aucune distinction entre enrichissement par des procédés honnêtes vs malhonnêtes : dans les deux cas il s'agit seulement "d'effort" !
La vidéo suivante montre la simulation graphique du modèle de Yakovenko, supposé représenter une économie de marché non régulée. Pour les besoins de la démonstration la masse monétaire est constante (NB : dans la réalité sa tendance est croissante), et également répartie dans la population en t=0 [source].
Il apparaît alors que ce système "libéral" conduirait irrémédiablement à une répartition inégale de la masse monétaire : au fur et à mesure que les échanges économiques se développent, la monnaie se répartit de façon inégale jusqu'à atteindre une situation stable où la plupart des agents économiques détiennent très peu de monnaie (à gauche), tandis qu'une minorité en possède individuellement beaucoup plus (à droite). Durant cette évolution l'entropie du système (ici la multiplicité des différentes encaisses monétaires) augmente jusqu'à atteindre une valeur stable (dont, je suppose, la valeur est déterminée par celle du stock monétaire).
En montrant comment les écarts de richesses peuvent apparaître, le modèle de Yakovenko montre également comment inverser le phénomène. Pour réduire les écarts de richesse il faut accroître les interactions entre les agents économiques. Et pour ce faire un facteur déterminant est le mode de création de la monnaie, et de son allocation entre les agents économiques. Or cette double fonction est remplie par les banques commerciales, qui privilégient évidemment l'intérêt de leurs propriétaires sur ceux de la collectivité.
La distribution égalitaire et gratuite de la création monétaire entre les citoyens ("symétrie monétaire") est donc une condition nécessaire au partage équitable des richesses. Notez que "équitable" ne signifie pas nécessairement "égalitaire", comme le propose la maxime « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».
TRM. Mais si on lève l'hypothèse de masse monétaire constante, et qu'en outre la création monétaire était (i) à taux constant et (ii) distribuée gratuitement et également entre les personnes physiques, cela n'aurait-il pas pour effet d'abaisser le niveau maximum de distribution inégale des richesses ? L'article sur le financement distributif de l'AU suggère que oui. Nous y reviendrons dans la section "Comment partager les richesses".
Il existe un large consensus parmi les économistes, pour reconnaître l'effet nuisible des écarts de richesse excessifs sur la démocratie et – via l'instabilité financière (spéculation) – sur le développement économique, en termes quantitatif (surproduction) et qualitatif ("product mix" sous optimal).
Des études du FMI et de l'OCDE montrent qu'un écart de richesse moyen excessif nuit au développement économique et social [FMI-2015, OCDE-2014]
Nous avons évoqué plus haut l'importance des classes sociales extrêmes dans le système capitaliste. Le tableau suivant synthétise une typologie de ces groupes sociaux.
Typologie des classes extrêmes
Ultra-riches | Sans-patrimoines | |
---|---|---|
Conscience de classe | Forte. | Faible. |
Influence sur l'économie | Contrôlent les principaux moyens de production : banques, médias, ... | Travaillent, avec d'autant plus de docilité qu'ils n'ont pas de patrimoine. |
Influence sur le politique | Contrôlent discrètement ou secrètement le gouvernement par le lobbying ou la corruption. | Ont l'illusion de contrôler le gouvernement par les élections. |
La conscience de classe des classes dirigeantes est nettement plus affirmée que dans les classes populaires par le fait même que les premières contrôlent les principaux moyens de production, en particulier la production du savoir et de l'information.
Il est facile de comprendre que l'absence de limite aux patrimoines et revenus pose problème à différents niveaux : politique, économique, social et écologique. En effet, au plus les écarts de richesse sont élevés :
de détourner, par la corruption et la spéculation (que nourrit la concentration des richesses), une part importante des ressources financières (souvent d'origine publique) vers des dépenses – certes très lucratives pour les actionnaires des banques et autres entreprises privées bénéficiaires – mais inutiles voire nuisibles pour la collectivité ; en outre cela a pour effet d'accroître les dettes publiques (renflouage des banques, intérêts de la dette, ...) ;
Selon une étude réalisée par Paul Piff, professeur à l'université de Berkeley, les individus de classe sociale inférieure affichent une attention accrue envers les autres et une plus grande sensibilité au bien-être des autres par rapport aux individus de classe sociale supérieure, qui présentent des schémas de cognition sociale plus auto-orientés. En conséquence, les individus de la classe inférieure sont plus susceptibles de s'engager dans un comportement prosocial bénéfique pour les autres, tandis que les individus de la classe supérieure sont plus enclins à s'engager dans un comportement auto-bénéfique. [source].
incite les populations à converger vers les zones de concentration du capital productif, créant ainsi par effet "boule de neige" des zones de concentration & uniformisation de production/consommation, dommageables pour l'environnement [3] ;
On ne s'étonnera donc pas des résultats de deux études mentionnées en début de section, montrant qu'un écart de richesse moyen excessif nuit au développement économique et social. Se pose alors la question : comment, et selon quels critères, partager efficacement les richesses ?
« Les êtres humains ne se préoccupent pas seulement de l’amélioration de leur situation dans le temps. Ils se soucient également de leur situation par rapport aux autres. Ils sont préoccupés par les questions de hiérarchie et de statut social » [Tom G. Palmer].
Partager mieux les richesses produites n'implique pas nécessairement de supprimer les écarts de patrimoine et revenus, mais bien de les limiter, c-à-d de les maintenir en-dessous du niveau où ils deviennent nuisibles à la collectivité.
La notion d'"écart de richesse optimal" que nous proposons vise à déterminer de façon objective et souple un niveau d'écart de richesse réalisant un arbitrage optimal entre liberté et efficacité économique.
Le principe ERO stipule que « l'écart de richesse observé (maximal comme moyen) est considéré comme "optimal" tant qu'il est compatible avec le financement du modèle synthétique d'allocation universelle, qui permet à chaque individu de subvenir à ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir et se loger) sans devoir travailler.
En appliquant ainsi une limite relative plutôt qu'absolue aux écarts de richesse le principe d'ERO évapore l'opposition traditionnelle entre néolibéralisme (« l'offre de biens et services est le fondement de la croissance » ) et keynésianisme (« la demande est le fondement de la croissance »), et met en exergue la dynamique rétroactive liant offre et demande dans le processus du développement économique.
Le caractère objectif de ce critère nous épargne la question du choix de l'indicateur utilisé pour mesurer les écarts de richesse. Ceci dit, il demeure une certaine subjectivité :
dans la définition des besoins primaires et l'évaluation de leurs prix ;
dans le fait que nous entendons "optimal" au sens de "acceptable" au regard des objectifs énoncés (cf. supra) en matière politique (progrès démocratique), sociale (paix sociale), économique (performance), écologique (préservation des écosystème) et culturelle (préservation de la diversité culturelle).
Un maximum limité ou conditionné ? Une caractéristique notable de notre critère est qu'il ne s'exprime pas en valeur fixe (par exemple : « l'écart moyen ou l'écart maximum de richesse ne peut dépasser un rapport de 1 à x ». Il en résulte que le rapport 1/x correspondant à l'écart de richesse observé dans une économie vérifiant notre critère pourrait varier naturellement dans le temps, notamment en fonction du contexte économique.
L'histoire dira – au travers des données empiriques (car nous pensons que l'AU s'imposera comme une évidence) – si le niveau optimal de différentiel de richesse définit selon notre critère oscille autour d'une valeur d' "équilibre instable".
Voir : jortay.net/indicateurs-monde
Le PIB est un indicateur très imparfait de l'adéquation, efficacité et répartition des richesses produites.
Ces limitations concernent aussi bien :
est-il vrai, comme l'affirme la théorie libérale, que les biens et services commerciaux (par exemple les armes de guerre) correspondent nécessairement à la demande et aux besoins réels des citoyens ? Ainsi la publicité commerciale et la propagande politique n'influencent-t-elle pas nos choix, vers des consommations que nous ne ferions pas, et des productions que nous n'accepterions pas en leur absence ?
le PIB/hab n'indique que la part de richesse produite qui serait allouée à chacun si celle-ci était également partagée entre tous les citoyens, de sorte que ce ratio est un indicateur que de la répartition potentielle, et non effective des richesses ; ...
Il existe des méta-indicateurs, composés d'indicateurs spécifiques (économiques, sociaux, environnementaux). Voici quelques exemples de méta-indicateurs et d'indicateurs spécifiques :
Ces indicateurs qualitatifs sont très utiles pour suivre l'évolution des grandeurs mesurées. Si cette approche relative pose relativement peu de problème d'interprétation, il n'en va pas de même pour l'approche absolue consistant à déterminer un seuil de valeur critique.
Le meilleur indicateur de performance économique à ce jour est selon nous un graphique indiquant pour chaque pays la performance relative de l'IDH par rapport aux ressources utilisées (que nous appelons IDHD pour "indice de développement humain et durable"). C'est précisément ce que fait le graphique ci-dessous, réalisé à partir des données du PNUD (2013) : l'axe vertical mesure l'IDH, tandis que l'axe horizontal mesure les ressources utilisées ("empreinte écologique"), à savoir « les surfaces de terres et d'eau (en hectares par personne), biologiquement productives, nécessaires pour (i) produire les ressources qu´un individu, une population ou une activité consomme, et (ii) pour absorber les déchets générés, compte tenu des techniques et de la gestion des ressources en vigueur » [source].
Pour agrandir, Cliquez-droit sur l'image > ...
Sources : Wikipedia et Investig'Action.
Lecture du graphique. Ce classement graphique des pays illustre le fait que ceux-ci devraient viser à maximiser l'IDH (progresser vers le haut de l'axe vertical) tout en minimisant l'utilisation des ressources (progresser vers la gauche de l'axe horizontal). Il ressort de ce classement que le champion toutes catégories est ... Cuba (en haut à gauche dans le graphique). En effet, parmi les pays ne dépassant la biocapacité de notre planète (2,1 hectares par personne - axe horizontal) Cuba est le pays avec le plus haut indice IDHD !
Le niveau de consommation des cubains (à ne pas confondre avec le niveau de qualité de vie !) est certes inférieur au nôtre, mais les soins de santé et l'enseignement y sont totalement gratuits. En outre le temps de travail y est inférieur, et l'environnement nettement mieux préservé.
Le fait que Cuba est l'économie la plus performante au regard de cet indicateur confirme notre thèse selon laquelle le développement durable requiert de maintenir les écarts de richesse en deçà d'une certaine limite, en intensifiant la redistribution des richesses produites par la société [approfondir].
Embargo contre Cuba. N'oublions pas que Cuba subit depuis 1962 (!) un embargo économique de la part du gouvernement US [source]. Par conséquent en l'absence de cet embargo les performances économiques de Cuba seraient bien plus élevées !
Dans sa forme la plus élémentaire, c-à-d en faisant abstraction de l'État et du reste du monde, la comptabilité nationale peut être modélisée par une système de trois équations :
Il en résulte que :
C + I = C + S ⇔
I = S : l'investissement est nécessairement égal à l'épargne.
N.B. Cette égalité comptable (et théorique) ne dit pas grand chose sur les possibles relations de causalité :
Stocks et épargne
En supposant que les ménages consomment la quantité 100 chaque année, le tableau suivant illustre de façon comptable l'égalité entre :
Composition des prélèvements obligatoires (zone euro)
Tableur stock-epargne.ods
Il en résulte l'égalité entre stock et épargne, qui permet de maintenir la consommation à 100 quand le revenu du travail diminue. Autrement dit, les stocks sont une forme d'investissement, qui n'a pas pour effet d'augmenter la capacité de production.
Introduisant maintenant l'État dans notre modèle. Pour ce faire, on procède comme suit :
N.B. Certaines entreprises publiques peuvent vendre leurs produits ou services à des prix inférieurs à ceux des entreprises privées, et bénéficier de taxes plus faibles et de subventions plus élevées.
Les deux premières équations de notre système deviennent alors :
• QP + QG = CP + CG + IP + IG
• ( RP + FP - TP ) + ( RG + TP + TG + FG - TG- FG - FP ) = CP + CG + SP + SG
⇒ la seconde équation se simplifie en :
RP + RG = CP + CG + SP + SG
de sorte que notre système à trois équations est donc finalement toujours le même :
• Q = C + I
• R = C + S
• R = Q
Un étrange consensus scientifique ...
N.B. : le développement que je propose ci-dessus ne correspond pas à celui des publications académiques, qui m'a toujours laissé pantois ...
Version académique. NB : les équations surlignées en rouge me paraissent fausses, comme exposé plus loin.
• Q = C + I + G (1)
• R = C + S (2)
• R = Q - ( T - F ) ⇔ R = Q - TN (3)
⇒ en substituant (1) et (2) dans (3) :
C + S = C + I + G - TN ⇔
S = I + G - TN ⇔
S - I = G - TN
Critique de l'équation (1). Je suis très étonné de constater l'ajout de G ("dépenses publiques" ... sic) dans le membre de droite de la première équation, confondant ainsi niveaux national et public. Il me semble que l'équation (1) devrait en réalité s'écrire :
Q = CP + IP + G ⇔
Q = CP + IP + CG + IG ⇔
Q = C + I
Critique de l'équation (3). Comment des transferts au sein de l'économie nationale peuvent-ils modifier le revenu national ... ? Le fait de remplacer le terme "revenu national" par "revenu" (sic) n'y change rien, et trahit une volonté de tordre la réalité.
Cette modélisation bancale est pourtant généralisée dans la littérature scientifique ... :
• univ-montp3.fr (p.19)
• ulb.be (p. 8)
• wikipedia.org/wiki/Déficits_jumeaux
• etc ...
Une question important est : pourquoi les médias d'information et les politiciens parlent-t-ils autant du "poids de la dette publique" ?
Pourtant, l'équation SP + SG = IP + IG montre que des pays avec de récurrents soldes publics déficitaires (SG < 0) peuvent néanmoins continuer à se développer (investir), si leur épargne privée SP est suffisante de façon pérenne. La question est donc de savoir à partir de quel niveau de la dette publique (la somme des SG) l'épargne privée est découragée.
Or, nous avons montré que ce n'est pas tant le niveau quantitatif de la dette publique qui est important, que son contenu qualitatif (cf. /dette-publique). Et une condition nécessaire pour maximiser la qualité des dépenses publiques (et ainsi déterminer le niveau quantitatif optimal) consiste en une économie mixte, selon la chaîne causale suivante :
• économie mixte
⇒ contrôle démocratique des moyens de production essentiel
⇒ contrôle démocratique du pouvoir politique
⇒ qualité des dépenses (et recettes) publiques
(cf. democratiedirecte.net/entreprise-publique).
Auteur : F. Jortay | Contact : | Suivre : infolettre