La monnaie est utilisée pour :
les échanges commerciaux (la monnaie est moyen de paiement permettant de se passer du troc)
--> type : flux ;
--> prérequis : cours légal ;
l'épargne (la monnaie est réserve de valeur : elle ne dépérit pas physiquement et prend peu/pas de place)
--> type : stock ;
--> prérequis : valeur stable (*) ;
l'enregistrement comptables des flux et stock (la monnaie est étalon de valeur)
--> type : unité de compte ;
--> prérequis : valeur stable (*).
(*) La stabilité est une notion relative : un actif pourra d'autant plus facilement faire office de monnaie que sa valeur sera stable ; ou encore : entre deux actifs, les agents économiques préféreront utiliser comme monnaie celui dont la valeur est la plus stable.
On notera qu'un échange peut consister en l'échange d'une forme de monnaie liquide contre une autre forme d'actif financier, moins liquide mais plus apprécié comme instrument d'épargne (bons du Trésor, etc) ou de spéculation (actions, etc).
La masse monétaire (notée M) - la "monnaie en circulation" - est composée de plusieurs niveaux de monnaie selon le degré de liquidité des actifs monétaires considérés :
M1 = dépôts à vue des agents non financiers + billets & pièces ;
% | 2008 | 2023 |
---|---|---|
Dépôt | 94 | 99 |
Billets & pièces | 6 | 1 |
Source : data.ecb.europa.eu
Billets et pièces sont appelées "espèce" ou (erronément, cf. supra) "monnaie fiduciaire".
M2 = M1 + comptes d'épargne (< 2 ans) ;
M3 = M2 + certains actifs financiers émis par les institutions financières monétaires (IFM) (OPCVM monétaires, certificats de dépôt, créances ≤ 2 ans, ...) ;
M4 = M3 + certains actifs financiers émis par l'État (Bons du Trésor) et les grandes sociétés (Billets de trésorerie) ;
Agrégats monétaires de 1997 à 2021 (zone euro)
• hachuré : pourcentage de variation annuelle de M3; moyenne : 5,4 %
• M3 - M2 : actifs financiers émis par les institutions financières monétaires
• M2 - M3 : comptes épargne > 2 ans
• M1
Source : data.ecb.europa.eu
Mx : ne devrions-nous nous pas intégrer dans un agrégat plus large que M4 les produits financiers de la titrisation et de la finance de l'ombre ? En fait, il semble que les Banque centrales, tendent à accorder de moins en moins d'importance à la notion de masse monétaire, trop diffuse. Les BC privilégies de plus en plus l'action sur le taux d'inflation, via ses taux d'intérêts directeurs.
Bilan du secteur bancaire de la zone euro (2015)
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Créances nette sur l'extérieur | 8 | M3 | 55 |
Créances sur secteur public | 21 | Mx-M3 (*) | 41 |
Créance sur secteur privé | 71 | Capital & réserves | 4 |
Total | 100 | Total | 100 |
(*) Titres non repris dans M3
Source p.80
Par le passé la monnaie était essentiellement constituée de pièces d'or ou d'argent. Par la suite des pièces de métal non précieux et des billets de papier ont été utilisés. Bien que leur valeur intrinsèque est quasiment nulle, leur valeur nominale est cependant (très) supérieure s'il est facile de les convertir en un bien ayant une valeur d'échange (or, etc), de sorte que la valeur d'échange de celle-ci est étendue à celle-là. Ensuite, avec l'apparition de la comptabilité en partie double puis de l'informatique, la monnaie fut "dématérialisée" sous forme de monnaie scripturale c-à-d d'écritures comptables (comptes bancaires).
Par "fiduciaire" on entend le fait que, la valeur intrinsèque de la monnaie moderne étant très faible par rapport à sa valeur nominale, cette monnaie ne peut acquérir une valeur d'usage comme instrument d'échange qu'à la condition que les agents économiques aient confiance dans le fait qu'elle sera acceptée comme instrument de paiement par l'ensemble des agents économiques. C'est pourquoi on parle de monnaie "fiduciaire", du latin "fiducia" signifiant "confiance". En attribuant à une monnaie un cours légal l'État confère de facto cette confiance, et partant, une valeur d'usage à la monnaie.
Il est donc erroné de qualifier exclusivement les pièces et billets de monnaie fiduciaire (PS : erreur très fréquente) puisque, comme nous venons de le montrer, la monnaie scripturale est également fiduciaire !
La "liquidité" d'un actif financier est inversement proportionnelle au coût que son détenteur doit encourir pour le convertir en actif monétaire liquide c-à-d de type M1 (M4-M3 étant constitué des actifs monétaires les moins liquides), dont la caractéristique est d'être acceptée par tous les agents économiques nationaux et dont la valeur nominale est stable à l'intérieur du pays (contrairement aux autres actifs financiers). Par exemple si vous transférez une partie de votre compte d'épargne (M2-M1) vers votre compte à vue (M1) vous perdez la prime de fidélité. On comprend alors que les agents économiques peuvent avoir une préférence pour la liquidité, notamment lorsque le niveau des taux d'intérêt est faible.
À noter qu'avec le développement des systèmes de paiement électroniques, le coûts des transactions diminue pour l'ensemble des biens (financiers ou non).
Monnaie ou pas ? Il n'y a pas de limite dichotomique entre actif "liquide" et "pas liquide", il s'agit plutôt d'un continuum le long duquel la liquidité diminue c-à-d qu'augmente le coût de transaction pour transformer un forme de monnaie (M2-M1, M3-M2, M4-M3, ...) en M1, monnaie "totalement liquide" en ce qu'elle est disponible immédiatement (pas de coût de conversion) et acceptée comme moyen de paiement par tous les agents économiques (du moins nationaux). C'est pourquoi il n'y a pas de consensus quant à savoir ce qui est de la monnaie ou pas. Ainsi la Banque centrale européenne considère que M = M3 tandis que pour la BC états-unienne, M = M2.
Cela signifie que la BC états-unienne considère que, pour le "fine tuning" de sa politique monétaire, c'est la variation de la masse monétaire, et non la masse monétaire, qui apporte une information utile ...
Également appelée "monnaie Banque centrale" ou M0, la "monnaie de base" est composée (i) des comptes des banques à la Banque centrale – "réserves obligatoires & excédentaires" (R) et dépôts de liquidité à moins de 24h ("facilités de dépôt", notées ici DL) – et (ii) des billets & pièces en circulation (repris dans M1) :
MB est donc une notion composite puisque les billets & pièces font partie de M tandis que les comptes des banques à la BC n'en font pas partie (ils ne constituent pas de la "monnaie en circulation" mais de la "liquidité bancaire").
Les réserves obligatoires n'étant pas rémunérées (ou très peu) par la Banque centrale, les banques commerciales visent à les maintenir à leur niveau minimum. D'autre part, quotidiennement, certaines banques sont en excès de réserves obligatoires tandis que d'autres sont en déficit (le coefficient obligatoire de réserve doit être vérifié en moyenne, sur une certaine période – par exemple tous les mercredi en quinze). Les secondes peuvent emprunter aux premières pour respecter les coefficients (clearing). Les comptes des banques auprès de la BC ne correspondent donc à leur réserve obligatoire que globalement.
Questions ouvertes :
Pour qu'un bien soit effectivement utilisée comme instrument de paiement, ses utilisateurs doivent avoir la garantie qu'elle sera toujours acceptée en tant que tel par la plupart des agents économiques. Parmi les déterminants de la crédibilité de cette garantie auprès des agents économiques, et donc de la valeur d'usage de la monnaie, l'Etat joue un rôle essentiel :
en attribuant à cette monnaie un cours légal, c-à-d en instituant que la monnaie ne peut être refusée comme moyen de paiement (sauf exceptions, comme par exemple une certaine somme de monnaie sous une certaine forme de moyen de paiement) ;
en acceptant cette monnaie comme moyen de paiement des impôts ;
en utilisant cette monnaie pour payer ses dépenses et les salaires de ses fonctionnaires ;
en combattant la contrefaçon monétaire au moyen du système policier/judiciaire ;
en assurant une gestion quantitative de la masse monétaire, par la Banque centrale, pour minimiser le risque d'inflation et de spéculation sur la devise (PS : certaines BC ont en outre pour mission de stimuler la croissance économique).
en garantissant la convertibilité de la monnaie nationale contre une devise internationale ou de l'or, auprès de la Banque centrale à un taux officiel ou au taux du marché (NB : la convertibilité or n'est aujourd'hui plus appliquée par la plupart des pays).
Contre-exemple :
Monnaies locales et complémentaires. La plupart des monnaies locale disparaissent après quatre ou cinq ans lorsqu'elles ne bénéficient pas des caractéristiques qui suscitent la valeur d'usage de la monnaie nationale (ce qui est généralement le cas des monnaies locales), notamment le rôle joué par l'État dans la lutte contre la contrefaçon monétaire, et la possibilité de payer les impôts au moyen de la monnaie locale. Enfin si l'usage d'une monnaie locale implique un double affichage des prix (monnaies nationale et locale) – par exemple pour les clients venant d'autres régions – son inutilité devient vite flagrante même pour les locaux puisque ceux-ci ont besoin de la monnaie nationale pour payer leurs impôts et acheter dans d'autres régions du pays.
Une bien quelconque peut être pleinement qualifié de "monnaie" s'il est à la fois instrument d'échange (c-à-d de paiement), d'épargne et d'unité de compte. Mais dans l'usage courant c'est généralement et principalement la fonction d'instrument de paiement qui est considérée.
La politique monétaire est menée par la Banque centrale et a trois objectifs :
Certaines BC ne visent que la stabilité de prix.
Nous distinguons deux volets de la gestion monétaire :
Le système monétaire actuel est assez flou car ce sont les banques privées qui assurent l'essentiel de la gestion monétaire, la Banque centrale étant un organisme plus ou moins public ou privé selon les pays. La Banque centrale européenne quant à elle peut être considérée comme une organisation issue du secteur bancaire, chargée de son auto-organisation. Cela pose non seulement de graves problèmes économiques mais aussi démocratiques : la monnaie ne devrait-elle pas être sous le contrôle de l'État plutôt que sous le contrôle de quelques entreprises privées ?
1. Gestion quantitativeDe combien le stock monétaire doit-il être augmenté (ou – beaucoup plus rarement – diminué) par rapport à l'évolution de l'activité économique ?
Bien que la monnaie moderne, étant dématérialisée, n'est plus soumise à une contrainte de rareté (baisse de la fréquence de découverte et de la taille de nouveaux gisements d'or et d'argent), elle demeure cependant soumise à une contrainte d'optimalité quantitative car la masse monétaire en circulation doit correspondre aux besoins de l'économie : trop élevée elle génère de l'inflation, trop faible elle freine l'activité économique. L'offre de monnaie doit s'adapter à la demande de monnaie utilisée pour les investissements et la consommation. C'est pourquoi il importe de contrôler l'évolution du volume de la masse monétaire en circulation, ce qui revient à maintenir une contrainte de rareté.
La gestion quantitative de la monnaie est réalisée par le secteur bancaire :
À qui et pour quels projets la monnaie crée devrait-elle être allouée ? (répartition – dans l'espace et le temps – de la création monétaire).
Pour être optimale l'allocation de la monnaie créée (c-à-d sa répartition dans l'espace et le temps) entre les divers agents économiques (ménages, entreprises et État) devrait viser à répondre le plus efficacement possible aux besoins de l'ensemble des individus, et à minimiser les effets négatifs de l'activité économique (pollution, spéculation, corruption, ...).
La gestion qualitative de la monnaie (allocation monétaire) est exercée par les banques commerciales, qui décident combien et à qui elles vont prêter de l'argent, cela contre rémunération (intérêts et frais de gestion).
La section suivante développe le cadre théorique dans lequel la politique monétaire est actuellement menée, puis compare théorie et pratique.
La relation entre quantité de monnaie et inflation se vérifie sur le très long terme mais une cible de croissance de la quantité de monnaie ne s’avère généralement pas un outil approprié pour piloter la politique monétaire. En revanche les agrégats monétaires offrent souvent un éclairage supplémentaire sur la relation entre la monnaie et l’économie selon deux principaux concepts : la vitesse de la circulation de la monnaie (V) et le multiplicateur monétaire M3/M0. Ce multiplicateur établit une relation positive entre les crédits accordés par les banques commerciales, source de création monétaire (M3), et la quantité de monnaie de banque centrale (M0) à laquelle elles ont accès. Ainsi M3 = Multiplicateur x M0 [source].
Pour freiner la création monétaire, la BC dispose des moyens suivants :
Une question fondamentale est de savoir si les critères utilisés par les BC pour déterminer le niveau optimal de création de leur monnaie sont objectifs/rationnels ...
Croissance exponentielle. sur le long terme (durant les deux derniers millénaires) l'économie mondiale mesurée par le PIB/hab a crû de façon exponentielle [source]. Cependant à plus court terme on observe des cycles enchaînant périodes de croissance et de décroissance autour de la tendance exponentielle. Notons que les périodes de décroissance peuvent durer plusieurs dizaines d'années, c-à-d une bonne partie de la vie d'un homme [source].
Dans le cercle une période de récession historiquement accentuée suivie d'une période de croissance historiquement accentuée.
La tendance exponentielle serait essentiellement le fruit du progrès scientifique et technique. Quant aux cycles, il existe diverses théories pour les expliquer, mais aucune ne nous apparaît convaincante, contrairement à l'approche thermodynamique (malheureusement ignorées par la plupart des économistes).
Accentuation des cycles par le système bancaire. Ce qui nous intéresse ici c'est l'action des banques sur les cycles économiques (donc depuis que les banques modernes existent, c-à-d depuis le 18° siècle). L'histoire économique récente suggère que les banques auraient tendance à prêter (donc créer) trop de monnaie dans la phase croissante d'un cycle (sur-optimisme), et pas assez en période de décroissance (sur-pessimisme), ce qui aurait pour effet d'accentuer les fluctuations (effets de bulles). La Banque centrale est supposée neutraliser cette action procyclique accentuatrice par une politique contracyclique (par exemple abaisser ses taux directeurs en période de décroissance pour inciter les banques à prêter plus, et les augmenter en période de croissance pour inciter les banques à prêter moins) [source p.73]. Mais la BC pilote à l'aveugle car l'économie est un système complexe.
Dans le présent article et les autres du dossier "Monnaie", nous développons la thèse selon laquelle la création et allocation monétaire opérée par le système bancaire (banques commerciales et Banque centrale) est nuisible à la collectivité, et profite énormément aux propriétaires des banques. L'article consacré au financement distributif de l'AU présente une rationalisation collective du système monétaire.
La section suivante présente le cadre théorique dans lequel les Banques centrales définissent leur action. Ensuite nous confronterons la théorie avec les faits empiriques.
Supposons une économie telle que durant l'année T1 deux transactions ont eu lieu : 3 unités du bien X et ont été achetées pour 5$, et deux unités du bien Y pour 10$. Il en résulte que (i) la masse monétaire qui a été échangée (on dit aussi "qui a circulé") cette année là fut de 5+10=15$, et (ii) cette circulation a eu pour contrepartie réelle l'échange de 3X+2Y de sorte que 3X+2Y=15$. Supposons en outre que la masse monétaire totale (M) était de 20$. Si nous notons V (pour "vitesse de circulation de M") le rapport 15/M nous avons alors que, cette année là : V = 75% et 3X+2Y = 0.75 * M.
Notons d'autre part que durant l'année comptable une même unité de monnaie peut être utilisée successivement pour plusieurs transactions. Ainsi par exemple l'année suivante (T2), malgré que M soit resté constante (hypothèse), l'économie pourrait connaître une activité plus intense c-à-d un plus grand nombre de transactions, par exemple : 2X pour 6$ (le prix du bien X a donc connu une inflation par rapport à T1), 1Y pour 5$ et 7Z pour 14$. On a donc eu cette seconde année : 2X+1Y+7Z = 6$+5$+11$ = 25$ = 1.25 * M
L'on peut formuler tout cela plus généralement de la façon suivante (égalité de Fisher) :
M * V = P * Q
On peut également formuler (1) en termes de taux de variation : ΔM / M + ΔV / V = ΔP / P + ΔQ / Q
ou encore Y / M = V où :
Il resort des statistiques économiques mesurées chaque mois que M est généralement inférieur à Y (de sorte que V ≥ 1).
Si dans l'équation M * V = P * Q on considère que V est constant, on peut alors faire le type de raisonnements suivants :
Le cas Q=constante existe à court terme lorsque les facteurs/moyens de production – travail (L) et capital (K)) – sont pleinement utilisés. Dans ce cas, pour augmenter Q, il faut soit importer de la main d'oeuvre étrangère (si L est saturé) et/ou investir dans des capacités de production (si K est saturé). La seconde solution semble plus rationnelle (économiquement et politiquement) mais prend plus de temps.
N.B. À ce stade du raisonnement il n'est supposé aucune relation de causalité dans MV=PQ : il s'agit juste d'une égalité comptable, sans variables explicatives et variables dépendantes.
Mais V est-elle constante ? Sa valeur est calculée par le rapport du PIB nominal trimestriel à la moyenne trimestrielle de la masse monétaire Mx : V = Q * P / Mx. Le graphique suivant montre que :
Question ouverte. Comment se fait-il que la vélocité de M2 varie si peu, alors que celle de M1 varie considérablement, et que M1 représente une part majoritaire de M2 (cf. supra #formes-de-la-monnaie) ? Il faudrait pour cela que la variation de vélocité de M1 dans un sens soit systématiquement compensée par une variation de vélocité de M2 - M1 dans l'autre sens. Cela fait-il sens ? M2 - M1 (USA) : (1) dépôts à terme de petites coupures (dépôts à terme d'un montant inférieur à 100 000 $) moins les soldes IRA et Keogh auprès des institutions de dépôt ; et (2) les soldes dans les MMF de détail moins les soldes IRA et Keogh dans les MMF [source].
Les variations de V sont probablement déterminées par celles de l'épargne (-) et par le développement des moyens de paiement (+ : hausse de la rapidité, baisse du coût).
Vitesse vs liquidité. La vitesse de circulation de la masse monétaire est parfois associée (erronément) à son degré de liquidité [exemple], car l'augmentation de la liquidité c-à-d la baisse du coût de transaction lié à l'utilisation d'un actif financier comme instrument d'échange, se traduit généralement (mais pas nécessairement) par une augmentation de la vitesse de circulation monétaire. Il convient cependant de ne pas confondre ces deux grandeurs.
La thèse de neutralité de la monnaie correspond à la première des trois hypothèses ci-dessus, celle de Q constant. Dans ce cas, c-à-d si les facteurs/moyens de production sont pleinement utilisés, alors augmenter la création monétaire se traduit intégralement en inflation (d'où le terme de "neutralité").
Le cas des loyers. L'ancien ministre français Lionel Stoleru évoque le phénomène de neutralité dans le domaine des aides au loyer : « quand on donne une aide personnalisée au logement (APL) de 200 euros à un étudiant, le prix de sa chambre de bonne augmente d’autant ; le prêt à taux zéro a pour seule conséquence de faire augmenter le prix de l’immobilier. ». Si c'est effectivement le cas (comment le propriétaire peut-il distinguer les locataires bénéficiaires de ceux qui ne le sont pas ... ?) alors cela confirme la nécessité d'un contrôle public des moyens de logement (rappelons à cet égard qu'il y aurait jusqu'à trois fois plus de logements vides que de SDF en Europe (cf. /securite-sociale-actuelle#logement).
Mais nous avons vu que pour augmenter la quantité maximale de facteurs & moyens de production il faut importer de la main-d'oeuvre (si plein emploi) et/ou investir en capacités de production (si le capital productif est saturé). Or, si V est relativement constant, cela requiert une ... création monétaire supplémentaire.
L'égalité M * V = P * Q induit donc des logiques contradictoires.
Cette contradiction n'est pas dissipée en affirmant que, dans le premier cas ci-dessus, l'inflation n'est que temporaire si le surplus de création monétaire est consacré à des dépenses d'investissement plutôt que de consommation. En effet, si le surplus monétaire est consumé en inflation, alors il n'est plus disponible même pour des dépenses d'investissement.
Les économistes "monétaristes" (généralement libéraux) affirme que, pour ne pas être inflationniste, la création monétaire doit être "endogène" c-à-d opérée via la demande de crédits bancaires par les agents économique (plutôt que par l'État). Cependant cette affirmation gratuite ne dissipe toujours pas la contradiction monétariste ...
Et même en faisant abstraction de la nature contradictoire de l'égalité monétariste, affirmer que l'offre de monnaie serait à tout moment effectivement adaptée aux besoins de l'économie, aussi bien en terme quantitatif ("combien ?") que qualitatif ("à qui ?"), revient à supposer que lorsque dans leur activité de création monétaire les banques sont amenées à choisir entre l'intérêt collectif et la maximisation de leur bénéfice (et ces situations se produisent régulièrement) les banques commerciales privilégieraient l'intérêt collectif (*) au détriment du leur ! Or les récurrentes crises financières causées par l'appât du gain des banques commerciales infirment cette croyance "bisounours".
(*) Par "intérêt collectifs" nous entendons notamment la protection de l'environnement, la réduction de la pauvreté et la limitation des écarts de richesse. NB : deux études du FMI et de l'OCDE ont montré que ces derniers sont nuisibles à la croissance [FMI-2015, OCDE-2014].
Il y a donc généralement inadéquation de l'offre de monnaie par rapport aux besoins de la majorité des agents économique. Cette inadéquation est telle que M * V - P * Q = Jt où Jt – appelé "champ de valeur" à l'instant t – est généralement >0 ou <0 (cf. article sur le financement distributif de l'AU).
Or si l'offre de monnaie n'est généralement pas adaptée à la demande de monnaie, cela implique que la plupart du temps il subsiste des agents économiques (ou des régions) :
demandeurs de monnaie, aussi bien pour financer la consommation de biens/services que leur production (PS : c'est d'ailleurs généralement parce qu'il existe une demande solvable de biens & services qu'une offre y répond) ;
ayant reçu de la monnaie pour financer des dépenses pour lesquelles il n'existe pas de demande démocratiquement exprimée, mais seulement une demande créée par la corruption de décideurs politiques/économiques et/ou le conditionnement publicitaire de consommateurs (médicaments bidons, armes bidons, sauvetage de banques pourries, ...).
Selon leurs anticipations respectives, les agents économiques peuvent utiliser la création monétaire pour la consommation, les investissements en capacités de production, ou encore pour la spéculation. Le potentiel inflationniste de la consommation est généralement plus élevé que celui des investissements en capacité de production, etc. Les conséquences de l'inadéquation entre offre et demande de monnaie peuvent donc varier dans l'espace et le temps, et porter plutôt sur les prix (inflation/déflation) ou plutôt sur la production (chômage, dégradation de l'environnement, ...).
En raison de cette complexité des phénomènes économiques, la BC est un pilote dans une nuit totale, et ne disposant que de ses seuls yeux comme source d'informations. La seule activité crédible qu'on peut lui attribuer est celle de lobby bancaire. Ces deux faits expliquent, selon nous, pourquoi la fonction d'auto-régulation du secteur bancaire attribuée à la BC (états-unienne comme européenne) non seulement ne permet pas d'empêcher les crises financières récurrentes, mais est probablement leur cause principale.
On comprend alors que la problématique monétaire ne se limite pas à déterminer quelle quantité de monnaie doit-être créée. Il importe également, et peut-être surtout, d'allouer de façon optimale la création monétaire entre les agents économiques. Il s'agit notamment de reconnecter sphères financière et réelle.
Les deux tableaux suivants montrent deux aspects du décrochage de la sphère financière par rapport à la sphère réelle :
ce décrochage est apparu au moment de la création de l'euro au début des années 2000 ;
il a été accentué suite à la crise des "subprimes" : pour neutraliser un supposé "resserrement des crédits" – mais surtout pour sauver des banques privées gérées par des incompétents ou des escrocs – les banques centrales US et européenne augmentèrent considérablement l'offre de monnaie de base :
N.B. Les institutions financières non bancaires (fonds de pensions, sociétés d"assurance, ...) bénéficiant de ces rachats, étant payées via leur compte bancaire, la Banque centrale augmente ainsi – et gratuitement – les réserves des banques gérant ces comptes [source, pages 21 et 24].
NB : l'échelle du premier tableau vaut la moitié de celle du second
bilans des banques centrales (% PIB)
Source : banque-france.fr
Cependant il se fait que les banques ont exploité les nouvelles conditions de création monétaire, non pas pour octroyer des crédits aux particuliers et aux entreprises (sphère réelle), mais plutôt – à l'instar des autres institutions financières – pour spéculer encore plus par l'achat d'actifs financiers aux sous-jacents divers (actions, obligations d'État, devises, matières premières, devises, immobilier) !
L'inflation d'origine monétaire reste donc limitée aux actifs de la sphère financière.
Une raison avancée par certains économistes est que les ménages et entreprises ne seraient pas disposés à emprunter, en raison d'un surendettement et d'anticipations pessimistes quant à la croissance économique. Si cette explication est vraie alors cela signifie qu'il n'y avait pas resserrement de l'offre de crédit (lequel resserrement fut la raison invoquée pour justifier l'aide apportée par les BC aux banques commerciales ...). Cependant une autre explication possible est que le niveau extrêmement bas des taux d'intérêts incite les banques commerciales – dont l'objectif est la maximisation des profits plutôt que le bien-être collectif – à investir dans la sphère financière où les rendements sont supérieurs aux taux des crédits de la sphère réelle, tout en étant peu risqués dès lors qu'en cas d'éclatement de la bulle spéculative il suffit aux banques d'invoquer le risque de faillites bancaires en chaîne pour que les États (c-à-d in fine les contribuables) viennent à leur secours (cf. /creation-monetaire#chantage-risque-systemique).
Une stratégie de placement risqué consiste à emprunter dans une monnaie assortie de taux d’intérêt bas, comme le yen ou l’euro, puis à investir cet emprunt dans un autre pays dans des produits à plus haut rendements (car plus risqués) – par exemple des collateralized loan obligations (CLOs) composés d’obligations à long terme de sociétés américaines – et en couvrant le risque de change tous les trois mois avec des swaps. À noter que les banques ne prennent pas le risque sur elles lorsqu'elles agissent en tant que dealers de CLOs : dans ce cas elles propagent le risque à l'ensemble de leurs clients (dont des fonds de pension ou encore des municipalités), et cela de façon d'autant plus dangereuse que ce type de produit dérivé permet à la banque qui le constitue de masquer l'ampleur réelle du risque associé, et d'abuser de cette asymétrie d'information par rapport à ses clients.
Cette monnaie créée en excès par les banques centrales va nécessairement dans la poches de quelques privilégiés, dont les actionnaires des banques privées : la sur-croissance de la sphère financière au détriment de la sphère réelle est donc la contrepartie comptable de l'explosion des écarts de richesse. Cela au profit d'une infime minorité de la population : les actionnaires majoritaires des grandes institutions financières, et les membres de gouvernements corrompus. C'est exactement comme si ces individus s'étaient organisés pour fabriquer des faux billets à leur profit, sauf qu'ici ils le font par une appropriation de classe des institutions monétaires.
La sphère financière étant mondialisée et ses flux hyper-mobiles, les mouvements de fonds spéculatifs peuvent déstabiliser des devises. Par exemple si les taux d'intérêt en dollar baissent, les spéculateurs peuvent brusquement et massivement transférer leurs fonds d'actifs financiers en dollars vers des actifs financiers dans d'autres devises, dont le taux de change va ainsi considérablement s'apprécier, ce qui a pour effet de détériorer la compétitivité-prix du secteur exportateur des pays concernés.
Le graphique suivant compare l'évolution de M2 (bleu) et de l'inflation (rouge) aux USA. Durant la période 1960-1990, il suggère montre une corrélation assez importante, mais négative à court terme (< 2 ans) et positive à plus long terme. Cela peut s'expliquer par le fait que l'inflation des années 1970-80 fut causée par la hausse des prix de l'énergie, et a suscité une réaction anti-inflationniste de la BC états-unienne. Depuis 1990, l'inflation est à la fois plus basse et plus stable. Enfin la période d'expansion monétaire des années 1990 ne s'est pas traduite en inflation.
Croissance monétaire et inflation (USA, 1960-2022)
Tableur M-et-inflation.ods (dont sources).
Sur base de ces résultats, il serait très audacieux d'affirmer la pertinence de l'hypothèse implicite d'une relation de causalité P=F(M) dans l'égalité M * V = P * Q. Ou bien cette hypothèse était-elle valable avant 1990, et aurait-elle perdu de sa pertinence en raison d'une plus rapide capacité d'adaptation de l'offre à la demande de biens & services ?
On parle d'inflation lorsque les prix augmentent, et de déflation lorsqu'ils baissent. Les périodes de déflations sont plus rares que celles d'inflation.
Plus précisément, on entend par "inflation" une hausse "significative, durable et généralisée" des prix des biens et services, relativement à une valeur considérée comme normale (valeur "d'équilibre). Aux USA, l'inflation moyenne sur la période 1985-2020 fut d'environ 3 %. La Banque centrale européenne vise quant à elle un objectif de 2 %.
Il n'existe pas de critères objectifs pour définir ce que l'on entend par "significative" et "durable", mais dans la pratique on peut dire que significative ≡ > 4 % et durable ≡ > 1 an.Pourquoi le taux "normal" d'inflation n'est-il pas tout simplement de 0% ? Voici diverses possibles réponses (liste sans doute pas exhaustive) :
Cette explication n'est cependant pertinente que si l'indexation des salaires compense intégralement la hausse des prix (ce qui ne me semble pas être le cas).
On parle d'hyperinflation en cas de spirale inflationniste explosive, où les hausses de prix et de salaires se succédant à un rythme effréné. L’inflation augmente alors exponentiellement. C’est le cas par exemple au Venezuela, où l’inflation a atteint 686,4 % en 2021. En 1923 elle a dépassé 16.000 % en Allemagne, soit environ 100 % (doublement) par jours !
Inflation 1960-2022
Source : Banque mondiale
L'inflation (ou la déflation) est un phénomène multi-factoriel. On peut distinguer quatre possibles causes d'inflation : par déséquilibre offre/demande, par les coûts de production, importée, par déficit de concurrence :
inflation par déséquilibre entre offre et demande :
des anticipations de hausse future de prix par les agents économiques ⇒ achats d'anticipation ≡ prophétie autoréalisatrice.
inflation par les coûts des facteurs et moyens de production (PIB = f ( L , K )) :
coût du travail : hausse des salaires supérieure à l'augmentation de la productivité, et répercutée par les entreprises privées sur leurs prix de vente (plutôt que sur la diminution des bénéfices), ... (approfondir : /chomage-et-travail-precarise#inflation-et-chomage);
inflation par déficit de concurrence ⇒ les entreprises peuvent augmenter leur marge bénéficiaire en augmentant les prix ou en abaissant la qualité des biens & services vendus (ce qui est une forme d'inflation masquée), sans risque de perdre des parts de marché (PS : ce fut une des raisons de l'inflation de 2022 : source).
Source : Banque de France
La théorie économique en matière d'inflation est très influencée par la théorie quantitative des monétaristes (entendez "libéraux") des années 1970, elle-même très influencée par l'hyperinflation allemande de 1922-23 et le choc pétrolier des années 1970. Pour formaliser ces événements des théoriciens ont imaginé les concepts théoriques suivants :
Une mesure du taux de la croissance potentielle est la somme des taux de croissance de la population active et de la productivité du travail.
Il convient cependant d'étendre l'analyse en nous intéressant aux transformations récentes de l'environnement économique, qui pourraient se traduire par une "évaporation" plus rapide de l'inflation, en raison de divers facteurs :
Il s'agit là de facteurs d'évaporation de l'inflation. Il reste à mentionner un possible dernier facteur, cette fois de neutralisation, par l'action plus efficace des BC. Celles-ci ont aujourd'hui pour principal objectif de maintenir l'inflation à un niveau de 2 %, et leur principal instrument pour ce faire est leur taux d'intérêt directeur, taux auquel une BC prête de l'argent à ses banques (création monétaire de base), et rémunère les dépôts de ces banques auprès d'elle.
Le tableau suivant montre que la création de la Banque centrale européenne (BCE) et de l’Eurosystème en 1999, dont l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix, a correspondu à une stabilisation de l'inflation, ... jusqu'à la crise financière de 2008, à partir de laquelle les BC (pas seulement la BCE) ont commencé à créer massivement de la monnaie au profit des banques (cf. /creation-monetaire#chantage-risque-systemique), ce qui ne s'est pas traduit en inflation mais en plus d'instabilité, car cette masse monétaire a nourri la spéculation (sphère financière) plutôt que la consommation et l'investissement (sphère réelle).
Source : Banque de France
Comprendre l'inflation : une théorie qui ne marche plus
On peut identifier cinq effets majeurs (négatifs ou positifs) de l'inflation : sur la compétitivité, la redistribution, le pouvoir d'achat, les anticipations, l'affichage des prix :
Pouvoir d'achat. L'inflation réduit le pouvoir d'achat des ménages (mais l'indexation des salaires peut neutraliser cet effet pour autant que les employeurs ne répercutent pas la hausse des salaires en nouvelle hausse des prix).
Anticipations. Si les agents économiques anticipent une hausse (/ baisse) des prix ils vont avoir tendance à accélérer (/ retarder) leurs décisions d'achats (pour la consommation ou les investissements), ce qui stimule (/ freine) l'activité économique mais peut aussi dégénérer en spirale inflationniste (/ déflationniste) encore appelée hyperinflation.
Compétitivité. Si l'inflation est supérieur à celle du reste du monde, les entreprises nationales perdent en compétitivité prix sur le marché domestique comme sur les marchés à l’exportation. L'effet est négatif sur le PIB et la balance courante. Notons cependant que ce qui est déterminant, in fine, c'est le rapport qualité/prix.
Redistribution. Si les emprunts ne prévoient pas de close d'indexation de leur taux d'intérêt, l'inflation induit alors une redistribution de richesse en faveur des débiteurs (généralement les plus pauvres de la population) au détriment des créditeurs (généralement les plus riches de la population). Ce raisonnement vaut aussi pour la dette publique (PS : environ 15% de la dette publique française est indexée - source). Cependant si l'inflation perdure elle sera répercutée par les prêteurs sur les taux d'intérêts nominaux, de sorte que le taux d'intérêt réel restera inchangé (or c'est le taux réel qui compte).
Affichage des prix. La variation des prix implique des coûts liés au changement d'affichage des prix à l'étalage et dans les prospectus (mais l'affichage électronique tend à réduire ces coûts) ; ... ;
Conclusion. Sur les cinq groupes d'effets seuls la redistribution et l'incitation à l'achat peuvent être considérés comme positifs. La plupart des économistes considère que l'inflation est non problématique tant qu'elle ne situe pas durablement en dehors de la marge zéro à quatre pourcent de croissance annuelle. La Banque centrale européenne, qui est sous forte influence de l'Allemagne, vise quant à elle une limite maximale de 2% ...
La déflation, quant à elle, conduit à un ralentissement de l'activité économique qui peut être prolongé et important. En effet, si les prix baissent durablement, les ménages ont tendance à reporter leurs achats et les entreprises leurs investissements, parce qu’ils anticipent de nouvelles baisses de prix. Les entreprises vendent moins ; elles n'embauchent plus, voire licencient. Le chômage augmente ; les salaires tendent à baisser. La valeur réelle des dettes s’accroît, ce qui les rend plus difficiles à rembourser. La création monétaire est également freinée car les Inflation et déflation banques sont plus réticentes à accorder des crédits à des agents économiques dont les revenus futurs sont incertains. C'est la spirale déflationniste, cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
La variation des prix (ΔP) est généralement mesurée par la variation de l'indice des prix à la consommation (IPC), lequel est calculé par rapport à un panier de biens de consommation supposé "représentatif" des habitudes de consommation de l'ensemble la population.
Composition de la consommation des ménages (France)
Tableur : consommation.ods + source
Rapport qualité/prix. La mesure de l’inflation tient compte de l’évolution de la qualité : si le prix d’une voiture reste identique mais que sa qualité croît, l’agence statistique en charge de la mesure des biens & services inclus dans le panier de l'IPC considérera que son prix a baissé [source] (ce qui pose la question de l'évaluation objective d'une hausse de qualité, et sa conversion en valeur monétaire ...).
Lorsque l'on mesure la croissance du PIB il importe d'expurger sa composante prix, c-à-d convertir sa valeur nominale en valeur réelle. Cela revient à distinguer :
C'est le PIB "réel" qui est considéré comme le meilleur des deux car il est expurgé de l'inflation. Cependant les données récoltées auprès des agents économiques (entreprises, particuliers et État) sont généralement exprimées à prix courants.
Réel = Nominal / (1+i). On peut obtenir une approximation du PIB réel en divisant le PIB nominal par 1+i où i est le taux d'inflation par rapport à une année de base t0 :
PIBR = PIBN / (1+i)
On appelle le ratio PIBN / PIBR * 100 le "déflateur du PIB"
Les formules du PIB en valeur nominale et en valeur réelle sont :
Taux de croissance du PIB en France
Lecture : pendant la période inflationniste des années 1970 et 1980, le différentiel entre taux de croissance du PIB à prix constants vs. courants était logiquement historiquement élevée.
Le déflateur du PIB concerne l'ensemble des productions (biens intermédiaires et finaux) réalisées pendant la période de calcul du PIB. Il prend donc en compte le prix de deux biens/services particuliers que sont les facteurs de production :
NB : c'est un vision réductrice d'une réalité plus complexe : les revenus du capital sont composés non seulement du "loyer de l'argent", mais également des loyers sur capital non financier, des dividendes et des plus-values.
Limite. Il ne prend pas en compte le prix des biens de consommation (biens finaux) importés.
On parle d'illusion monétaire lorsqu'un agent économique ne perçoit pas correctement la relation entre la variation du prix d'un bien et la variation du niveau général des prix, c-à-d la différence entre valeur nominale et valeur réelle de ce bien. Par exemple si en l'instant t je revend pour 102 un bien que j'avais acheté 100 en t0 (soit un gain nominal de 2%), mais que durant cette période les prix des tous les autres biens ont augmenté de 3%, alors le "gain" réalisé est négatif en valeur réelle (102/103 - 100)/100 = - 0,97%) bien que positif en valeur nominale.
En terme de temporalité on peut distinguer trois type de hausse des prix :
Dire que "l'inflation augmente" c'est donc dire que "le taux de croissance (de l'indice) des prix augmente".
Le tableau suivant (USA) montre que :
IPC et inflation (USA, 1913 à 2022)
Les notions de localité/globalité ne doivent pas être interprétées qu'en terme géographique mais également en terme de groupes d'agents économiques, notamment selon le niveau de richesse.
Ainsi, ce que l'on observe au niveau de l'ensemble d'une zone monétaire (analyse globale), ne produit pas nécessairement les mêmes effets selon que l'on observe des groupes particuliers d'agents économiques (analyse locale).
Pour le voir supposons une zone monétaire composée de deux biens disponibles en quantités constantes :
Dans ces conditions, et en posant V=1, l'équation M * V = P * Q peut s'écrire comme suit :
M = P1 * Q1 + P2 * Q2 ⇒ ΔM = ΔP1 * Q1 + ΔP2 * Q2
Soit P le prix moyen pondéré, tel que :
P = P1 * [Q1 / (Q1 + Q2)] + P2 * [Q2 / (Q1 + Q2)] = [ P1 * Q1 + P2 * Q2 ] / (Q1+Q2) = M / (Q1+Q2)
⇒ ΔP = ΔM / (Q1+Q2)
On retrouve bien que ΔM = 0 ⇔ ΔP = 0 : il ne peut y avoir inflation globalement si M ne varie pas.
Cependant l'équation n_ΔM=ΔP1*Q1+ΔP2*Q2 montre que même avec ΔM = 0 il peut néanmoins exister une inflation d'origine monétaire concernant l'un des deux biens, mais elle serait nécessairement compensée par une déflation d'origine monétaire pour l'autre bien, et telle que :
ΔP1 = - ΔP2 * (Q2 / Q1)
De même une inflation globale d'origine monétaire (ΔM > 0 --> ΔP > 0) peut-être compatible avec une déflation pour un bien (par exemple Q1), mais nécessairement plus que compensée par une inflation pour l'autre bien (Q2) telle que :
ΔP1 = - ΔP2 * (Q2 / Q1) + ΔM / Q1
Démonstration :
Si ΔP1 < 0 ⇒
- ΔP2 * (Q2 / Q1) + ΔM / Q1 < 0 ⇔
ΔP2 > ΔM / Q2 > 0
CQFD
Application. Ce dernier cas de figure est illustré par l'effet du "Quantitative easing" évoqué plus haut (Déconnexion des économies financière et réelle) : suite à la crise des subprimes de 2008, la forte création monétaire décidée par les Banques centrales, non seulement n'a pas provoqué de pression inflationniste dans la sphère réelle (Q1), mais au contraire l'inflation y a baissé car les banques - qui contrôlent la création monétaire - préfèrent utiliser celle-ci pour spéculer dans la sphère financière (Q2), car les rendements y sont supérieurs à ceux des investissements dans la sphère réelle. Il en a résulté une inflation dans la sphère financière (N.B. Les produits financiers ne sont cependant pas repris dans l'indice des prix à la consommation, dont on a vu qu'il est le principal référentiel en matière de mesure de l'inflation. Mais cela n'enlève rien à la réalité des bulles financières et de leur impact sur l'économie réelle via le chantage au risque systémique des banques).
Prix fixes. L'on pourrait faire les même exercices en posant cette fois que ce sont les prix qui sont constants (fixés par l'État, plutôt que fluctuant au gré des marchés). Dans ce cas les ajustements se font – de la même manière – entre M , Q1 et Q2 : ΔM = P1 * ΔQ1 + P2 * ΔQ2
L'inflation ne se propage pas instantanément. Il en résulte que les premiers à recevoir la création monétaire sont avantagés puisque son pouvoir d'achat diminuera au fur et à mesure que l'inflation se réalisera.
L'on pourrait donc reproduire l'analyse précédente mais en distinguant cette fois la consommation d'un bien Q (disponible en quantité constante) selon deux groupes de consommateurs distincts temporellement :
de sorte que ΔPt1 < ΔPt2 pour Qt1 + Qt2 = Q.
Or le même ΔM étant utilisé en t1 et t2 :
ΔM = ΔPt1 * Qt1 = ΔPt2 * Qt2 ⇔
Qt2 / Qt1 = ΔPt1 / ΔPt2 > 1 ⇔
Qt1 > Qt2
On comprend alors l'importance d'opérer la création monétaire en la distribuant directement aux seuls personnes physique (cas du financement monétaire de notre allocation universel : /financement-synthese), plutôt qu'en confiant cette création aux personnes morales que sont les banques, qui créent de la monnaie en vendant des crédits à des personnes morales et physiques.
Nous avons vu que la monnaie est un instrument d'échange de biens et service, fondé sur une intermédiation monétaire (l'absence d'intermédiation étant le troc). Cette intermédiation consiste à chiffrer les quantités échangées, dans une unité de référence, qui est précisément la monnaie. Ces chiffrages, ce sont les prix.
Prix | Monnaie |
---|---|
1 orange = 3 francs | 1 franc = ? |
Le prix est donc une information, tandis que la monnaie est un bien (et plus particulièrement un droit d'acquisition). La monnaie elle-même a d'ailleurs un prix, mais qu'on appelle plutôt son cours (le "?" du tableau ci-dessus). Le cours de la monnaie est généralement exprimé en fonction d'une autre monnaie, souvent une devise (c-à-d une monnaie nationale acceptée comme moyen de paiement dans d'autres pays : dollar, euro, yuan, ...). Le cours d'une monnaie exprimé en devise est aussi appelé "taux de change".
Le taux d'intérêt est parfois appelé "prix de l'argent", mais à tort : un terme plus exact est "loyer de l'argent".
On peut distinguer deux systèmes de formation des prix :
La théorie économique classique (c-à-d l'économie "de marché" ou encore "libérale", celle qui est enseignée dans les universités) est fondée sur le modèle dit "d'équilibre générale". Celui-ci vise à modéliser mathématiquement la dynamique par laquelle les transactions commerciales se concluent par un prix et une quantité déterminées c-à-d, selon la terminologie (abusive ?), arrivent à un supposé "équilibre" entre offre et demande, par une série d'ajustements du prix et/ou de la quantité.
Par équilibre "général" on entend l'égalité de l'offre et de la demande, sur chacun des marchés des biens & services, du travail et de la monnaie, l'équilibre stable de l'un n'étant pas possible sans celui de tous les autres. D'un point de vue dynamique la thèse est que, sous condition de marchés parfaits (concurrence parfaite, information parfaite, prix et salaire flexibles), le système économique est à l'équilibre de plein emploi, et si l'en est éloigné par un choc il tend à y revenir spontanément.
Le présent article ne traite que la question de l'équilibre sur un marché quelconque (équilibre partiel, approche microéconomique). Il ne traite pas le modèle intégrant l'équilibre sur l'ensemble des marchés (modèle IS-LM d'équilibre général, approche macroéconomique).
Autrement dit, sous certaines conditions, le système des prix de marché (par opposition à la fixation des prix par une autorité centrale en économie planifiée – approfondir /travail-valeur#planification), fonctionne tel un système informationnel auto-organisé, assurant une coordination automatique et sans coût de fonctionnement de millions de décisions individuelles prises de manière décentralisée et indépendante.
Plus pratiquement le modèle décrit (i) les conditions (c-à-d les valeurs des paramètres du modèle, dont la sensibilité au prix des courbes d'offre et de demande) dans lesquelles l'équilibre est "stable" ou ... "instable", et (ii) l'effet des politiques budgétaire et monétaire, relativement à l'état de ces conditions.
Le modèle "d'équilibre général" repose sur une série de concepts de base : marché, maximisation, équilibre, optimal, concurrence parfaite :
des "marchés" sur lesquels les biens & services sont "librement" produits et achetés à un certains prix ;
La notion de marché implique la distinction micro/macro : en particulier comment passe-t-on mathématiquement de la réalité d'une multitude de transactions et d'agents (vendeurs et acheteurs) à leur agrégation en "offre du marché", "demande du marché" et prix de marché ? Est-il possible d'additionner des courbes d'offre/demande différentes (aucun agent économique n'est identique à un autre) ? Dans la négative la fiction de l'offre, demande et prix "de marché" est-elle pertinente, en théorie et en pratique ?
des agents économiques motivés par la "maximisation" :
le concept "d'équilibre" entre offre et demande, caractérisé par un prix et une quantité consacrant la transaction commerciale ;
La notion de "système à l'équilibre" est empruntée à la thermodynamique [approfondir]. Nous verrons que cet emprunt est probablement non pertinent.
La distinction court/long terme :
le concept d'équilibre "optimal", c-à-d correspondant à une allocation des biens entre agents économiques (ménages, entreprises et État) telle qu'on ne peut "améliorer" la "situation" d'un agent économique sans "détériorer" celle d'un autre (optimum de Pareto ; notez les guillemets, qui appellent définition précise ...) ;
le concept de "concurrence parfaite" : situation qui n'existe quasiment jamais dans la réalité, mais que la théorie classique considère comme un référentiel normatif (ce vers quoi il faudrait tendre) car correspondant à un optimum de Pareto.
Le graphique suivant montre l'effet d'une hausse de la demande (D --> D') selon que l'offre est peu (Oa) ou fortement (Ob) sensible aux variations de prix (notion d'élasticité-prix). Dans le premier cas l'augmentation de la demande (par exemple suite à une création monétaire additionnelle) se traduira par une plus forte augmentation des prix et une plus faible augmentation des quantités, relativement à la situation où l'offre serait de type Ob.
Sphère réelle : effet d'une hausse de la demande
Typologie des variations de l'offre/demande :
Fiscalité et élasticité. Ainsi l'effet d'une taxe – par exemple pour générer des recettes fiscales ou influencer sur la quantité consommée d'un bien ‐ dépendra de l'élasticité.
Dans le modèle du cobweb (toile d'araignée), qui suppose que l’offre s’adapte avec une période de retard aux variations du prix (cas typique du secteur agricole où les plans de production sont faits sur le prix du marché à l’automne, la production ne se matérialisant qu’un an plus tard), on constate que toutes les situations sont possibles selon la valeur relative des élasticités de l'offre et de la demande : convergence, divergence, ou oscillation [source]. Ainsi dans l'animation suivante l'augmentation relative de l'élasticité-prix de l'offre (la pente de la droite rouge diminue), qui devient supérieures à celle de la demande, a pour effet que la dynamique d'adaptation du prix devient divergente.
La motivation de la dynamique illustrée par le modèle cobweb est fondée sur la nature marginaliste de la maximalisation des bénéfices du producteur/vendeur et du bien-être de l'acheteur/consommateur (ou plutôt de la satisfaction que lui procure l'achat/consommation d'un bien, et que les économistes appellent "utilité" du bien consommé).
Les économistes classiques ne font pas de distinction entre consommer et acheter : si vous achetez une bouteille de vin, puis qu'on vous la vole, c'est toujours l'acheteur qui est le consommateur.
Selon la théorie marginaliste la dynamique conduisant à la rencontre entre offre et demande est que le producteur/vendeur et acheteur/consommateur ont une même démarche de maximisation de leur bénéfice et bien-être (respectivement) :
L'effet de la publicité est de pousser vers le haut et/ou la droite la courbe d'utilité des consommateurs.
Le tableau suivant synthétise la correspondance entre d'une part le coût marginal (C') supporté par le producteur/vendeur et le prix payé par l'acheteur consommateur, et d'autre part entre la recette marginale (R') perçue par le producteur/vendeur et l' (U') de l'acheteur/consommateur .
Maximisation du profit
Le profit du producteur/vendeur(Rt - Ct) est maximum là où l'asymptote à la courbe de coût total (c-à-d sa pente, donc le coût marginal) est parallèle à la courbe de recette totale (dont la pente est la recette marginale) [Stiglitz, Principes d'économie moderne, 2° édition, p.247].
Mathématiquement, on peut formuler la maximisation du profit en annulant sa dérivée première. Soit le profit π = R - C = P * Q - C, une condition de maximisation du profit est que dπ / dQ = 0 ⇔
R' - C' = 0 ⇔
ce qui nous permet de formuler la valeur du prix de marché :
d( P * Q ) / dQ = C' [?] ⇒
dP / dQ * Q + dQ / dQ * P = C' ⇔
soit dQ = 1 ⇒ dP * Q + P = C' ⇔
P = C' - dP / Q
Il convient alors de distinguer selon que la concurrence est parfaite ou non :
Si l'offre du marché est inférieure (/supérieure) à la demande, alors elle augmente (/baisse) jusqu'à ce que le prix (donc, en concurrence parfaite, le coût marginal) atteigne le minimum du coût moyen.
Concurrence parfaite vs imparfaite
La courbe d'offre correspond à la courbe de coût marginal. En concurrence parfaite la courbe de demande (de chaque entreprise) est horizontale (parfaitement élastique), et correspond à la recette marginale [Stiglitz, Principes d'économie moderne, 2° édition, p.296, 297 et 304].
Conclusions : en concurrence imparfaite les prix sont supérieurs et les quantités inférieures à ce qu'ils sont en concurrence parfaite, de sorte que la concurrence imparfaite est considérée comme sous-optimale par la théorie économie classique. Car celle-ci affirme en outre que, en concurrence parfaite, tout équilibre est également un optimum de Pareto, c-à-d tel qu'il n'est plus possible d'augmenter le bien-être de l'acheteur/consommateur sans diminuer le profit du producteur/vendeur, ou inversement.
Le (très gros, énorme) problème c'est que cette thèse est en contradiction avec une loi connue des mathématiciens : on ne peut mathématiquement optimiser un ensemble en optimisant individuellement chacune de ses parties ! Gloups ...
Rien d'étonnant donc que déjà en 1950 Debreu et Arrow ont démontré que dans certaines conditions il pouvait exister plusieurs "équilibres" ou encore un seul "équilibre". Et vingt ans plus tard le même Debreu démontra avec Sonnenscheinet et Mantel que ces équilibres pouvaient être "instables" (sic), notamment lorsque la fonction de demande n'est pas décroissante [source]. Tout et son contraire peuvent donc se produire ...
Ce qui est vraiment étonnant c'est le crédit apporté à ces travaux alors qu'il suffisait d'écouter ce que disent les mathématiciens. Il suffit également d'observer les faits économiques qui contredisent le modèle, en particulier les fameuses "externalités".
La surproduction, la dégradation de l'environnement, le chantage au risque systémique (cf. /creation-monetaire), ou encore la polarisation des richesses suggèrent que la concurrence parfaite et la maximisation des profits (qui en est le moteur) doivent être régulées.
Sous l'influence de la littérature scientifique anglo-saxonne, les économistes du monde entier ont pris l'habitude de dénommer "externalités négatives" ces effets négatifs, et "imperfections des marchés" leurs causes.On notera le rôle primordial de la dialectique dans l'idéologie des marchés : "imperfections" suggère que les marchés sont néanmoins presque parfaits, et "externalités" suggère que la cause des "imperfections" se situe en dehors des marchés. Or nous verrons que de sérieux arguments suggèrent que les marchés ne sont pas du tout parfaits et qu'ils sont la cause de leur inadéquations au développement durable et à la cohésion sociale.
Une série de théories (souvent complémentaires) énoncent diverses "imperfections des marchés : rationalité limitée des agents économiques, coûts de transaction, insuffisances en matière de droits de propriété, limites de la délégation.
Acculés par la réalité des faits économiques les théoriciens de l'idéologie "libérale" des marchés tentent de colmater les brèches en reconnaissant la nécessité « d'institutions de régulation ». Mais ces idéologues ne lâchent pas le morceau : il ne s'agit pas de l'État (le diable) mais d'autorégulation par des institutions privées, c-à-d des cartels et autres lobbies.
Les libéraux les moins radicaux concèdent que l'État ne devrait s'occuper tout au plus que du "juste", mais jamais du "bien".
Ainsi donc les marchés seraient en mesure de neutraliser leur propres imperfections. Il suffirait notamment « d'internaliser les externalités » (sic) en les répercutant dans les coûts des entreprises, puis sur les prix de marché (mais pas sur les dividendes ...). Ce n'est finalement que le principe du pollueur-payeur, dont l'efficacité est d'autant plus limitée que le pollueur est en mesure de payer ou de faire payer autrui ...
Ainsi force est de constater, notamment, que les banques continuent d'exercer un chantage au risque systémique, cela avec la collaboration de la classe politique ... dont elles financent indirectement les campagnes électorales.
L'État doit donc intervenir (mais pourra-t-il le faire de façon crédible sans remplacement de la démocratie représentative par la démocratie directe ?) La question est alors : comment l'État doit-il intervenir ? Deux voies possibles sont :
Les Etats-Unis appliquent depuis très longtemps la taxation pour inciter les entreprises à minimiser les externalités négatives des licenciements : le "experience rating", qui n'est autre qu'un système ne bonus-malus. Les caisses d’assurance chômage tiennent pour chaque entreprise un compte où sont créditées ses cotisations et débitées les indemnités versées à ses anciens salariés au chômage. Si ce compte est excédentaire (ce qui est le cas si elle garde ses salariés), son taux de cotisation est réduit; s’il est déficitaire (parce qu’elle licencie beaucoup), son taux est majoré. Les coefficients de minoration et de majoration sont encadrés par un minimum et un maximum. ce système contribue à réduire le chômage et l’utilisation de contrats de courte durée : ainsi la part des embauches sur des contrats de moins de trois mois est de 32 % aux Etats-Unis alors que la part des embauches sur des contrats de moins d’un mois est de 70 % en France (hors intérim) [source].
Un fait très important est que l'action indirecte de l'État ne peut être efficace sans l'action directe. En effet l'État ne peut déterminer de façon optimale les réglementations, ainsi que les niveaux de taxes, subventions et permis, que s'il dispose des compétences c-à-d des informations ad hoc. Or pour acquérir et entretenir ces informations, l'État doit nécessairement être lui-même producteur, sans quoi il dépend totalement des informations détenues par les lobbies (l'absurde "auto-régulation"). Et l'on constate effectivement que lorsque les lobbies rédigent eux-mêmes les réglementations qui les concernent, l'État ne joue essentiellement qu'un rôle de faire-valoir. Cette situation conduit inéluctablement à des crises économiques récurrentes, dont celles provoquées par le chantage au prétendu "risque systémique", chantage exercé par le lobby bancaire, avec la docile collaboration des décideurs politiques dont ils financement les campagnes électorales.
Pour conclure cette section sur le modèle d'équilibre général, approfondissons l'analyse de la thèse libéral selon laquelle les marchés sont efficients (au sens de Pareto) pour autant qu'ils soient parfaits (concurrence parfaite, information parfaite, prix flexibles).
Selon la théorie économique classique, l'allocation des ressources entre les agents économiques serait opérée plus efficacement par "les marchés" que par la planification étatique.
Un des fondement des cette école "libérale" est la théorie de la main invisible (sic), proposée par Adam Smith (1723-1790), selon laquelle l'ensemble des actions individuelles des acteurs économiques, guidées uniquement par l'intérêt personnel de chacun, contribueraient à la richesse et au bien commun. Cette théorie de l'auto-organisation suggère donc que la collectivité peut progresser sans intervention d'un pouvoir planificateur.
La thèse de supériorité des marchés énonce que, contrairement à la planification, les marchés maximisent le bien-être collectif, tout en préservant la liberté individuelle. En laissant les agents économiques déterminer "librement" quels biens & services produire/consommer et en quelles quantités, et pour autant que la concurrence soient parfaite, ces biens & services seraient alors alloués de façon optimale entre les agents économiques, en ce sens qu'on ne peut plus améliorer la situation de certains agents économiques sans diminuer celle d'autres agents ("optimum" de Pareto).
Mais existe-t-il une preuve qu'en concurrence parfaite (qui n'existe jamais dans la réalité) l'équilibre entre offre et demande globale (dont il n'est pas prouvé qu'il existe) serait un optimum de Pareto ?
Pour tenter de fournir une preuve, certains adeptes de l'idéologie des marchés avancent la notion d'efficience "informationnelle" (l'efficience parétienne étant "allocative"), imaginée par le prix Nobel Eugène Fama : « un marché dans lequel, à tout moment, les prix "reflètent pleinement" l’information disponible est appelé "efficient" » [source]. Mais que signifient exactement "refléter pleinement l'information disponible", ou encore "information non disponible" ... ? Ces questions ne semblent pas préoccuper les adeptes des marchés financiers. Leur raisonnement est le suivant. Dans la mesure où des études empiriques montrent qu'un gestionnaire de portefeuille ne peut obtenir de façon récurrente des rendements supérieurs à ceux du marché ("battre le marché"), sauf à détenir systématiquement des "informations privilégiées" (à nouveau une notion vague), si l'on suppose que l'efficience informationnelle en est la cause, alors on peut en déduire que celle-ci est bien réelle. Autrement dit, pour qu'elle existe, il faut supposer qu'elle existe ... ce qui est une tautologie (ou encore un raisonnement circulaire) ! Mais peu importe, les adeptes des marchés poursuivent leur "raisonnement" : ce serait l'efficience informationnelle qui rendrait possible l'efficience allocative (au sens de Pareto). Ainsi donc il y aurait efficience allocative car il y aurait efficience informationnelle. Soit, mais même en oubliant la tautologie, cela ne démontre pas que l'équilibre supposé est un optimum de Pareto. Et ce n'est pas tout ...
Une série de conditions fortes (entendez "rarement voire jamais vérifiées simultanément") ont été identifiées, sans la vérification desquelles l'allocation des biens & services via le mécanisme des prix de marché ne serait pas efficiente au sens de Pareto. Ces conditions portent sur les marchés (concurrentiels), les prix (flexibles) et les agents économiques (rationnels et intègres) :
Cette hypothèse implique que les agents économiques sont tous "price takers".
Cette hypothèse implique que seul le prix détermine le choix d'un vendeur plutôt qu'un autre, et que donc il n'existe pas de marketing (ou qu'il est sans effet).
Cette hypothèse implique que les coûts de transaction sont négligeables relativement aux prix des biens & services ;
prix flexibles à la baisse comme à la hausse ; or l'on constate des rigidités voire des effets de cliquet ;
L'article Wikipédia anglophone "Perfect competition" identifie quant à lui une dizaine de conditions ...
Mais, et à supposer que ces hypothèses puissent être intégralement vérifiées, est-il vrai que leur vérification implique nécessairement celle du critère Parétien ... ?
Les théoriciens de l'économie classique ne voient pas de problème fondamental dans le fait que les hypothèses sur lesquelles reposent la notion de marchés parfaits (et donc "efficients" ... au sens de Pareto) ne sont généralement pas, voire jamais vérifiées simultanément. Selon eux l'important est de tendre vers une situation de marchés parfaits, et ainsi l'on tendra vers l'optimum (de Pareto).
Mais le problème est ici que le système économique fondé sur les marchés libres est un système complexe. Or une propriété des systèmes complexes est leur sensibilité aux conditions initiales, de sorte qu'il n'est pas possible de prévoir leur évolution à long terme (cf. théorie du chaos), en l'occurrence vers un supposé "équilibre" entre offre et demande, qui plus est "optimal" (l'optimalité induisant la stabilité de l'équilibre). Autrement dit le réductionnisme de la théorie économique classique (entendez "libérale") n'est peut-être pas applicable au système économique ... libéral.
Mais même en faisant abstraction de la question "réductionnisme vs système complexe", demeure celle de l'optimalité ...
Si les hypothèses requises pour l'efficience au sens de Pareto sont vérifiées, alors une politique redistributive est toujours "sous-optimale" (au sens de Pareto). Par conséquent l'efficience parétienne n'est pas souhaitable pour la majorité puisqu'elle est incompatible avec la redistribution des richesses, d'une minorité de plus riches vers une majorité de la population. Par conséquent dire que le critère de Pareto est un critère "d'efficience" est abusif : en réalité il s'agit seulement d'un critère de non-redistribution ! De même parler "d'optimum de Pareto" plutôt que de "limite de Pareto" est également abusif.
Milan Vujisic fait justement remarquer qu'une définition plus précise de l’optimum aurait été de considérer qu’une situation économique est optimale lorsque l’on ne peut pas améliorer la satisfaction d’un individu sans détériorer celle d’au moins un autre individu dans une proportion égale ou supérieure. Cette nouvelle définition réduit énormément le nombre de situations optimales. Mais est-elle applicable si l'utilité est ordinale et non pas cardinale ? [source].
Comment alors expliquer que malgré ses nombreuses et considérables déficiences conceptuelles le modèle d'équilibre général (supposé décrire des marchés supposés "efficients"), fondement de l'idéologie libérale, est enseigné dans les facultés d'économie comme étant la seule théorie économique pertinente à ce jour ? Une explication possible est que pour être reconnu en tant que scientifique il importe de publier un maximum d'articles dans des revues scientifiques de référence. Celles-ci étant quasiment toutes anglo-saxonnes, et surtout états-uniennes, il est quasiment impossible de publier des articles qui ne vont pas dans le sens de l'idéologie "libérale".
La croyance dans l'efficience des marchés ne règne pas que dans les facultés. Ainsi cette même croyance a conduit, depuis la fin des années 1980, à substituer à la réglementation des marchés financiers par l'État, celle des banques par elles-mêmes, ce qui a conduit à la crise économique mondiale initiée en 2008 ...
Le taux d'intérêt est le prix de la monnaie, ou plus exactement son "loyer". Il est fonction :
Le très faible niveau actuel des taux d'intérêt pourrait donc s'expliquer par :
Comment le niveau du taux d'intérêt est-il déterminé ?
De nombreux économistes affirment ou croient que le niveau des taux d'intérêt correspond à un "taux d'équilibre" (?) entre offre et demande de monnaie, et que cette dynamique reposeraient sur des raisonnements rationnels tels que :
r = rg + PR où :
rg est le taux d'un emprunt sans risque, le référentiel étant ici une une obligation d'État sur une durée équivalente ; rg ≈ ia où ia est l'inflation anticipée (l'obligation d'État est donc une assurance contre l'inflation) ; rg peut-être déterminé par un système d'enchères ;
Sur les différents modes de financement de l'État : democratiedirecte.net/entreprise-publique#financement-Etat
Des taux d'intérêt négatifs :
Taux d'intérêt à 10 ans - obligations d'État (1980-2016)
Source : Xerfi
Si durant une période t dont le taux d'inflation moyen est i (ex-post) l'on place une somme M0 à un taux r et en cumulant au principal les intérêts ("intérêts composés") alors au terme t la valeur réelle du placement est :
Mt = M0 * [ ( 1 + r ) / ( 1 + i ) ] t ⇔
Mt ≈ M0 * ( 1 + r - i ) t
Démonstration en deux étapes :
Soit une obligation de valeur d'émission M0 (ou valeur "faciale") et de taux d'émission r0 (constant), la valeur courante Mc évolue en fonction du taux d'intérêt courant rc (taux du marché) pour maintenir constante la valeur à échéance de l'obligation M * [ ( 1 + r ) / ( 1 + i ) ] t : si le taux du marché des obligations de durée équivalente (à la durée restante avant l'échéance : t=c) augmente après l'émission, alors le détenteur de l'obligation doit baisser son prix (sa valeur courante) pour trouver des acheteurs, et il le baissera jusqu'à ce que la valeur à échéance de son obligation soit remontée à celles des émissions courantes :
M0 * [ ( 1 + r0 ) / ( 1 + i ) ] c = Mc * [ ( 1 + rc ) / ( 1 + i ) ] c ⇔
Mc = M0 * [ ( 1 + r0 ) / ( 1 + rc ) ] c ⇔
Mc ≈ M0 * ( 1 + r0 - rc ) c
Cette équation confirme qu'il y a bien relation inverse entre le cours d'une obligation et le taux d'intérêt courant.
Conclusion. Le taux d'inflation et le taux d'intérêt synthétisent la dimension temporelle de la monnaie. Il reste à compléter celle-ci par sa dimension spatiale : le taux de change.
Au niveau microéconomique, chacun de nous, lorsqu'il se rend dans un pays étranger, peut, auprès de sa banque, acheter une certaine quantité de la devise étrangère sous forme de billets . Ainsi donc une monnaie est un bien comme un autre, qui s'achète (pour consommer ou spéculer) et se vend.
Monnaie vs devise. On parle de devise dans le cadre de transactions internationales, et de monnaie dans le cadre de transactions domestiques.
Au niveau macroéconomique le lien entre prix et taux de change est parfaitement illustré par la notion de "termes de l'échanges", qui en économie internationale désigne le pouvoir d'achat de biens et services importés qu'un pays détient grâce à ses exportations. L'indice des termes de l'échange le plus courant mesure le rapport entre les prix des exportations et les prix des importations.
Le développement du marché des changes, où l'on peut vendre et acheter des devises, est allé de paire avec le développement des moyens de communication et du commerce international. Cependant les volumes croissants traités sur le marché des changes ne reflètent pas uniquement l'activité "réelle" du commerce international (biens et services), mais aussi les stratégies de spéculation, dont les effets sont d'autant plus prégnants que la monnaie, étant devenue essentiellement électronique, se déplace sur la planète presque instantanément. Il en résulte une instabilité accrue du cours des devises.
La spéculation est nourrie par les écarts de richesse : une partie du capital financier concentré en quantités trop importantes sur certaines personnes physiques ou morales ne peut être utilisé que pour la spéculation puisque, contrairement aux investissements dans l'économie réelle, la spéculation n'est soumise à aucune contingence. Ce phénomène est d'autant plus prégnant que le "poids" de la sphère financière dépasse celui de la sphère réelle.
Dans les sections suivantes nous développerons la thèse selon laquelle, contrairement à une croyance très répandue, la variation du cours d'une devise n'est pas en soi nuisible à l'activité économique globale. Pour poser la base de notre thèse il convient de distinguer (mais comment ?) les parts relatives de :Une politique de change rationnelle doit donc être menée en prenant en compte le comportement des marchés mais aussi la réaction des pays d'exportation et d'importation. Par conséquent la théorie des jeux peut aider à déterminer la politique de change optimale.
Mais ne brûlons pas les étapes. Commençons donc par les principes de base.
Le taux de change est le prix auquel s'échange deux monnaies nationales. Le prix de l'une est exprimé soit relativement à l'autre, soit les cours des deux sont exprimés relativement à une monnaie internationale (cours croisés).
Si deux vaches valent trois moutons (2 * V = 3 * M) alors le cours de la vache en mouton est de 3/2 moutons (V = 3/2 * M), et le taux de change de la vache en moutons (3/2) est le nombre de moutons échangés divisé par le nombre de vaches échangées, c-à-d le nombre de moutons échangés contre une vache.
Généralisation. Soit eA/B le taux de change de A en B alors :
eA/B = #B / #A
Dire que le taux de change euro/dollar (eEUR/USD, généralement simplifié en EUR/USD ... ) est de 1,11 signifie que 1 euro permet d’obtenir 1,11 dollar. En sens inverse, le taux de change dollar/euro (USD/EUR) est alors de 0,90 (avec 1 dollar, on peut obtenir 0,90 euro).
La devise unitaire (l'euro dans le premier cas ci-dessu) est dite "cotée au certain" (option que nous appliquerons dans la suite du document), et l'autre devise "cotée à l'incertain".
Lorsqu'une devise s'apprécie, son cours au certain augmente tandis que son cours à l'incertain diminue.
On peut voir la cotation à l'incertain comme le "point de vue" du pays de la monnaie de référence.
Si la physique est dite science exacte, l'économie relève quant à elle des sciences humaines. Les sciences exactes ne mesurent que des grandeurs objectives tandis que les sciences humaines mesurent également des grandeurs subjectives.
Il nous semble prudent de considérer que les notions de subjectivité et objectivité ne sont pas dichotomiques mais qu'il s'agit plutôt d'un continuum. Cette approche postule que l'objectivité absolue est rare (voire inexistante) et que l'on ne peut que l'approcher. D'autre part la notion "d'objectivité parfaite" est liée à celle de "mesure de précision parfaite".
Il importe donc que l'unité de mesure c-à-d le référentiel par rapport auquel est réalisée la mesure – en l'occurrence l'unité monétaire ou plus exactement sa valeur d'échange – soit la plus stable possible (dans l'espace et le temps).
Étalon de mesure et son référentiel
Idéalement les objets utilisés comme étalon (référentiel) pour une même unité de mesure (par exemple le mètre ou le kilo) devraient être inaltérables dans le temps (entre deux mesures avec le même objet) et dans l'espace (entre deux mesures avec deux objets distincts). Dans la pratique ce n'est jamais le cas (rien n'est inaltérable), mais l'important c'est que l'altération des étalons dans le temps et l'espace soit non-significative relativement à la précision requise des mesures.
En outre le référentiel devrait être facilement accessible à tous les scientifiques.
L'idéal est de définir une unité non plus par un objet, mais par une formule exprimant l'unité comme un multiple d’une constante de la Nature (exemple : la vitesse de la lumière) et pour laquelle une valeur numérique est fixée. Mais il faut pour cela pouvoir mesurer la constante avec suffisamment de précision.
L'on a ainsi changé plusieurs fois de référentiel pour le mètre, car le progrès scientifique et technologique a pour effet que les scientifiques ont besoin de mesures de plus en plus précises. Ainsi le mètre fut d'abord défini comme la 10.000.000e partie d'un quart de méridien terrestre, puis comme la distance entre deux points sur une barre d'un alliage de platine et d'iridium (une copie étant distribuée à chaque pays). Enfin depuis 1983 le mètre est défini comme étant la longueur du trajet parcouru par la lumière dans le vide pendant 1/299.792.458 de seconde [approfondir]. La vitesse de la lumière dans le vide est une constante physique universelle et un invariant relativiste.
À la fin du 19° siècle les pays les plus avancés (l'Angleterre en tête) on tenté d'appliquer à l'économie la rigueur de la physique, en instaurant l'étalon or, système monétaire dans lequel :
Comme chaque monnaie nationale est fixée en poids d’or, le taux de change entre deux monnaies est fixe, et égal au rapport entre les poids d’or respectifs.
Pour garantir la convertibilité, la quantité de monnaie émise par la Banque centrale doit être strictement limitée par ses réserves d’or et donc par le solde de la balance courante (les règlements entre pays étaient à cette époque généralement effectués en or – à confirmer).
Il s'agissait donc d'un système monétaire qui, bien que n'étant pas international par nature, était considéré comme participant à la stabilité des changes. Il fut cependant abandonné dans les années 1930, car il supposait une flexibilité des prix, et donc des salaires, qui n'était pas compatible avec l'évolution sociale.
En outre l'or n'a pas les propriétés d'invariance de la vitesse de la lumière : son cours varie, notamment suite à la découverte de nouveaux gisements (--> baisse du cours) ou de surestimation des stocks existants (--> hausse du cours).
D'autre part l'or n'existe pas en quantités illimitées. À la fin de la seconde guerre monde, par les prétendus "accords" de Bretton Woods, Washington tente de forcer l'utilisation du dollar comme nouvel étalon monétaire international, la Banque centrale US garantissant sa convertibilité en or. Mais vingt cinq ans plus tard, en 1971, suite à une perte de confiance dans le dollar (et donc à une forte hausse des demandes de conversion) le président US (Richard Nixon) met fin à la convertibilité du dollar en or, consacrant ainsi un système monétaire international de changes flottants.
Pourrait-on imaginer un étalon monétaire, qui serait un véritable invariant relativiste ? La théorie relative de la monnaie ouvre à cet égard une voie de réflexion particulièrement innovante : la création monétaire devrait être réalisée à taux de croissance relativement constant (seulement fonction de l'espérance de vie) et distribuée intégralement et gratuitement entre les personnes physiques.
Il importe de distinguer "cours officiel" le "cours de marché" d'une devise :
Lorsque la différence entre les deux cours devient permanente, l'un des deux va devoir inévitablement s'adapter. Plus les marchés deviennent puissants – c-à-d volumineux relativement aux réserves de change des Banques centrales (qui peuvent éventuellement s'entre-aider ) – plus ils sont en mesures de forcer les BC à s'adapter, surtout si le marché est oligopoliste (petit nombre de gros opérateurs, pouvant si nécessaire former un cartel pour attaquer une devise).
À cet égard il convient de ne pas confondre le référentiel utilisé pour mesurer la valeur d'une devise, avec le référentiel utilisé pour évaluer sa sur-évaluation ou sous-évaluation théorique. Cela est l'objet de la section suivante.
Afin de tenter de prédire l'évolution future du cours d'une devise (à supposer que cela soit possible ...) on peut calculer des valeurs théoriques des devises, pour estimer si leur valeur de marché est surévaluée ou sous-évaluée. La plus utilisée est probablement la parité de pouvoir d'achat (PPA), qui mesure la quantité de devise A nécessaire pour acheter dans un pays B un panier de biens/services de référence (donc son pouvoir d'achat dans le pays B). Autrement dit le taux de change PPA égalise la valeur des deux paniers.
Il y a deux versions de la théorie de la PPA [source p.48 - NB : l'auteur de la source utilise la cotation à l'incertain contrairement à nous] :
version absolue : le taux PPA vaut le rapport entre les indices de prix :
EPPAA/B = PB / PA
version relative : le taux de variation du taux PPA vaut la différence entre les taux de variation des indices de prix (notez, pour exprimer les taux, l'usage de minuscules e et p en place de majuscules) :
ePPAA/B = pB - pA
La valeur informationnelle du taux PPA est cependant soumise à certaines limites :
Des études économétriques suggèrent cependant que sur le long terme (au delà de cinq ans) les taux de change réels (taux nominal x prix relatif) tendraient vers leur valeur PPA [source]. Il existe cependant de nombreux taux de change (notamment USD/YEN) qui ne vérifient pas vraiment cette tendance. En pratique, même à long terme, les taux de change réels ne sont généralement pas stationnaires, notamment en raison (i) d'une forte volatilité des taux nominaux relativement aux prix (hypertrophie de la sphère financière), et (ii) d'une relation positive entre niveau de développement et taux de change réel [source p.49].
Les taux de change PPA ne sont donc que des référentiels parmi d'autres pour des analyses à long terme (et en outre ils sont utiles pour comparer les PIB).
La théorie relative de la monnaie propose quant à elle une valeur théorique non ambiguë, égale au rapport entre les ratios de masse monétaire moyenne par individu. Mais la TRM est une innovation normative et prospective, il est donc difficile à ce jours d'en évaluer la pertinence ... (cf. /financement-distributif#taux-de-change).
À l'instar des PPA, d'autres théories tentent d'expliquer voire d'anticiper (dans une certaine marge d'erreur) l'évolution des taux de change, en fonction de déterminants "fondamentaux" que sont principalement l'inflation (PPA), le solde commercial, le taux d'intérêt ou encore la balance des capitaux.
Ainsi durant la première moitié du 20° siècle, la théorie dominante était celle du keynésianisme : l'évolution du taux de change était essentiellement déterminée par celle du solde de la balance courante :
eA/B = f ( EXPA→B / IMPB→A )
Le volume des échanges commerciaux internationaux étant à cette époque encore faible relativement au stock d'or, il était même possible de maintenir un système de change fixe gagé sur l'or. Mais après la seconde guerre mondiale, le développement du commerce international induit par celui des moyens de communication (↑ vitesse et ↓ coût) va forcer l'abandon du change fixe. L'instabilité du marché des changes va alors stimuler le développement de produits financiers de couverture (mais aussi de spéculation, ce qui entretient l'instabilité), au grand bénéfice du secteur bancaire ...
Aujourd'hui, l'instabilité et la sur-pondération de la sphère financière relativement à la sphère réelle rendent extrêmement difficile des prévisions raisonnables (c-à-d avec une faible marge d'erreur) des taux de change, et cela même à court terme.
Concomitamment, le secteur bancaire s'est adjoint les services de professeurs d'économie, notamment comme "chief economists", qui ont alors conçu des théories économiques "justifiant" l'application absolue du libre échange, et décrivant une économie dominée par la sphère financière.
Ainsi dans les années 1970, apparaît la théorie monétariste [source p.53-54] selon laquelle le taux de change serait déterminé par le quotient des quotients relatifs de l'offre (Ms) et de la demande (Md) de monnaie dans les pays A et B, l'offre étant déterminée par la Banque centrale du pays X={A,B}, et la demande étant fonction du revenu réel et du taux d'intérêt dans le pays X={A,B} :
eA/B = ( MsB / MsA ) / ( MdB / MdA )
L'équation n_eA/B=(MsB/MsA)/(MdB/MdA) est théoriquement cohérente avec les équations n_M*V=P*Q et n_E(PPA)=P(B)/P(A):
On notera un résultat opposé à celui de l'approche keynésienne selon laquelle une hausse du revenu réel entraînait une augmentation, non pas de la demande de monnaie, mais des importations ⇒ une dépréciation de la monnaie nationale ... [source p.54]
Par la suite, diverses théories ont été formulées pour prendre en compte l'influence croissante de la sphère financière (échanges de produits financiers) relativement à la sphère réelle (échange de biens et services) comme facteur explicatif de l'instabilité de taux de change. Pour certaines de ces théories, à long terme (plus de cinq ans), le taux de change convergerait vers une valeur d'équilibre déterminée par les "fondamentaux" de la sphère réelle, tandis qu'à court terme (moins d'un an) régnerait une instabilité chronique des taux de change induite par l'action des gestionnaires de portefeuille de la sphère réelle. Pour d'autres théories, même à long terme il n'y aurait plus de convergence vers un équilibre mais instabilité, et donc imprévisibilité permanente.
Enfin à l'opposé des théories classiques la théorie relative de la monnaie (années 2010) renonce à toute tentative de description de ce qui ne peut être décrit, et propose plutôt une approche normative inspirée des lois de la physique. Ainsi en vertu du principe de relativité de la notion de valeur économique, la TRM postule que la monnaie devrait être créée à taux constant (c = 4 / v où v est l'espérance de vie) et distribuée également et gratuitement entre les personnes physiques. Ainsi dans la valeur théorique du taux de change "version TRM", le ratio des demandes de monnaie est estimé par le ratio des populations:
eA/B = ( MB / NB ) / ( MA / NA ) ⇔
eA/B = ( MB / MA ) / ( NB / NA )
où NX est la population du pays X={A,B}.
À noter que NB / NA [équation n_eA/B=(MB/MA)/(NB/NA)] est facilement mesurable tandis qu'il est extrêmement difficile voir impossible d'estimer MdB / MdA [équation n_eA/B=(MsB/MsA)/(MdB/MdA)].
N.B. Cela ne vaut pas que pour la demande de monnaie, mais pour tous les autres biens & services. Prenons le cas d'un client cherchant des légumes dans l'étale d'un maraîcher. L'offre du marchand est relativement facile à évaluer : nombre, aspect, prix des légumes, etc. Par compte il est beaucoup plus difficile voire impossible d'évaluer ex ante la demande du client car on est ici moins dans le monde physique que dans le monde psychique du désir, des croyances et des doutes (parfois le client lui-même ne sait pas exactement ce qu'il veut !).
Marché. Étant donné qu'il existe des agents économiques (ménages, entreprises et États) souhaitant acheter/vendre des devises il existe naturellement un marché des changes. Selon l'évolution relative de l'offre et de la demande pour une devise, le cours de celle-ci évolue au cours du temps.
Les principaux acteurs du marché des changes sont les multinationales, les entreprises importatrices, investisseurs internationaux, banques et Banques centrales. Ce marché – planétaire, unifié et le plus automatisé – est organisé par quelques entreprises privées : une dizaine de banques contrôlent 66% des transactions de change [2016 - source p. 7]. Cet oligopole pratique impunément les conflits d'intérêt, opérant aussi bien pour leur clientèle que pour leur propre compte ...
Banque centrale. Pour influencer le cours de sa devise, l'autorité monétaire d'un État – sa Banque centrale – peut intervenir sur le marché des changes de trois façons :
Lorsque la BC vend de sa monnaie, elle la créé (ex-nihilo).
Mais pourquoi une autorité monétaire voudrait-elle influencer le cours de sa monnaie, alors que l'expérience montre que le contrôle des prix par l'État est souvent contre-productif (or le cours de change est le prix de la devise) ?
Incertitude. Une première raison est que l'incertitude induite par l'instabilité des cours de change (et des prix en général), non seulement nourrit la spéculation, mais aussi peut inciter les agents économiques à reporter des décisions de consommation ou d'investissement au niveau transnational. Ainsi des projets d'investissements peuvent être abandonnés parce que les hypothèses de prix sur lesquels ils ont été calculés ne sont plus réalistes. De ce point de vue est donc rationnel de préserver, dans la mesure du possible, une certaine stabilité de la monnaie nationale. La question fondamentale étant de savoir si, pour ce faire, l'intervention directe est la méthode la plus pertinente.
Balance extérieure. À un niveau plus macroéconomique, plus un pays est exportateur net (solde positif de la balance commerciale) plus sa monnaie tends à s'apprécier. Mais plus la monnaie nationale s'apprécie, plus il est difficile d'exporter (perte de "compétitivité prix"). La BC peut alors être tentée d'intervenir sur le marché des changes afin de stabiliser le cours de sa devise. Selon la même logique, mais inversée, un pays dont la balance commerciale se détériore gravement peut être tenté de dévaluer sa monnaie pour stimuler ses exportations.
Ceci dit, une politique de devise forte est souhaitable dans la mesure où elle limite l'inflation importée, mais elle n'est réaliste que si les produits/services exportées sont à haute valeur ajoutée. Cependant, pour développer un appareil productif performant (industrialisation), une politique de sous-évaluation de la devise est efficace, c'est ce qu'on fait l'Allemagne et le Japon des année 1950 à 1980 [source p. 104].
En théorie, plus un pays est importateur net (solde négatif de la balance commerciale) plus sa monnaie tend (ceteris paribus) à se déprécier, relativement à celle des pays d'où proviennent ces importations. Or cette dépréciation induit un effet auto-correcteur, puisqu'elle augmente le prix relatif de ces importations, ce qui pousse la demande intérieure à se tourner vers la production nationale (... pour autant qu'elle existe, en qualité pas trop inférieure !).
Il se pourrait donc – en théorie et abstraction faite d'autres effets, dont l'inflation – qu'une politique de change fixe, en empêchant ces ajustements automatiques de compétitivité prix, favorise les pays en excédant commercial, tandis qu'elle défavorise les pays en déficit commercial, pour qui un change "flottant" (variable) paraît préférable.
Le cas de la zone euro. Une illustration en est donnée par l'union monétaire européenne, système de change fixe entre ses pays membres, où l'établissement de l'euro fut accompagné d'un élargissement des différentiels d'excédents courants entre l'Allemagne et les pays du sud.
Balances courantes en zone euro
Ainsi le change variable propagerait la croissance des pays en excédent vers ceux en déficit extérieur. Cette thèse est à nouveau illustrée – a contrario – par l'Union européenne, où la comparaison avec les trois pays non membres (Islande, Norvège, Suisse) confirme que l'UE, et en particulier l'euro, nuisent au développement économique.
La colonne B du tableau suivant montre que sur la période 2000-2018 le taux de croissance annuel moyen du PIB des trois pays non membres de l'UE fut de 2,3% contre seulement 1,6% dans l'UE (et 1,4% dans la zone euro !). La colonne C montre que le taux de chômage moyen des pays non membres était de 3,8% fin 2018, contre 6,6% pour les pays membres de l'UE (7,9% dans la zone euro !). Enfin colonne D : durant la période 2007-2017 le solde public annuel fut en moyenne en surplus (3%) dans les trois pays non membres tandis qu'il fut en moyenne en déficit (-3,1%) dans les pays membres.
Indicateurs économiques européens
Cependant, l'effet de rééquilibrage automatique de la balance extérieure grâce au change flottant opère d'autant moins que le pays est dépendant des importations.
Il convient à cet égard de distinguer deux niveaux de dépendance aux importations :
dépendance forte : le pays n'a pas d'infrastructure productive compétitive pour substituer une production nationale aux biens & services importés, et en outre ceux-ci représentent une part importante des inputs du PIB --> la dévaluation induit une "inflation importée" qui annule les effets positifs de la dévaluation ;
D'après les modèles économétriques une dévaluation de 10% se traduit par une hausse de prix à la consommation de 3 à 4% dans les deux ans) [source p. 94].
dépendance faible : le pays dispose d'une infrastructure productive compétitive (aussi bien au niveau du facteur de production capital que travail) pour substituer une production nationale aux biens & services importés, ou bien ceux-ci représentent une faible part des inputs du PIB --> la dévaluation n'induit pas de substantielle "inflation importée".
Dévaluation interne. Par conséquent, plus la dépendance aux importations est forte plus la dévaluation/dépréciation de la devise nationale devra être accompagnée d'une forte "dévaluation interne" c-à-d de mesures visant à abaisser le coût des facteurs de production dans l'ensemble de l'économie, afin de neutraliser l'inflation importée. Le gouvernement devra maintenir ces mesures tant que le pays ne se sera pas doté d'une infrastructure compétitive pour produire lui-même les biens et services que le pays importait, ce qui requiert une dizaine d'années ...
Politique de développement. Il résulte de cette problématique que si le rééquilibrage des balances extérieures via le change flexible propage certes la croissance des pays exportateurs les plus prospères, cette source exogène de croissance doit cependant être accompagnée d'une politique de développement endogène dans les pays en déficit extérieur. En particulier il importe de développer la R&D, la formation des travailleurs et les infrastructures publiques. Autrement dit : aide-toi et le ciel t'aidera ...
La dépréciation d'une devise peut être causée pour d'autre raisons que l'effet d'équilibrage automatique des déséquilibres extérieurs. C'est notamment les cas des attaques spéculatives. Dans ce cas, l'autorité monétaire (la Banque centrale) peut être amenée à intervenir pour stabiliser sa devise, ou au contraire à se soumettre aux marchés si une éventuelle politique de change fixe n'est plus tenable.
Pour défendre sa monnaie sur le marché des changes contre une attaque spéculative une BC doit y acheter de sa monnaie nationale, c-à-d l'échanger contre la ou les devises par rapport auxquelles l'attaque est menée, ... ce qui requiert de disposer de suffisamment de réserves de devises étrangères.
Lorsque ses réserves de devises étrangères sont épuisées, reste à la BC la possibilité de relever ses taux d'intérêts, mais au delà d'un certain niveau l'effet sur la croissance économique est délétère. Éventuellement, les BC des devises de référence peuvent aider la BC dont la devise est attaquée, en tentant de déprécier leur propre devise, mais ce n'est pas nécessairement dans leur intérêt [source].
Dans le système monétaire européen auquel a succédé l'union monétaire la BC centrale allemand aidait souvent les BC d'autres pays du système à défendre leur devise. L'Allemagne était donc déjà en position de force lorsqu'elle a négocié l'abandon de sa souveraineté monétaire en faveur de l'euro ...
Conflits d'intérêt ? Se pose la question de la nuisibilité des entreprises financières privées (dont les banques), pour qui l'instabilité du marché des devises est source de revenus considérables, notamment par la spéculation et les produits de couverture de risque de change. Les banques peuvent donc avoir intérêt à attiser l'instabilité financière (par des campagnes médiatiques ou des techniques sophistiquées de manipulation de cours), et cela d'autant plus qu'elles sont en mesure d'exercer un chantage au risque systémique. Un argument de plus pour la nationalisation du secteur financier.
Les "produits financiers dérivés" (opération à termes, futures, options et swaps) peuvent servir à la fois comme instrument de couverture ou/et de spéculation ! Ainsi sur le marché des futures les opérateurs ne règlent que partiellement les contrats. Ils versent un dépôt de garantie ("deposit"), qui ne représente que 2% à 5% du montant total de la transaction réalisée. Les opérateurs disposent ainsi d'un effet de levier important, ce qui explique en partie le caractère très spéculatif du marché des futures, et notamment des futures sur devises [source p. 24].
Des économistes contestent cependant la nuisibilité attribuée à la spéculation, qui selon eux serait au contraire nécessaire au bon fonctionnement des marchés financiers, dont elle garantirait la liquidité en se portant contrepartie des opérations de couverture ("liquidité du marché") [source p. 33]. Quoi qu'il en soit il fait moins de doute que la spéculation attise l'instabilité des cours ...
Les trois instruments de la politique de change sont :
Réglementation. Plus la devise d'un pays est fragile, plus la Banque centrale sera tentée de déclarer sa non-convertibilitén c-à-d que la BC ne s'engage pas à l'échanger contre d'autres valeurs (devises, or, ...). D'autre part une BC peut très bien fixer différents taux de change officiels selon le type de produits/services importé. Enfin la BC peut limiter les capacités de spéculation des non-résidents contre la devise nationale en interdisant aux banques de leur prêter de la devise nationale. La BC peut en outre imposer aux banques le respect de règles prudentielles contre les risque de taux de change et d'intérêt. Enfin des mesures de restriction d'entrée ou sortie de capitaux peut permettre de neutraliser les risques de spéculation contre la devise nationale [source p. 90-91].
Dans les sections suivantes nous allons approfondir les deux autres instruments de la politique de change. Nous verrons en particulier que celle-ci est rendue plus ardue par le niveau élevé des volumes traités sur le marché des changes.
On peut distinguer deux types de régime de change :
fixe : l'objectif est de limiter les incertitudes liées au risque de change ; pour ce faire la BC intervient sur le marché des changes, afin de maintenir le cours de sa devise dans des limites inférieure et supérieure autour d'une valeur de référence appelée "cours pivot", déterminée par rapport à une devise internationale (par exemple le dollar) ou encore la valeur moyenne d'un panier de devises :
flexible : le principe est de laisser l'évolution du taux de change agir comme stabilisateur automatique des déséquilibres extérieurs.
D'un point de vue théorique on peut dire que le change fixe est une politique monétaire court-termiste tandis que le change flottant correspond à une approche plus "en profondeur" et durable.
En régime de change fixe, on parle de "dévaluation vs réévaluation", tandis qu'en change flexible (on dit aussi "flottant" ou variable") on parle de "dépréciation vs appréciation".
Il y a une différence de nature entre dépréciation et dévaluation d'une devise (par rapport à une autre, qui "s'apprécie" dans le premier cas, et "est réévaluée" dans le second) :
la dépréciation est un phénomène spontané et continu, inhérent aux devises d'économies en déficit de la balance extérieure dans un système de change flexible ⇔ elle est le mécanisme par lequel peut le mieux opérer l'effet de propagation de croissance des pays en excédent commercial vers leurs partenaires en déficit ;
le dévaluation est un phénomène dirigé et discontinu, inhérent aux devises d'économies en déficit de la balance extérieure dans un système de change fixe ⇔ elle est donc l'expression de l'échec de la politique de change fixe ! Elle peut en outre être perçue par les pays partenaires commerciaux comme un acte de "guerre économique", et ainsi entraîner des dévaluations de rétorsion : c'est la "guerre des changes". Enfin la nature discontinue de la dévaluation implique que ses effets sont de plus grande ampleur et plus brutaux, relativement à une dépréciation.
Depuis la fin des années 1990 le FMI considère huit régimes de change, du plus rigide au plus flexible [source p. 85] :
Nous avons vu que plus la dépendance aux importations est forte plus la dévaluation/dépréciation devra être accompagnée d'une forte "dévaluation interne" c-à-d de mesures visant à abaisser le coût des facteurs de production dans l'ensemble de l'économie, afin de neutraliser l'inflation importée.
Il importe cependant de distinguer deux types de "dévaluation" interne (DI) :
la DI d'accompagnement : accompagner une dévaluation (externe) dans un pays fortement dépendant des importations, dans le but de neutraliser l'inflation importée ;
la DI de substitution : dans une union monétaire, DI appliquée en tant que substitut à une dévaluation externe entre pays de l'union monétaire, dans le but de rétablir l'équilibre des balances commerciales.
Zone euro. Ainsi depuis l'instauration de l'euro, les pays du nord de l'UE (surtout l'Allemagne) voient leur surplus extérieur s'améliorer constamment, les pays du sud de l'Union européenne – qui sont (logiquement) dans la situation inverse – n'ont plus la possibilité de dévaluer (ou laisser se déprécier) le taux de change de leur ancienne monnaie nationale pour relancer les exportations (et partant le reste de l'économie, pour autant que l'effet inflationniste du renchérissement des importations soit neutralisé). Dans la zone euro, la DI de substitution est ressentie d'autant plus durement par la majorité de la population que les "variables d'ajustement" alternative ou complémentaire que constituent la mobilité des travailleurs (sud --> nord) et les transferts financiers (nord --> sud) sont limitées voire inexistantes : barrières culturelles (dont la diversité linguistiques) et absence de système socio-fiscal européen.
Force est de constater que c'est essentiellement sur les salaires c-à-d sur le travail que sont réalisées les "dévaluations" internes : réduction des salaires de l’administration publique, du salaire minimum légal, de l'indexation salariale, de la fiscalité sur le travail avec hausse compensatoire de la TVA ("dévaluation fiscale"), etc.
Force est de constater que les plus riches sont nettement moins sollicités pour participer à l'effort, en réduisant leurs dividendes pour accroître d'autant les investissements. Cela montre bien qu'il importe d'avoir des entreprises 100% publiques dans tous les secteurs stratégiques, ou/et un système de sécurité sociale développé.
Globalement, la dévaluation s'avère bénéfique si l'amélioration de la compétitivité prix l'emporte sur la dégradation du pouvoir d'achat des agents économiques.
"Dévaluation" fiscale
Le principe de "TVA sociale" consiste à à déplacer la pression fiscale de la production vers la consommation, en remplaçant des cotisations sociales par une hausse de la TVA.
Ce faisant, la compétitivité prix des exportations s'améliore (car les exportations sont exonérées de TVA), tandis que les productions importées deviennent plus chères (par la hausse de la TVA). En terme d'inflation, la hausse de la TVA annule la baisse des cotisations sociales, mais demeure l'inflation importée. Au total, la TVA sociale est donc équivalente à une dévaluation monétaire, raison pour laquelle elle est également appelée "dévaluation fiscale".
Cependant, selon une étude publiée en 2015, l'effet de relance de la TVA sociale sur le PIB, l'emploi et les échanges extérieurs serait relativement faible ... [source]. Cela peut s'expliquer par le fait que la TVA sociale réduit l'effet redistributif (la consommation représentant un part plus grande du revenu des plus pauvres, relativement aux plus riches), ce qui nuit à la croissance comme le confirment deux études de l'OCDE et du FMI [FMI-2015, OCDE-2014].
Suite à la décision des USA de mettre fin à la convertibilité du dollar en or au début des années 1970 (cf. accords de la Jamaïque), la volatilités des taux de change fut démultipliée, ce qui stimula le développement des produits dérivés, utilisés pour couvrir le risque de change mais aussi pour spéculer sur les devises (ce qui attise leur volatilité).
Mesurés en USD, le DEM s'est fortement apprécié entre 1970 et 1998 tandis que le FRF s'est légèrement déprécié [source].
Financiarisation. Avec la "vague néolibérale" concomitante au démantèlement de l'URSS durant les années 1980, les mouvements de capitaux furent libérés (leur contrôle serait devenu inefficace et nuisible au développement des entreprises ...). Il en a résulté une explosion des balances des capitaux relativement aux balances commerciales dans la balance des paiements des pays, ce qui implique une influence plus lourde de la sphère financière sur la volatilité des taux de change et d'intérêt. Et cela d'autant plus qu'en raison de la numérisation quasiment intégrale de la sphère financière, les capitaux financiers sont devenus nettement plus mobiles (⇑ vitesse et ⇓ coût de transport) que les machines et les travailleurs.
Les échanges commerciaux n'expliquent donc plus qu'une petite fraction de l'activité globale du marché des changes. Aujourd'hui, l'essentiel des opérations de change est la contre-partie d'opérations financières et de mouvements internationaux de capitaux (gestion de portefeuille et spéculation) dont l'importance est devenue prépondérante dans les échanges entre pays. On estime que les opérations de change induites par des opérations financières sont en moyenne cent fois supérieures au montant des échanges internationaux de biens et services [source p. 41].
Certains économistes monétaristes en concluent que la politique de change devrait être conçue en fonction d'une « demande mondiale de monnaies » (induite par le commerce internationale, mais surtout par la gestion de portefeuilles) et par conséquent favoriser les coopérations monétaires internationales. Or si la coopération internationale est certes louable, il y a cependant un problème démocratique à déterminer la politique de change en fonction de la sphère financière (qui n'est le fait que d'une minorité de riches) plutôt qu'en fonction de la sphère réelle. Il faudrait plutôt des mesures plus assertives visant à reconnecter la sphère financière à la sphère réelle. Nous y reviendrons plus loin.
D'autre part le marché des changes est le fait quasiment exclusif d'un nombre de plus en plus réduits de banques (privées) de tailles de plus en plus grandes. Cette évolution est dangereuse pour l'économie mondiale.
On notera enfin qu'entre 1989 et 2016, la part du dollar dans les transactions de change n'a quasiment pas changé, de sorte que la devise US demeure de loin la première "devise internationale". Autre fait notable : la part de l'euro – seconde devise internationale – n'a pas augmenté (elle a même légèrement baissé !) par rapport à la part que représentaient les monnaies qu'elle a remplacées ... [source p. 41].
Dans les années 1960 les économistes Mundell et Fleming énoncèrent une théorie suggérant qu'un pays qui veut maintenir des changes fixes, ou quasi-fixes (comme dans le système monétaire européen qui avait précédé l'Union monétaire), sans pouvoir contrôler les mouvements de capitaux ne peut pas avoir de politique monétaire autonome ("triangle d'incompatibilité").
Selon ce principe économique un pays ne peut simultanément appliquer les trois mesures économiques suivantes :
Autrement dit, il est possible de vérifier ces options en binôme (deux par deux) mais pas en trinôme (les trois à la fois). Ainsi par exemple si un pays veut mener une politique de change fixe mais qu'il n'est pas capable de contrôler efficacement les flux de capitaux, alors il doit renoncer à mener une politique monétaire autonome.
Certains économistes voient dans la théorie de Mundell et Fleming une justification de l'union monétaire européenne créée en 2000. Cependant nous verrons dans la section suivante que l'union monétaire n'est pas solution miracle tant espérée : il n'est pas évident que ses avantages l'emportent sur ses inconvénients (et cela en faisant abstraction du fait que certains problèmes qu'elle est supposée solutionner ne sont en réalité que reportés à la relation de la monnaie unique avec les monnaies du reste du monde).
D'autre part on notera que le pourtant très libéral FMI a reconnu l'utilité du contrôle des capitaux, du moins dans les pays émergents [source, 2015], ce qu'avait illustré notamment le contrôle des entrées de capitaux au Chili et des sorties de capitaux en Malaisie durant les crises de change de la fin des années 1990.
Une forme de contrôle des capitaux est la taxe Tobin dans la mesure où elle freine la mobilité du capital en accroissant son coût (selon Tobin elle devrait être faible, de manière à ne pénaliser que les transactions spéculatives de va-et-vient à très court terme entre devises). À noter cependant que si une telle taxation des transactions monétaires internationales peut limiter la volatilité à court terme des changes, ce n'est probablement pas le cas des sur- et sous-estimations durables de devises ("mésalignements").
À priori l'union monétaire présente des intérêts théoriques :
Coût de financement des États. Les pays dont la monnaie avaient connu avant l'union monétaire de récurrentes dévaluations ont bénéficié d'une prime de risque inférieure sur le taux d'intérêt des emprunts d'État, cependant :
Les pays dont la monnaie avaient connu avant l'union monétaire de récurrentes dévaluations ont certes bénéficié, suite à l'union monétaire autour de l'euro, d'une prime de risque inférieure sur le taux d'intérêt des emprunts d'État. Mais, d'autre part, la résorption des déséquilibres des balances commerciales via les taux de change n'étant plus possible, cette résorption se fait alors intégralement par dévaluations internes" (baisse des salaires et des dépenses de SS).
Mais ce n'est pas tout ...
Critères "de convergence". Lors des négociations préalables à la création de l'Union monétaire européenne, l'Allemagne a obtenu en échange de son renoncement à une politique monétaire indépendante, et pour éviter de devoir venir en aide à des pays de la zone euro, que toutes les politiques budgétaires nationales de l'Union soient également contingentées. Ce sont les critères de convergence du Traité Maastricht, règles sans aucun fondement scientifique, incitant les États membres maintenir ou ramener leur dette publique en dessous de 60% du PIB, et leur solde budgétaire annuel au-dessus de -3% du PIB.
La contrainte des critères de convergence est certes appliquée avec une certaine souplesse, laissant opérer la fonction contracyclique du déficit budgétaire, à savoir en période de récession, la stabilisation automatique de la demande via les dépenses de chômage et la baisse des recettes fiscales. D'autre part les critères de Maastricht ne sont certes effectivement contraignants que lorsque les pays en défaut sollicitent une aide financière à l'ensemble des pays membres (lesquels vont alors la conditionner).
Mais il reste que la motivation historique des critères de convergence repose bien sur l'absence de solidarité intra-européenne de la part de l'Allemagne (et probablement des autres pays membres les plus riches), de sorte que la probabilité est quasiment nulle qu'un véritable État européen avec un budget (pour le développement économique et la sécurité sociale) puisse un jour se substituer aux États membres. Et si l'on calibrait la sécurité sociale de cette UE hypothétique sur celle du pays membre actuellement le moins avancé en la matière, on provoquerait une épouvantable régression sociale dans le reste de l'UE, et probablement des soulèvements populaires. L'UE est donc une impasse.
La comparaison de la zone euro avec le groupe des pays non-membres de l'UE (Islande, Norvège, Royaume-Uni, Suisse) confirme que l'UE, et en particulier l'euro, nuisent au développement économique. Ainsi le tableau suivant montre que le groupe des pays non-membres de l'UE est en moyenne plus performant que l'UE : croissance du PIB supérieure, avec moins d'inflation et moins de chômage.
Indicateurs économiques européens
Tableur : europe-indicateurs.ods ; source : FMI.
On notera que trois des quatre pays non-membres sont des pays de moins de 10 millions d'habitants, et où la démocratie est particulièrement développée.
Le cas de l'UE suggère que les inconvénients de l'union monétaires sont au moins aussi prégnants que ses avantages. Selon nous l'euro est une stratégie de classe dirigeante qui va à l'encontre des intérêts de la majorité de la population. On constatera à cet égard l'incohérence qu'il y a considérer que le change fixe serait approprié entre l'Allemagne et la Grèce, alors que la Banque centrale européenne elle-même ne vise pas un change fixe avec des pays non européens (PS : l'union monétaire est une forme de change fixe entre pays membres). En particulier il est absurde de considérer que le change variable serait approprié entre l'Allemagne et les USA, mais pas entre l'Allemagne et la Grèce, alors qu'en termes de structure et niveau de développement l'économie allemande est bien plus proche de l'américaine que de la grecque.
De la non pertinence des unions monétaires (0m43s - 2017)
Lors d'une conférence présentée à l'Académie royale de Belgique en 2017, Mario Telò, professeur de relations internationales et spécialiste de l'Union européenne, explique que les organisations régionales comparables à l'UE (notamment l'ASEAN) ont bien compris, au vu de l'expérience européenne, « qu'il ne faut pas se lancer dans une union monétaire ».
Faut-il préférer le "laisser faire" du change variable, ou l'interventionnisme du change fixe ?
Le change fixe limite l'incertitude liée au risque de change, qui est défavorable aux investissements et à la consommation. Cependant le maintient d'un change fixe :
En outre le risque de change – c-à-d la volatilité du change, à ne pas confondre avec des sous- ou sur-évaluation durables d'une devise ("mésalignements") – peut être couvert au moyen d'instruments financiers : opération à termes, futures, options et swaps.
Conflits d'intérêt. À noter cependant que ces produits dérivés peuvent servir à la fois comme instrument de couverture ou/et de spéculation ! Ainsi sur le marché des futures les opérateurs ne règlent que partiellement les contrats. Ils versent un dépôt de garantie ("deposit"), qui ne représente que 2% à 5% du montant total de la transaction réalisée. Les opérateurs disposent ainsi d'un effet de levier important, ce qui explique en partie le caractère très spéculatif du marché des futures, et notamment des futures sur devises [source p. 24]. D'autre part les opérateurs du marché des instruments de couverture sont des entreprises privées. Leur objectif de maximisation des profits induit donc un conflit d'intérêt : pour maximiser la vente de ces instruments ils ont intérêt à attiser l'instabilité des marchés financiers, notamment par la spéculation. Il importe donc que chaque pays nationalise les grands opérateurs du marché des produits dérivés.
Enfin la dépréciation/dévaluation d'une monnaie induit certes une inflation importée. Cependant celle-ci sera d'autant plus limitée que les biens importés ne sont pas indispensables, et dans le cas contraire, qu'il existe une production nationale. Une dépréciation/dévaluation peut être ainsi l'occasion de développer des secteurs économiques nouveaux.
La politique de change ne peut être conçue indépendamment des politiques monétaire, commerciale et industrielle. Or nous recommandons :
au niveau de la politique monétaire, (i) de créer la monnaie au rythme constant déterminé par la théorie relative de la monnaie (soit environ 6%, ce qui est proche de la moyenne historique) ; et (ii) de distribuer la création monétaire également et gratuitement entre les seules personnes physiques [approfondir] ⇔ les banques ne peuvent donc plus créer de monnaie (leur coefficient de réserve obligatoire est de 100%) ⇒ leur capacité à attiser l'instabilité monétaire via la spéculation est considérablement réduite;
⇒ la sphère financière étant ainsi reconnectée à l'économie réelle (limitation des écarts de richesse, neutralisation des bulles spéculatives, ...) le change flottant retrouve l'intégralité de sa fonction d'ajustement automatique des déséquilibres commerciaux.
au niveau de la politique commerciale, d'oeuvrer à la création d'une Confédération des États, permettant de conditionnaliser le principe de libre-échange au respect de normes visant à neutraliser le dumping social, environnemental et fiscal, déterminées et mesurées par la Confédération ;
⇒ dès lors que la dévaluation peut-être considérée comme une mesure protectionniste, celle-ci peut alors être justifiée vis-à-vis des pays ne respectant pas les normes anti-dumping, tandis que leur respect abaisserait le potentiel de variation des taux de change.
au niveau de la politique industrielle, de développer une économie mixte, où la part des entreprises (100%) publiques dans le PIB serait nettement plus élevée qu'aujourd'hui [approfondir] ;
⇒ l'inflation importée par une dépréciation de la monnaie nationale est limitée, ou peut être rapidement neutralisée par le développement d'une production nationale.
Plus ces mesures seront généralisées à l'échelle mondiale moins il y aura d'instabilité sur le marché des changes (et les marchés financiers en général). En l'absence de vérification de ces conditions de fond il est logique que les accords internationaux conclus pour stabiliser l'économie mondiale soient généralement sans effets notables.
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Auteur : F. Jortay | Contact : | Suivre : infolettre